8 mars : mardi 1° semaine de carême La puissance de guérison du Notre Père

Elle est puissante la Parole du Seigneur ! Nous avons tous déjà fait cette expérience d’entendre ou de lire une Parole venant des Ecritures et qui nous touche en plein cœur comme si elle avait été écrite spécialement pour nous afin de nous rejoindre dans le moment précis que nous vivons. C’est de cette puissance qu’Isaïe nous parlait dans la 1° lecture qui portait un regard de foi sur la puissance de la Parole du Seigneur qui, telle la pluie ne remontera pas au ciel sans avoir, auparavant, accomplie son action bienfaisante. Pour désigner cette action bienfaisante, Isaïe va décrire 3 actions de la pluie qui nous parlent de la manière dont la Parole agit en nous : abreuver, féconder et faire germer. Je m’arrête quelques instants sur chacune de ces 3 actions.

  • La pluie vient abreuver ou désaltérer la terre. Pour bien comprendre cette image, il faut se rappeler qu’Israël, ce n’est pas la Bretagne ! Au pays d’Isaïe, il ne pleut pas toute l’année, loin s’en faut. Les pluies sont concentrées uniquement de novembre à mars. La sécheresse est donc assez longue et régulière, mais la pluie a fait son travail au moment où il le fallait et la terre a les ressources nécessaires si on ne la surexploite pas. En comparant la Parole à la pluie qui abreuve la terre, c’est donc comme si Isaïe nous disait de ne pas trop nous inquiéter pour nos périodes de sécheresse. En son temps, le Seigneur avait fait ce qu’il fallait en nous donnant sa Parole qui nous assure les ressources nécessaires pour traverser nos moments de sécheresse. Pour filer une autre métaphore, dans les moments de sécheresse, pour les traverser, il suffira que nous nous mettions à ruminer les Paroles que nous avions à peine eues le temps de savourer dans les périodes d’abondance de grâces.
  • La pluie vient féconder la terre. La pluie qui tombe est chargée de très bonnes propriétés, enfin, c’était surtout vrai au temps d’Isaïe car, aujourd’hui, en tombant, elle se charge de tout ce qui pollue l’atmosphère ! Mais, surtout, nous le savons, l’eau de pluie a un mérite extraordinaire, c’est qu’elle n’est pas calcaire et, le calcaire, c’est très mauvais, déjà pour la peau qu’il assèche, mais surtout pour tout ce qui est tuyauterie puisqu’il va se déposer, obstruer et endommager à termes tous les composants. Je ne suis pas sûr qu’Isaïe avait beaucoup de connaissances chimiques, mais nous qui lisons ses paroles, il ne nous est pas interdit de les comprendre avec les connaissances que nous avons ! Si donc la Parole est comparée à la pluie, c’est le signe qu’elle n’aura aucun effet néfaste dans notre tuyauterie interne qui va la conduire de nos oreilles si nous l’entendons ou de nos yeux si nous la lisons jusqu’à notre intelligence pour la comprendre, notre âme pour s’en délecter et notre cœur pour lui permettre de nous faire prendre les bonnes décisions. Car, dans la Bible, le cœur n’est pas d’abord le centre des émotions mais le centre des décisions. Laissons donc la Parole circuler dans tout notre être, sans l’arrêter à nos yeux ou nos oreilles et sans la cantonner dans l’intelligence ou l’âme ou le cœur. C’est en circulant qu’elle accomplit son œuvre car elle possède tant de bonnes vertus que, partout où elle passe, elle accomplit son œuvre.
  • Enfin la pluie vient faire germer. Pour les deux actions précédentes abreuver et féconder, la pluie se suffisait à elle-même. En pénétrant dans la terre, elle devenait capable, quelle que soit la terre de l’abreuver et de la féconder. Cette 3° action présuppose que la terre ait été ensemencée. Elle ne pourra faire germer que ce qui a été déposé dans la terre. Ainsi donc, le travail de la Parole de Dieu sera de venir visiter ce qui est positif en nous, nos qualités, nos désirs. Tout ce que la Parole va rencontrer sur son chemin dans sa circulation en nous se trouvera donc comme bonifié. C’est sans doute une invitation, en ce temps de carême à ne pas nous focaliser seulement sur ce qui va mal, sur ce qui est à changer en nous ; mais aussi et peut-être surtout à présenter au travail bienfaisant de la Parole toutes nos potentialités. Faisons confiance à la puissance de la Parole, quand elle aura fécondé toutes nos potentialités, elles finiront par étouffer l’ivraie.

