Vraiment le lectionnaire ne simplifie pas la tâche des prédicateurs ! En effet, si vous avez Prions en Eglise ou si vous regardez l’application de votre smartphone qui vous donne les lectures du jour, en lisant les références de la lecture d’aujourd’hui, vous constaterez, premièrement qu’on a sauté un chapitre ½ par rapport à la lecture d’hier et que, à l’intérieur même de cette lecture, on a sauté des versets ! Du coup, c’est très compliqué pour commenter. Je comprends bien les rédacteurs du lectionnaire, le texte biblique étant très long, il leur était difficile de tout nous faire lire en si peu de jours. OK, mais ça devient compliqué de trouver le sens des paroles que nous entendons avec tout ce qui a été sauté. Alors, comme hier, je vais raconter ce qui a été sauté.
Je vous rappelle que nous sommes engagés dans ce long processus qui conduira Joseph à accorder son pardon à ses frères et à ses frères de pouvoir accueillir ce pardon en ayant reconnu l’énormité de leur faute à l’égard tant de Joseph que de leur père. Hier, la lecture se terminait avec la demande de Joseph qui exigeait que Benjamin, le plus jeune de la fratrie, lui soit présenté : il voulait vérifier que Benjamin n’avait pas subi le même sort que lui. Pour être sûr que les frères reviennent, Joseph avait gardé Siméon, un des frères en otage. Les autres retournent donc vers leur père pour chercher Benjamin, je passe sur les péripéties du voyage ! Quand ils arrivent, ils expliquent au père qu’ils ne sont pas au complet car celui qu’ils nomment encore l’Egyptien a gardé l’un d’eux en otage parce qu’il veut voir Benjamin. Le père ne veut pas en entendre parler, il pense avoir perdu Joseph, il ne veut pas perdre Benjamin. Réagissant ainsi, il montre à nouveau qu’à ses yeux tous ses enfants n’ont pas la même valeur. S’il n’accepte pas que Benjamin parte, Siméon, resté en otage, ne pourra jamais revenir, mais ça ne semble pas trop le chagriner ! A force de discussions, Jacob va finir par céder et Benjamin partira.
On imagine la joie de Joseph en revoyant son frère et surtout en constatant qu’il est en bonne santé. Cette joie, il la cache puisque ses frères ne l’ont encore pas reconnu. Cette joie va le pousser à donner un repas sur lequel, avec plus de temps, on pourrait souligner pas mal de détails. Après ce repas et une nuit pour s’en remettre car les frères ont abusé d’alccol, toute la fratrie se met en route pour rentrer à la maison du père. Oui, mais il y a un problème, ils n’ont toujours pas reconnu Joseph et Joseph ne s’est pas fait reconnaître, le pardon n’a pu être donné et reçu, l’histoire ne peut donc se terminer ainsi. Alors, pour que ça ne se termine pas en eau de boudin, Joseph va chercher à tester ses frères, pour cela, il invente un stratagème très surprenant. Il demande à son majordome de glisser discrètement une coupe de valeur dans les affaires de Benjamin. Et au bout d’un moment, il lance sa garde à la poursuite des frères ; quand ils sont rattrapés, on leur explique qu’un vol a été commis, une coupe a disparu et que l’Egyptien a annoncé que celui qui serait retrouvé détenteur de cette coupe deviendrait son esclave. Les frères sont tranquilles, personne n’a rien volé … sauf qu’en fouillant, on trouve la coupe qui avait été glissée dans les affaires de Benjamin ! Il est donc condamné à devenir esclave ; Benjamin et les autres sont reconduits pour comparaître devant l’Egyptien. Et c’est là que nous en arrivons à la lecture d’aujourd’hui !
Juda, l’un des frères va prendre la parole et c’est sa plaidoirie que nous avons entendu, il va demander à l’Egyptien de renoncer à son projet car s’ils rentraient sans Benjamin, leur père en mourrait de chagrin, il ne pourrait supporter d’avoir perdu successivement ses deux fils préférés. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce discours va avoir de l’effet puisque Joseph, ayant fait sortir tout le monde, décide de se faire reconnaître à ses frères. Son stratagème a marché, il voulait voir si ses frères étaient restés mauvais, il a la preuve que non. C’est Benjamin qui était accusé, le nouveau chouchou, alors, les autres, allaient-ils se réjouir qu’il soit accusé et ainsi avoir une bonne occasion de se débarrasser de lui comme ils s’étaient débarrassés de Joseph ? Eh bien, non ! La fratrie va trouver une nouvelle unité, une unité jamais encore vécue. Face à cet événement, Juda explique qu’ils ne rentreront pas sans Benjamin. Et non seulement la fratrie est ressoudée, mais en plus, ils retrouvent des sentiments à l’égard de leur vieux père qu’ils avaient accablé de chagrin en laissant croire que Joseph était mort. Quel chemin parcouru ! Mais il aura fallu beaucoup de temps pour y parvenir, ce chemin est symbolisé par ces multiples aller-retour.
