30 juillet : vendredi 17° semaine ordinaire. Tuer le temps … pas une bonne idée !

Nous continuons à suivre les aventures du peuple hébreux dans sa traversée du désert. Ces derniers jours, nous avons vu comment Dieu voulait être proche de son peuple en habitant comme lui, sous la tente. Dieu a aussi permis cette familiarité, cette intimité étonnante dans ses rencontres avec Moïse, le texte de mardi disait : « Le Seigneur parlait avec Moïse face à face, comme on parle d’homme à homme. » C’est vraiment extraordinaire. Aujourd’hui, nous continuons à découvrir ce que Dieu a mis en place pour permettre, non plus seulement à Moïse, mais à tous les hommes, de pouvoir entrer dans ce dialogue familier avec lui. Nous découvrons comment s’est mise en place la liturgie qui est le moyen par excellence d’entrer en contact avec Dieu.

Toutes ces normes pourraient nous paraître un peu fastidieuses à entendre et dépassées, pour nous les chrétiens, qui avons une tout autre liturgie. Mais il y a quand même 3 bonnes raisons pour ne pas tourner la page trop vite !

  • La 1° c’est que Jésus lui-même a voulu vivre tout ce qui était énoncé. Les Evangiles nous le montrent allant au Temple pour toutes les grandes fêtes. Certes, il va souvent ferrailler avec les pharisiens qui auront une approche qu’on pourrait qualifier de « rubriciste » de la liturgie étant plus attachés à respecter les détails qu’à entrer dans le mouvement de la liturgie qui vise à permettre la communion avec le Seigneur. Mais Jésus n’a jamais rejeté cette liturgie.
  • La 2° raison, qui est un prolongement de la 1°, c’est que bien des éléments de la liturgie chrétienne trouvent leur fondement dans la liturgie juive. Pour toujours mieux comprendre les célébrations du mystère pascal, nous sommes invités à avoir une meilleure compréhension de tout ce qui se déployait dans la liturgie juive de la fête de Pâque. Pour approfondir le sens de l’institution de l’Eucharistie, il peut être très profitable d’approfondir le sens du repas pascal appelé le Seder au cours duquel Jésus a précisément institué l’Eucharistie.
  • La 3° raison, c’est que cette page fait partie de la Parole de Dieu, c’est-à-dire que Dieu nous parle à travers ces prescriptions. Et c’est bien ce que nous essayons de faire dans nos homélies, avec plus ou moins de bonheur, je vous l’accorde : rendre la Parole plus parlante !

Forts de ces éléments que je viens de souligner qui nous invitent à prendre au sérieux la page que nous avons écoutée en 1° lecture, je voudrais souligner deux points qui m’ont personnellement plus parlé. C’est le rapport au temps et l’importance d’accueillir la liturgie comme un don de Dieu.

Cette lecture détaillant les prescriptions concernant la liturgie juive était émaillée de mentions se rapportant au temps, pour ne citer que le début de la lecture : « Le premier mois, le quatorze du mois, au coucher du soleil, ce sera la Pâque en l’honneur du Seigneur. » La liturgie, c’est ce qui permet de sanctifier le temps, c’est-à-dire d’accueillir le temps comme une réalité sacrée dans laquelle Dieu veut se révéler à nous. Après avoir quitté, dans mon diocèse, ma responsabilité au service des jeunes, j’avais eu l’occasion de revenir dans le bâtiment de l’aumônerie des jeunes, mon successeur avait affiché cette très belle phrase et si importante pour des jeunes qui ont, comme on le dit de manière triviale, l’habitude de glandouiller : ne tue pas le temps car Dieu est dans le temps ! J’ai trouvé cet avertissement très pertinent. Oui, Dieu a choisi de faire du temps son partenaire le plus précieux : grâce au temps et au soleil, c’est vrai aussi, les fruits mûrissent et se gorgent de sucre. Dieu a fait du temps son partenaire et il respecte le temps. Un prédicateur aimait dire que même le Bon Dieu accepte qu’il lui faille plusieurs semaines pour faire pousser une salade ! Dieu a fait du temps son partenaire le plus précieux. 

Vous pourriez me rétorquer : oui, mais le temps fait aussi vieillir et mourir ! Oui, c’est vrai, mais pour ceux qui portent un regard chrétien sur cette réalité, cela signifie que nous allons vers ce pourquoi nous sommes faits, la communion éternelle avec Dieu. La chenille qui devient papillon doit vivre ces quelques jours ou ces quelques heures, de sa transformation de manière assez douloureuse. Ainsi en va-t-il souvent des dernières années de notre vie terrestre qui nous préparent à l’éclosion de la vie divine qui, elle durera bien plus longtemps que la vie éphémère d’un papillon ! Dieu nous a donné le temps pour nous préparer à cette formidable transformation qui sera, bien sûr, un don de sa grâce mais pour laquelle il demande notre participation. 

