24 février : jeudi 7° semaine ordinaire. Quand Dieu crée les paupières pour cacher les yeux et quand il nous promet d’être salé au feu !

Quand je vous disais que la lettre de St Jacques est une source inépuisable d’inspiration pour ceux qui en manquent quand ils vont se confesser, je ne me trompais pas ! Dans la lecture d’aujourd’hui, il y a encore de quoi puiser et ça sera la même chose demain ! Alors que peut-être, en écoutant le texte, certains peuvent se dire : aujourd’hui, je suis moins concerné car je ne peux pas franchement dire que je suis riche ! C’est vrai que les membres de Foyer, les religieux, religieuses pourraient se sentir à l’abri des critiques adressées par St Jacques puisqu’ils ont soit fait vœu de pauvreté, soit renoncé à leurs biens. Il y a quand même un aspect du texte qui a retenu mon attention et qui évitera aux riches d’avoir trop mauvaise conscience et aux pauvres d’avoir trop bonne conscience !

Ce qui a attiré mon attention, c’est le fait que St Jacques parle de richesses qui pourrissent. Ce qu’on enferme dans un placard, par exemple, va pourrir plus vite. Du coup, nous pouvons tous nous interroger sur les richesses que nous avons pour savoir si nous les faisons suffisamment circuler, si nous les mettons suffisamment au service des autres. Et, à ce sujet, nous pouvons tous nous interroger car si nous ne sommes pas riches de biens matériels, nous sommes riches de nos qualités des dons que nous avons. Est-ce que nous faisons suffisamment circuler ces richesses quelles qu’elles soient. C’est si nous les enfermons que nos richesses vont finir par pourrir, mais ce qui circule ne pourrit pas. Si nos dons, nos qualités, nos capacités personnelles sont mis à la disposition de tous, ce n’est pas un problème du tout d’être riche de beaucoup de qualités. Par contre, si nous gardons tout, si nous ne valorisons nos qualités qu’en les faisant servir à notre propre gloire, alors nous gâtons tout !

Je reviens quand même à la question des richesses matérielles qui, c’est vrai étaient quand même plus dans le collimateur de St Jacques. Ce que je viens de dire sur la nécessité de faire circuler nos richesses, c’est une grande intuition des Ecritures par rapport à l’argent. En effet, le problème n’est pas d’être riche, mais de savoir ce que nous faisons de notre richesse. St Paul le dira clairement en affirmant que la racine de tous les malheurs, c’est l’amour de l’argent. 1 Tm 6,10 Le problème n’est donc pas d’être riche, mais d’aimer la richesse ce qui pousse à en vouloir toujours plus sans se préoccuper de ceux qui n’en ont rien ou pas grand-chose. Est-ce que nous suivons le conseil de Jésus qui nous invite dans l’Evangile à nous faire des amis avec l’argent ? (Lc16,9) Le problème des riches, c’est qu’ils ne sont pas toujours généreux et vous savez que la générosité ne se mesure pas en fonction de ce que l’on donne, mais en évaluant ce qu’on garde : est-ce que j’ai vraiment besoin de tout ce que je garde ? Est-ce qu’il n’y a pas du bien que je pourrais faire avec tout ce que je garde égoïstement ? 

Et, de ce point de vue, il y avait une remarque dans ce passage qui peut nous interroger : « Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! » Sans doute qu’à cette époque, on pensait que le retour du Christ serait imminent, remarquez, il est de plus en plus imminent puisque chaque jour qui passe nous en rapproche ! Mais, même si nous ne voulons pas entendre cet argument qu’on nomme d’un nom barbare d’argument eschatologique, il nous faut quand même prendre au sérieux ce que dit St Jacques, au moins dans la perspective de notre propre mort. Chaque jour qui passe nous en rapproche aussi ! Je me rappelle d’une prédication du père Cantalamessa qui m’avait beaucoup touché. Il disait quand nous avons un problème, essayons de nous projeter sur notre lit de mort pour voir comment, à ce moment-là, nous aimerions que les choses soient. Par exemple, vous êtes dans un conflit très dur avec une personne et vous avez l’impression que faire une démarche pour vous réconcilier serait une capitulation. Projetez-vous sur votre lit de mort : à quelles conditions pensez-vous que vous serez plus paisible pour vivre le grand passage ? Est-ce en ayant la fierté de ne pas avoir capitulé ou est-ce en ayant conscience d’avoir tout fait pour régler ce problème ? C’est vrai que dans ces conditions tout se remet à sa juste place ! Il me semble que c’est à cet exercice que nous invite Jacques avec l’argument eschatologique. Quand viendra le moment du grand passage, serai-je plus en paix parce que le matelas de billets d’actions boursières sur lequel je dors est plus épais ou serai-je plus en paix parce que mon argent a servi à faire du bien et pas seulement dans le cercle restreint de ma famille ?