Je le redis : n’allons pas trop vite, ne vivons jamais le pardon à marche forcée, personne n’a rien à y gagner, ce texte le montre tellement bien.
Est-ce fini ? Pas tout à fait ! Il y aura encore une péripétie, mais ça sera dans la lecture de samedi, donc patience … et ça tombe bien parce que, la patience, c’est le fruit de l’Esprit que je développerai cette après-midi ! En effet, Joseph, pris par l’émotion, va peut-être trop en dire quand il prononce ces paroles qui, à 1° vue, nous semblent si belles : Je suis Joseph, votre frère, que vous avez vendu pour qu’il soit emmené en Égypte. Mais maintenant ne vous affligez pas, et ne soyez pas tourmentés de m’avoir vendu, car c’est pour vous conserver la vie que Dieu m’a envoyé ici avant vous. Oui, c’est beau, mais sans doute pas totalement ajusté … suite du feuilleton samedi !
Venons-en à l’Evangile, après l’appel des disciples, hier, nous avons entendu, aujourd’hui, les consignes qui sont données à ceux que Jésus a choisis. Ces consignes peuvent facilement se résumer par ces mots : parce que la mission, consistera fondamentalement à faire ce que Jésus lui-même faisait, il ne faut pas se fourvoyer en cherchant un certain nombre de points d’appui, de sécurités, en dehors de Jésus.
C’est un risque permanent que de chercher la performance dans la mission non pas en s’appuyant sur le Seigneur, non pas en comptant sur la puissance du Saint Esprit, mais en cherchant à nous appuyer sur un certain nombre de moyens extérieurs. C’est pourquoi Jésus dit : n’emportez rien ! Certes, les moyens sont toujours nécessaires, mais rarement suffisants ! Par exemple, changer la sono d’une Eglise ne remplira pas cette église si ce qui est dit au micro est insipide et ne touche pas les cœurs, si ce qui est chanté dans les micros ne conduit pas vraiment à la prière. Les moyens ne sont que des moyens. A travers ce texte d’Evangile, j’entends une question que Jésus veut nous poser : pour accomplir la mission, quels points d’appui cherches-tu ? Est-ce sur ta foi que tu t’appuies, sur le fait que Jésus t’a promis d’être avec toi et qu’il t’a revêtu de l’onction du Saint-Esprit ou est-ce que tu es toujours à la recherche de trucs qui marchent ?
En disant cela, je ne veux pas dire qu’il ne faut pas participer au Congrès Mission, par exemple, ce lieu extraordinaire où on s’échange les bonnes pratiques en matière d’évangélisation. Non, c’est très bien, mais il ne faudra jamais se tromper : ce qui rendra l’évangélisation féconde, ce n’est pas d’appliquer les bons trucs, c’est d’être unis à Jésus, remplis du St Esprit. Et c’est un vrai risque aujourd’hui car devant les difficultés de la mission, devant les églises qui se vident, le nombre d’enfants au caté qui ne cesse de diminuer, on va être à l’affût des trucs qui marchent. On va chercher les moyens par lesquels on pourrait inverser la tendance. Je ne suspecte pas forcément tous ceux qui le font de le faire dans de mauvaises intentions. C’est parce qu’ils aiment Jésus qu’ils veulent annoncer plus efficacement l’Evangile. C’est parce qu’ils ont expérimenté la puissance de la miséricorde, du Salut qu’ils veulent les proposer au plus grand nombre. Pas de doute, même s’il n’est pas exclu que certains cherchent le succès, le succès dont le pape Benoit XVI disait qu’il n’était pas un nom de Dieu. Le succès est un cadeau empoisonné du diable qui conduit à la dérive ceux qui l’acceptent, le St Esprit, lui, ce qu’il donne, c’est la fécondité et ce n’est pas pareil !
Ce n’est donc pas en appliquant de bons trucs qu’on inversera la tendance, qu’on redonnera le goût de Dieu, c’est en se convertissant. Il faut que tous ceux qui veulent se lancer dans l’aventure de l’Evangélisation retrouvent des cœurs de feu. Seules des personnes qui ont le feu pourront allumer le feu dans le cœur d’autres personnes. J’ai peur que, parfois, certains soient à l’affût des trucs qui marchent parce qu’ainsi, ils seraient dispensés de se convertir, ce qui sera toujours une démarche onéreuse. C’est pour cela que Jésus dit : n’emportez rien ! Il sait que ce ne sont pas des trucs qui permettront d’évangéliser, il veut des Evangélisateurs au cœur de feu. C’est pour cela que l’Esprit-Saint viendra sous forme de langues de feu à la Pentecôte, c’est pour que les apôtres aient une parole de feu seule capable de mettre le feu dans les cœurs. Alors, Esprit-Saint, nous te le demandons : renouvelle le feu dans nos cœurs, pour que nous devenions capables de mettre le feu dans les cœurs, le feu de l’amour qui sauvera notre monde en train de courir à sa perte.