Une journée à Gorée
Vendredi 8 janvier nous sommes partis à Gorée, je dis nous parce qu’il y avait 3 membres du Foyer qui m’accompagnaient et François un ami du Foyer qui nous conduisait et qui a passé la journée avec nous.
Gorée est une petite île qui se trouve dans la baie de Dakar, il suffit d’une petite demi-heure de bateau pour y parvenir.


Cette île a une longue histoire que je ne vais pas détailler … ceux qui sont intéressés trouveront des articles intéressants sur internet. En résumé, on peut dire que l’île a été découverte en 1444 par des marins portugai. La marine hollandaise va s’en saisir en 1588 qui la rebaptisa ”Goede reede” qui signifie bonne rade et c’est avec ce nom hollandais que sera formé le nom français : les deux premières lettres du 1° mot hollandais et les trois premières lettres du 2° mot = Gorée. Le 1er novembre 1677, le vice-amiral d’Estrées s’en emparera pour le compte du roi de France.
Pourquoi cette île a-t-elle été tant convoitée ? D’abord parce qu’elle est très belle ! Quelques vues peuvent l’attester.


Mais c’est surtout sa situation qui a fait de L’île de Gorée un site très convoité. Elle présentait bien des avantages pour les marins marins : mouillage sûr, proximité d’un continent avec lequel s’ouvraient de grandes possibilités de commerce et facilités de défense du lieu. Autant de raisons pour que les puissances européennes se la soient disputée.

Comme l’île était idéalement placée sur la route maritime du commerce, elle va vite devenir une plaque tournante de ce qu’on a appelé le commerce triangulaire et c’est ainsi qu’elle va devenir tristement célèbre. Qu’entend-on par commerce triangulaire ? C’est le fait que les commerçants aient voulu rentabiliser leurs voyages en ne faisant aucun voyage “à vide” ! En Afrique, ils partaient avec leurs bateaux chargés d’alcool, d’armes, de bijoux qu’ils offraient généreusement aux rois ou chefs des tribus africaines qui, en échange, leur livraient des esclaves qu’ils chargeaient dans leurs navires qui s’étaient donc vidés de toute cette pacotille qu’ils pouvaient généreusement offrir puisqu’ils allaient retirer un bénéfice extraordinaire de la vente des esclaves qu’ils allaient conduire en Amérique, aux Antilles. Ces esclaves, une fois vendus sur place iraient travailler dans les champs de coton, de canne à sucre … Et le bateau reviendrait chargé de ces produits recherchés en Europe que sont le sucre, les épices, les bois précieux …

C’est donc dans ce commerce triangulaire que s’est illustré tristement l’île de Gorée. Elle réceptionnait ces hommes, ces femmes, ces enfants qui avaient été fait prisonniers à l’intérieur du continent. L’esclavage résulte donc d’une complicité honteuse entre des blancs avides de faire de l’argent à n’importe quel prix et de certains responsables noirs dévoyés, capables de vendre leurs frères en échange de cadeaux.
On peut facilement imaginer la vie de ces prisonniers à leur arrivée à Gorée. Evidemment, Gorée n’était pas la seule base pour ce commerce triangulaire … mais c’est elle qui a été sauvegardée comme lieu de mémoire. D’abord les familles qui arrivaient étaient séparées systématiquement les hommes d’un côté, les femmes mûres d’un autre, les jeunes filles à part et les enfants entre eux … tous partiront … sauf les jeunes filles tombées enceintes car violées sans arrêt par leurs geôliers, elles, elles resteront comme domestiques des habitants, militaires et commerçants de Gorée. Une visite de la fameuse maison des esclaves s’impose ! Une très belle maison, comme vous allez le voir !


Mais évidemment, ça c’était la partie de la maison réservée aux propriétaires et à ceux qui s’occupaient du commerce des esclaves. Pour ces derniers, il en allait tout autrement ! Si à l’étage, c’est le paradis, au Rez-de-chaussée, c’est l’enfer !

Ils étaient 15 à dormir tête-bêche dans l’une de ces pièces, ne sortant qu’une fois par jour à la lumière pendant 1/2 heure pour faire leur besoin et recevoir un seau d’eau en guise de toilette … ceux qui n’étaient pas arriver à faire leurs besoins dans cette “sortie” devront les faire au milieu des autres ! On engraissait les plus maigres pour qu’ils ne meurent pas dans la traversée. Quelques photos qui laissent deviner l’horreur.




Au bout d’un certain temps allait venir le temps du départ pour ces esclaves. Ils passeront tous par cette fameuse porte du non-retour qui permettait aux bateaux de charger directement dans leurs cales, ce qu’ils considéraient comme une vulgaire marchandise humaine.


Il faut essayer d’imaginer ce qu’étaient les conditions de vie dans les cales des bateaux. La hauteur de ces cales ne permettaient pas aux esclaves de se tenir debout, ils devaient rester couchés serrés comme des sardines comme le montre le schéma enchainés les uns aux autres, se vomissant les uns sur les autres … Une fois par jour ils montaient sur le pont pour les besoins et la toilette : un seau d’eau de mer ! C’est là qu’avaient lieu les tentatives de mutinerie sévèrement réprimées, mais pas trop quand même car il fallait qu’ils arrivent vivants et pas trop esquintés pour être vendus à un bon prix.



Et une fois, arrivés, c’était une autre galère qui commençait … ce que ce tableau représente et laisse imaginer

Gorée est devenu un lieu de mémoire très fréquenté. Les plus grandes personnalités sont venues se recueillir ici, on se souvient le la visite du pape Jean-Paul II.

Oui, comment est-ce possible ? Comment des hommes ont-ils pu faire cela à d’autres hommes ? Ici le mystère du Mal fait froid dans le dos. On dit que ceux qui habitaient l’étage supérieur de la maison se saoulaient sans arrêt pour ne pas trop penser à ce qu’ils faisaient, signe qu’ils avaient quand même un brin de conscience, mais une conscience pas suffisamment forte et formée pour dire : stop !

Ceci dit, ne nous indignons pas trop vite de ce qui s’est fait dans le passé. Nous avons connu nos heures sombres de complicité … Gorée est jumelée avec Drancy pour le rappeler.

Et puis, aujourd’hui encore, nous fermons les yeux sur tant d’injustices, une plaque en mémoire du père Joseph, fondateur d’ATD-quart monde, le laisse entendre.

Oui, je peux le dire Gorée a touché mon coeur et je voudrais que mon indignation ne reste pas qu’intellectuelle ou émotive !

Une petite ballade s’impose pour faire retomber la pression !












Merci pour ce beau récit de voyage… Ca travaillera nos consciences… La mienne en tout cas.
Le poids des maux, le choc des photos.