Et, comme Isaïe pose un regard de foi sur la puissance de la Parole, il peut déjà se projeter dans l’avenir en contemplant les effets de la Parole chez celui qui la reçoit. Après l’avoir abreuvé, fécondé, après avoir fait germer ce que contient son cœur, la Parole lui donnera de pouvoir devenir nourrissant. Ce que dira cette personne, ce ne seront plus des paroles creuses, ce que fera cette personne, ce ne seront plus des actions vides de sens. Voilà, s’il en était besoin, un texte qui peut soutenir un bel effort de carême qui consisterait à donner plus de place à la Parole de Dieu dans nos journées.

Venons-en à l’Evangile. Nous avons tous entendu ou lu des dizaines et des dizaines de commentaires sur le Notre Père, je ne veux donc pas en rajouter un de plus ! Je ferai 2 remarques.

  • Jésus, lui, dans sa prière, il n’avait pas besoin de tous les mots du Notre Père. C’est évident, il n’avait pas besoin de dire : pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons. Mais, c’est sûr que, parmi tous les mots de cette prière qu’il nous a donnée, il y a des mots que Jésus utilisait pour sa propre prière. Le 1° mot de la prière, « Abba », c’est sûr, Jésus le disait. Ce mot, passant et repassant de son cœur à ses lèvres devait même constituer l’essentiel de sa prière. C’est vrai qu’à cet endroit du Notre Père, les manuscrits n’ont pas gardé le mot araméen Abba. Mais les exégètes sont formels : dans les 170 emplois du mot de Père que l’on trouve dans la bouche de Jésus, c’était bien ce mot de Abba qu’il utilisait habituellement.

Dans la série de catéchèses qu’il a consacrées au Notre Père, le pape François aura d’ailleurs un très beau commentaire sur ce mot Abba. Il dira qu’en entendant ce mot dans sa version originelle, nous avons comme l’enregistrement de la voix de Jésus. Nous le savons, les juifs étaient tellement respectueux de la transcendance de Dieu qu’ils ne prononçaient pas le nom de Dieu. Il fallait donc que ce soit Jésus lui-même qui ait prononcé ce mot familier de « Abba » pour que les évangélistes osent le reprendre. Et s’ils l’ont repris, c’est parce qu’ils étaient convaincus qu’en nous offrant ce mot pour nous adresser à Dieu, c’était un merveilleux cadeau que Jésus nous faisait. En disant et en redisant ce mot « Abba », Jésus nous donnait un moyen de guérir de toutes les blessures que nous pouvons garder d’une paternité humaine mal ajustée ou en tout cas d’une paternité qui ne nous aura pas apporté ce que nous aurions aimé recevoir. Prions sans rabâcher, n’hésitons pas à passer et repasser dans notre cœur ce mot de « Abba », puisqu’il porte en lui un extraordinaire pouvoir de guérison.

  • La 2° remarque, c’est encore à l’une des catéchèses du pape sur le Notre Père que je l’emprunte. Je le cite parce qu’il avait bien su manier le suspens ! Il y a une absence frappante dans le texte du « Notre Père ». Si je vous demandais quelle est cette absence frappante, il ne serait pas facile de répondre. Il manque un mot. Réfléchissez tous : quel mot est absent du « Notre Père » ? Un mot dont chacun de nous fait grand cas. J’arrête la citation ! Avez-vous trouvé ce mot qui manque et dont nous faisons grand cas ? Voici la réponse qu’il donnait à la suite de sa question : Pour gagner du temps, je vais vous le dire : il manque le mot : « je ». On ne dit jamais « je. » C’est tellement beau ! Ça signifie que, de même que dire et redire Abba, peut nous guérir des blessures d’une paternité peu ajustée, de la même manière dire et redire le Notre Père peut nous guérir d’un individualisme exacerbé.

En conclusion, on peut reprendre les paroles d’Isaïe pour les mettre sur la bouche de Jésus : cette prière qui sort de ma bouche, ne reviendra pas vers Dieu sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission de guérison, voilà pourquoi il faut la prier si souvent mais sans la rabâcher.

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