17 mars : 5° dimanche de carême : Sommes-nous animés du grand désir de voir Jésus ?

Je me rappelle, quand j’étais au lycée, nous avions un prof de physique qui, très régulièrement, répondait de cette manière à ceux qui posaient une question, il leur disait : ta question est le type même de la question idiote, mais tu as bien fait de la poser, ça évitera aux autres de le faire ! Je peux vous dire que, au fur et à mesure que les semaines s’écoulaient, il y avait de moins en moins d’élèves qui posaient des questions !

A l’inverse, on peut dire que la question que posent les Grecs dans l’Evangile est le type même de la question intelligente ! Nous voudrions voir Jésus ! Je parle de question car on sent bien que, en fait, ils demandent comment il faut s’y prendre pour voir Jésus. Oui, que pourrait-il y avoir de mieux, de plus grand que ce désir de voir Jésus ? J’espère que ce désir nous anime tous ! 

Vous savez qu’il animait déjà Thérèse d’Avila quand elle n’était encore qu’une enfant. Elle avait compris que le moyen le plus court pour aller au ciel, pour voir Dieu tout de suite, c’était le martyre. Alors, un jour, elle entraîne son frère Rodrigo, de quatre ans son aîné, dans une fugue au pays des Maures, dans l’espoir de se faire couper la tête et elle explique : c’est perdre peu pour gagner un bonheur qui doit durer « toujours, toujours, toujours ! La famille très inquiète de ne plus trouver les deux enfants lance un oncle à leur recherche. Quand, enfin, il les rattrape l’oncle va les sermonner, et c’est là que Thérèse répond : « Je veux voir Dieu, et pour voir Dieu, il faut mourir, c’est pour cela que je suis partie ! » 

En grandissant, Thérèse comprendra qu’il n’est pas nécessaire de mourir pour voir Dieu et elle enseignera dans la voie de l’oraison carmélitaine, comment le voir avec les yeux de son cœur. C’est ce que le père Philippe Asso a proposé de découvrir dimanche après-midi dernier, qu’il approfondira encore ce dimanche et dimanche prochain. N’hésitez pas à participer si, vous aussi, vous voulez voir Dieu !

Mais revenons à ces Grecs de l’Evangile qui vont trouver Philippe pour lui dire : nous voudrions voir Jésus ! Pourquoi sont-ils allés voir Philippe ? Parce que c’était lui qui passait par là ? Parce que c’était lui qui semblait le plus sympa, le plus ouvert dans le groupe des apôtres ? Je ne le pense pas ! Ils vont voir Philippe parce qu’il était un peu l’un des leurs. En effet, Philippe, c’est un nom à consonnance grec, phil-hypos, l’ami des chevaux. Comme, par ses origines, il est proche de ces Grecs, ils pensent que leur démarche a plus de chance d’aboutir. Mais ils ne vont pas voir Philippe seulement parce qu’il est proche d’eux, ils vont le voir aussi et surtout parce qu’ils savent qu’il est proche de Jésus, ce Jésus qu’ils cherchent à voir.

Mine de rien, nous avons là des renseignements extrêmement précieux pour nous, aujourd’hui. En effet, je crois qu’aujourd’hui, il y a sans doute plus de personnes qu’on ne le pense qui veulent voir Jésus, qui sont en recherche. En tout cas, nous, ici, au sanctuaire, nous en sommes témoins. Alors vous pourriez me dire que ceux qui viennent au sanctuaire, c’est Marie qu’ils viennent rencontrer. Oui, c’est vrai, mais Marie, comme le montre notre statue de Notre Dame de Laghet et tant d’autres statues, elle tient Jésus dans ses bras et elle n’a qu’un seul désir : nous donner Jésus, nous conduire à Jésus, permettre à tous ceux qui le cherchent sans toujours bien en être conscients de voir Jésus. Et, aujourd’hui, comme hier, ceux qui voudraient voir Jésus ne viendront nous demander de jouer les intermédiaires que si, à l’image de Philippe, nous sommes proches d’eux et proches de Jésus. Pour les chrétiens cette double proximité sera toujours à soigner : proche des hommes, c’est-à-dire empathiques, sans surplomb, à leur écoute … et proches du Seigneur. En son temps, le pape Paul VI avait eu une très belle réflexion sur le sujet, je vous le cite : Le monde qui, paradoxalement, malgré d’innombrables signes de refus de Dieu, le cherche cependant par des chemins inattendus et en ressent douloureusement le besoin, le monde réclame des évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent comme s’ils voyaient l’invisible. (Evangelii Nuntiandi n°76)