Venons-en à l’Evangile qui, lui aussi, nous invite à un examen de conscience. Avant de l’aborder, je veux préciser que lorsque les Ecritures nous interpellent aussi vivement, ce n’est jamais pour nous culpabiliser. Jésus n’est pas venu pour culpabiliser, mais pour sauver ! Les paroles un peu rudes sont donc là pour nous aider à voir ce qui nous enchaine, pour nous aider, avec sa grâce, à reconquérir notre liberté intérieure que tant d’éléments extérieurs et finalement secondaires essaient de nous faire perdre.

En plus, le début de l’Evangile est très positif avec cette histoire de verre d’eau. Il n’y a pas de bien que nous ayons fait qui sera perdu, même le plus insignifiant, comme un verre d’eau a sa valeur. Ceci dit, dans un pays comme Israël où l’eau est une denrée rare, donner un verre d’eau, c’est déjà s’occuper des besoins élémentaires d’une personne. Avant de vouloir faire de grandes choses, commençons par l’essentiel. Et Jésus nous invite à ne pas oublier ceux qui donnent toute leur vie au service de l’Evangile. « Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. »

Ensuite, il y a tout un développement sur le scandale avec des paroles qui ont de quoi faire froid dans le dos et nous interroger. Comment se fait-il que tant de prédicateurs de l’Evangile qui connaissaient donc parfaitement ces paroles cinglantes de Jésus soient devenus des abuseurs, brisant la vie de tant de petits ?

Après il y a les fameuses invitations à couper, arracher ce qui pourrait nous conduire à devenir objet de scandale par un comportement inapproprié. C’est évident qu’il y a une exagération dans les paroles de Jésus, mais dans cette exagération, il y a une interrogation : est-ce que vous prenez tous les moyens nécessaires pour ne pas tomber et faire tomber ? Là encore, je voudrais citer le père Cantalamessa. Il raconte qu’un jour un homme qui avait beaucoup de mal à maitriser sa sensualité et donc son regard vient le trouver pour lui en parler et, dans la conversation, pour se dédouaner, il se met à accuser Dieu en disant : et si je pêche à cause de mes regards si peu ajustés, c’est de la faute de Dieu qui m’a donné deux yeux pour voir ! Le père Cantalamessa s’est retrouvé déstabilisé par cet argument, il a donc prié le St Esprit de lui inspirer rapidement une réponse et elle est venue de manière merveilleuse. Il lui a répondu : oui, mais Dieu qui a créé les yeux a aussi créé les paupières pour couvrir les yeux quand c’est nécessaire ! Que le St Esprit nous inspire donc les mesures que nous devons prendre pour ne pas déraper et qu’il fortifie notre volonté. Nous entrerons dans le carême la semaine prochaine, ça sera un excellent temps pour nous y entrainer.

Je n’ai plus beaucoup de temps pour commenter la fin énigmatique de ce texte d’Evangile. Juste un mot sur cette expression bizarre : Chacun sera salé au feu. J’ai pris le temps d’aller lire quelques commentaires et il y en a un qui m’a éclairé, il expliquait les anciennes techniques des potiers qui savaient que tant que leur poterie n’était pas passée par le feu du four, elles restaient fragiles. Pour que les effets du passage au four soient le plus bénéfiques possibles pour leurs poteries, ils jetaient du sel légèrement humide dans le four quand il était très chaud. Le sel se vaporisait et les vapeurs des chlorures entraient en réaction chimique avec l’argile et cette réaction provoquait comme un glaçage, un vernissage de la surface ce qui les rendait plus soldes et parfaitement étanches. Les poteries sont donc salées au feu et elles ont du sel en elles-mêmes. 

Si nous considérons que, comme le dit Paul, nous sommes comme des poteries, alors la parole de Jésus nous concerne directement puisqu’il dit : « Chacun sera salé au feu. C’est une bonne chose que le sel ; mais s’il cesse d’être du sel, avec quoi allez-vous lui rendre de la saveur ? Ayez du sel en vous-mêmes, et vivez en paix entre vous. » Mais de quel sel parle-t-il ? Quel est ce sel qui nous rendra plus fort et étanche à la pénétration du mal en nous ? Quand on dit de quelqu’un qu’il rajoute toujours son grain de sel, on veut parler de ses paroles. Ne serait-ce donc pas de l’Evangile, de sa Parole que Jésus veut parler, ce grain de sel qu’il rajoute. Du coup, nous comprenons mieux qu’on l’appelle Evangile, c’est-à-dire bonne nouvelle puisqu’elle peut rendre les poteries que nous sommes plus fortes et plus étanches au mal si nous nous laissons passer au feu de son amour.

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