Vous savez qu’habituellement, l’Eglise nous propose de célébrer la fête d’un saint, d’un martyr, le jour de son « dies natalis » c’est-à-dire le jour de sa mort qui, comme l’indique l’expression latine que j’ai citée, est, pour un chrétien, le jour de sa naissance au ciel.
Eh bien, j’espère ne pas ébranler votre foi en vous annonçant qu’il est bien possible que St Etienne n’ait pas été martyrisé en 26 décembre ! Mais alors, pourquoi fêtons-nous Etienne le 26 décembre ? Tout simplement parce que c’est un choix de l’Eglise ! Mais alors la question rebondit : pourquoi nous faire sortir aussi vite de la magie de Noël en nous présentant ce meurtre barbare ? La réponse est la même : parce que c’est un choix de l’Eglise qui veut nous aider à grandir dans la Foi. Et c’est sûrement encore plus nécessaire aujourd’hui que par le passé.
En effet, notre société qui se sécularise a tendance à enlever toute dimension religieuse aux grandes fêtes chrétiennes : le 8 décembre est devenu la fête des lumières, Pâques est devenue la fête du printemps et Noël, la fête des enfants. Tout n’est pas faux dans ces appellations, mais on perçoit bien que le glissement peut être dangereux. Puisque nous sommes à Noël, restons-y !
Noël est devenue la fête des enfants en raison des cadeaux sous lesquels ils sont ensevelis … au moins chez nous, dans les pays riches et dans les familles qui ne connaissent pas l’extrême précarité. Et beaucoup, emportés par ce mouvement, s’émerveillent devant l’enfant de la crèche … qu’ils retrouveront un an plus tard pour la même fête en participant à la messe qu’ils veulent le plus tôt possible pour ne pas perturber le réveillon !
L’Eglise, en nous donnant de célébrer le martyr d’Etienne au lendemain de Noël, ne veut pas jouer aux rabat-joie, elle veut au contraire nous aider à trouver la vraie joie en nous émerveillant de ce qui s’inaugure dans le mystère de Noël. En effet, il ne vous aura pas échappé que Etienne nous a été présenté mourant comme Jésus, remettant, lui aussi, son esprit entre les mains du Seigneur et pardonnant, lui aussi, à ses bourreaux. Au lendemain de Noël, la fête de la naissance de Jésus, c’est sa mort qui est déjà annoncée.
Mais alors pourquoi je dis que l’Eglise a mis cette fête de St Etienne au lendemain de Noël pour nous aider à trouver la vraie joie ? Eh bien tout simplement parce qqu’elle veut nous aider à comprendre qu’à Noël, c’est le mystère de notre Salut qui a commencé et qui s’achèvera dans le mystère de la Rédemption.
L’iconographie chrétienne le montrera très bien, mais souvent ces représentations ne nous plaisent pas trop, nous préférons la crèche. Et le pape François dans le très beau texte qu’il a écrit nous a appris à l’aimer de manière encore plus juste. Pourtant, il ne faudrait pas délaisser le message extraordinaire que véhicule l’iconographie chrétienne.
Dans bon nombre de ces représentations, nous pouvons être étonnés de voir la mangeoire qui ressemble à un cercueil ou à un tombeau. De constater que l’enfant Jésus est dans des langes qui l’enserrent totalement ne lui permettant aucun geste et ces langes ressemblent à un linceul. Manifestement, les artistes, ont voulu nous montrer qu’il y a un parfum de mort qui règne déjà dans la crèche de Bethléem. C’est à cause de ce parfum de mort qui se ressent intuitivement que bien des gens n’aiment pas ces représentations.
Et pourtant, elles délivrent un message clair : celui qui est né, il est venu pour nous sauver et il n’hésitera pas à donner sa vie pour accomplir cette mission. En plus, dans ces tableaux, ce qui finit de nous repousser, c’est que Bethléem qui est peint en arrière-plan ne ressemble pas du tout à Bethléem ! On y voit des bâtiments qui, évidemment, ne pouvaient pas exister dans ce village qui était un trou perdu au milieu de nulle part ! Mais ces bâtiments représentent la plupart du temps les bâtiments existant dans la ville de l’artiste qui a peint la toile ou dans la ville du commanditaire de la peinture. C’est pour mieux affirmer qu’il est venu pour nous aujourd’hui, là où nous sommes, là où nous en sommes.
En plaçant la fête d’Etienne, une fête sanglante, au lendemain de Noël, c’est donc la totalité du mystère du Salut que l’Eglise veut dévoiler. Les pères de l’Eglise, le père Michon nous le rappelait hier à la messe ici, n’ont cessé d’insister sur ce point comme pour nous dire : ne vous arrêtez pas à cet enfant, faites tout le chemin. Le premier à l’avoir formulé de manière extrêmement nette, c’est St Irénée, le grand évêque de Lyon. En ce jour où on fête St Etienne, moi qui suis lyonnais et supporter de Lyon, je veux quand même parler de Lyon en citant son grand évêque ! Voilà ce que disait St Irénée : « Car le Verbe s’est fait homme, et le Fils de Dieu, fils de l’homme, pour que nous, les hommes, en recevant l’adoption filiale, nous devenions fils de Dieu. » On a pris l’habitude de résumer sa déclaration en disant : « Il s’est fait ce que nous sommes pour que nous devenions ce qu’il est. »
Ceux qui en restent à l’enfant Jésus et qui ne le retrouveront que l’année prochaine puisqu’ils ne participeront à aucune messe entre temps auront une joie éphémère. La magie de l’enfance est tellement mise à mal dans notre monde où l’innocence est si souvent bafouée. Mettons plutôt notre joie dans le fait qu’en envoyant son Fils dans notre monde, Dieu a démarré la grande opération du Salut qui culminera dans le mystère de Pâques et dont nous pourrons vivre grâce au don du Saint Esprit. Oui, si c’est dans ce mystère que nous mettons notre joie, cette joie, nul ne pourra nous la ravir !
Chers retraitants, c’est ce parcours que nous allons vivre tout au long de cette semaine. J’ai intitulé cette retraite : « Il est grand le mystère de la Foi » parce que nous allons parcourir la totalité du mystère. Du coup, vous comprenez que 5 jours ne seront pas de trop. En poursuivant cette Eucharistie, c’est bien dans ce mystère du Salut que nous sommes invités à plonger pour demeurer dans la joie.
Allez les verts
Les verres !