Maintenant attachons-nous à comprendre la réponse que Jésus adresse à ceux qui le cherchent. Parce que cette réponse, à 1° lecture, elle nous semble hors sujet ! Pourquoi Jésus parle-t-il de son heure, de perdre sa vie, pourquoi cette parabole du grain de blé en réponse à cette demande ?

Pour comprendre un texte, il est souvent très profitable de le remettre dans son contexte. Cet Evangile, il est tiré du chapitre 12 de St Jean. Or, au chapitre précédent, Jésus a ressuscité Lazare. Cet acte de puissance a beaucoup contribué à la renommée de Jésus, à tel point que l’épisode de la résurrection de Lazare se terminait par cette mention : Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui. (11,45) Il est bien possible que ces Grecs voulaient voir Jésus parce qu’ils avaient entendu parler de sa puissance, une puissance qui le rendait capable de ressusciter les morts ! Mais Jésus ne veut pas les leurrer, il leur annonce ce qu’il va bientôt vivre : la gloire selon les critères des hommes, c’est fini ! S’ils sont venus à cause de son coup d’éclat, inutile d’aller plus loin ! S’ils sont venus voir un faiseur de miracles pour essayer d’acquérir ses pouvoirs, ils font fausse route ! 

En effet, dans quelques jours, s’ils restent avec lui, ils risquent d’être choqués, déstabilisés car il ressemblera au grain de blé que l’on enfouit dans la terre. Jésus annonce donc clairement sa mort et sa mise au tombeau. Mais, par cette parabole du grain de blé, il invite déjà à porter un regard de foi sur les événements qui arriveront bientôt. Oui, il est bien mort, le grain de blé porté en terre, mais c’est en mourant qu’il va donner du fruit, c’est ce qui arrivera à Jésus. Il va mourir et de quelle manière, mais sa vie, nul ne la lui prend, c’est lui qui la donne et c’est parce qu’elle est donnée dans l’amour qu’elle pourra s’épanouir en vie éternelle et porter beaucoup de fruits.

Et Jésus annonce que cela n’est pas vrai que pour lui, c’est une règle qui va s’imposer désormais pour tous les croyants. Il s’adresse donc aussi à ces Grecs qui voulaient le voir et au-delà d’eux à tous les hommes de tous les temps désireux de le voir. A travers cette parabole, il explique que tout ce que nous donnons porte du fruit ; il explique que lorsque nous nous donnons, nos vies portent du fruit. Pour ce grand principe, la meilleure illustration que je connaisse, c’est mère Térésa qui l’avait formulée et l’avait fait graver sur le fronton de la porte de cette maison à Calcutta où elle accueillait tous ceux qui étaient rejetés, elle avait fait écrire ces quelques mots : Tout ce qui n’est pas donné est perdu ! Et tout ça, ce n’est pas de la poésie pieusarde ! Vous avez entendu qu’une voix jaillie des cieux est venue le confirmer. Le Père du ciel n’intervient pas à tort et à travers, raison de plus pour être très attentifs quand il parle et, là, il parle pour confirmer ce que Jésus vient de dire. Le chemin de la Vie passe par le don de nous-mêmes. Tout ce qui n’est pas donné est perdu !

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de puiser dans le don de Jésus pour nous donner toujours mieux car c’est ainsi que nous sèmerons la vie autour de nous.

Laisser un commentaire