Revenons à la liturgie qui nous permet de sanctifier le temps. Vous savez sans doute qu’en grec, il y a deux mots pour parler du temps : le « chronos », c’est le temps qui passe, mesuré par exemple, avec un chronomètre et le « kairos » qui est le temps favorable. Eh bien, la liturgie transforme le « chronos » » en kairos », c’est-à-dire qu’elle permet à chaque instant du temps qui passe de devenir un moment favorable dans lequel Dieu se donne à nous. La liturgie nous permet d’accueillir l’irruption de Dieu dans notre temps, dans sa banalité, dans sa répétition, elle a le pouvoir de transformer, on peut même dire, de transfigurer le temps.

Le 2° point que je développerai rapidement concernant ces prescriptions liturgiques, c’est qu’elles nous invitent à recevoir la liturgie comme un don de Dieu, c’est-à-dire que nous n’avons pas à nous fabriquer la liturgie. On peut se rappeler des années folles qui ont suivi le concile où, dans bien des groupes chrétiens, on réinventait chaque jour la liturgie en se fabriquant des rituels adaptés à chaque groupe. Mais quand on fonctionne ainsi, ce n’est pas le Seigneur qu’on rencontre, mais c’est soi-même, son groupe. Au lieu de nous élever, de nous obliger au dépassement ces pseudo-liturgies faisaient tourner en rond, fonctionnant comme un miroir qui ne faisait qu’enfermer un peu plus les gens dans leurs idéologies et qui favorisait l’entre-soi : seuls les initiés partageant les mêmes convictions pouvaient se retrouver à l’aise ! Dans la 1° lecture, nous voyons bien que c’est Dieu qui donne la liturgie et ses normes comme pour interdire aux hommes de se la fabriquer car il sait d’avance les dérives qu’une telle fabrication entrainerait. Aujourd’hui, la liturgie, elle se reçoit encore, nous l’accueillons de l’Eglise. Et ceux qui refusent de l’accueillir aujourd’hui, telle qu’elle nous est donnée, risquent bien de reproduire les mêmes dérives qu’ils ont pu critiquer à savoir favoriser un fonctionnement idéologique vécu dans un entre-soi qui n’a rien de catholique puisque catholique sous-entend ouverture à l’universel.

Juste un mot sur l’Evangile. On ne peut pas dire que le retour de Jésus dans sa patrie est un franc succès puisque ses compatriotes sont choqués. Et ce qui les choque, c’est quand même fort, c’est son extrême sagesse et sa capacité de faire de miracles ! Au lieu de s’interroger profondément en se laissant conduire vers un dépassement des apparences pour commencer à entrevoir le mystère de la personnalité divine de Jésus, ils préfèrent rester accrochés à leurs certitudes : Jésus est trop sage, trop puissant, ça correspond mal à ses origines si obscures, il faut donc s’en méfier ! Et c’est ainsi qu’il ne put faire presque aucun miracle à cause de leur manque de foi. Mais du coup, cette situation si dramatique nous vaut cette si belle déclaration de Jésus : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa propre maison. »

Ce que j’aime, c’est le « ne que » : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa propre maison. » C’est comme si Jésus nous prévenait : vous connaîtrez tous des zones d’échecs dans l’évangélisation et ces zones peuvent varier selon les gens. Notre propre maison, pour certains, c’est leur famille, pour d’autres, c’est leur lieu de travail, pour d’autres encore ça peut même être leur paroisse dans laquelle on refuse toujours d’écouter leur témoignage et de prendre au sérieux leurs propositions. Mais c’est comme si Jésus disait : quand vous avez identifié cette zone d’échec, réjouissez-vous parce que ça veut dire que toutes les autres zones peuvent devenir des zones fécondes. Ne vous épuisez pas là où c’est impossible pour vous, priez pour que le Seigneur envoie d’autres témoins qui, eux, ne seront pas dans leur zone d’échec et vous, allez ailleurs … il y a tellement d’ailleurs qui attendent la présence de chrétiens rayonnants ! 

Et puis dans nos zones d’échec nous ne sommes pas totalement réduits à l’impuissance puisqu’il nous reste la capacité de vivre en authentiques témoins, selon la belle devise du père Guy Gilbert : il me faut vivre de telle façon qu’à ma seule façon de vivre, on pense qu’il est impossible que Dieu n’existe pas !

Cet article a 3 commentaires

  1. Adéline

    Vous avez réussi à faire une homélie hyper intéressante sur un extrait hyper inintéressant !!!! Merci !

    1. Adéline

      (À Ars mercredi !)

    2. Père Roger Hébert

      Quand le Saint Esprit inspire, il inspire !

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