« Efforçons-nous de connaître le Seigneur : son lever est aussi sûr que l’aurore. » Quand j’ai lu cette parole dans la 1° lecture tirée du livre d’Osée, j’ai tout de suite repensé au témoignage d’une carmélite. Quand j’étais responsable de la Pastorale des jeunes, j’aimais bien emmener des groupes dans un carmel en Saône et Loire, non loin de Taizé, un carmel ouvert, mais un carmel quand même. Et, ce qui était bien, c’était qu’à chaque fois, 2 ou 3 sœurs acceptaient de venir parler aux jeunes. Lors d’une de ces rencontres, un des jeunes leur a posé cette question : « vous passez deux fois par jour une heure de prière silencieuse, toutes ensembles, dans la chapelle, il n’y a pas des moments où vous avez envie de partir ? » Je me rappelle encore leur réponse !
Il y en a une qui a dit : « Bien sûr que ça peut arriver ! Mais dans ces moments-là, je me dis que si je quitte la chapelle, il y a peut-être une sœur qui va plus mal que moi et qui, me voyant partir de la chapelle, quittera carrément le monastère. Et elle rajoutait : je ne sais pas s’il y en a une qui se trouve dans cette situation puisque nous ne parlons pas, sauf dans les moments de récréation, mais dans ces temps de récréation, nous n’échangeons pas ce genre de confidences. Je ne sais pas, mais je reste quand même à la chapelle en communion d’amour, de fraternité avec celle qui pourrait être en proie à de grandes remises en question. » J’avais trouvé cela très beau et je pense que ça peut devenir inspirant : nous nous soutenons par notre fidélité mutuelle, par notre ponctualité, par notre engagement total vécu jusque dans les plus petites choses. J’étais avant dans les Foyers de Charité et Marthe Robin aimait rappeler que la fidélité à l’amour se vivait par l’exactitude dans l’accomplissement des petites choses. »
Mais ce qui m’a fait penser à la parole du livre d’Osée, c’est la suite du témoignage des sœurs parce qu’il y en a une qui a rajouté : « Tu vois, quand on est dans la nuit, il faut attendre que le soleil se lève … et il se lèvera forcément à un moment ou à un autre. Mais si tu te mets à courir dans tous les sens, tu risques de rater le moment où il va se lever en partant à contre-sens ! Non, quand tu es dans la nuit, il faut croire que le soleil se lèvera et le meilleur moyen de bénéficier à nouveau de sa lumière et de sa chaleur, c’est de rester tranquille ! » C’est bien ce que disait le livre d’Osée : « Efforçons-nous de connaître le Seigneur : son lever est aussi sûr que l’aurore. » Si tu connais le Seigneur, mais pas d’abord d’une connaissance intellectuelle, livresque, si tu le connais par expérience, alors tu as déjà expérimenté sa fidélité et tu sais que « son lever est aussi sûr que l’aurore. » Tu sais que, si tu restes tranquillement, fidèlement à ta place, veillant dans la foi, « son lever est aussi sûr que l’aurore. »
Vous avez sans doute déjà entendu parler de l’acédie, cette maladie spirituelle qu’on pensait réservée aux moines mais qu’on sait aujourd’hui pouvoir guetter tous les chrétiens, en visant, c’est vrai, de manière toute particulière ceux qui ont consacré leur vie au Seigneur. L’acédie, c’est comme une forme de dépression spirituelle qui fait qu’on n’a plus de goût pour tout ce qui touche de près ou de loin au spirituel. Ce qui, vous en conviendrez n’est pas facile à vivre quand on a consacré sa vie au Seigneur ! Mais on peut aussi étendre les ravages de l’acédie à la vie de couple et alors, ceux qui en souffriront n’auront plus aucun désir de rester ensemble, l’autre devient de plus en plus insupportable alors qu’il n’a pas changé ! Celui ou celle qui souffre d’acédie aura donc envie de se trouver partout … sauf là où il se trouve ! Vous connaissez sans doute cette parole de St François de Sales : « fleuris, là où Dieu t’a planté. » Le démon de l’acédie va justement suggérer que tu as épuisé la terre où tu as été planté et qu’il est temps de transplanter ailleurs si tu veux fleurir ! Mais c’est un énorme mensonge, comme lui-seul, le père du mensonge, sait en proférer ! Parce que si tu pars dans cet état, tu vas transporter ta maladie partout où tu iras ! Le seul conseil pour ceux qui souffrent d’acédie, les Pères de l’Eglise sont formels, c’est de ne pas bouger, de ne pas fuir et d’attendre patiemment et dans la foi que les rayons de l’amour du Seigneur viennent à nouveau réchauffer ton cœur. Pour tenir, il faudra être très bien accompagné car c’est une situation éprouvante. Il faudra aussi une grande foi, et, c’est là que la Parole de la lecture prend toute sa force : « si tu connais vraiment le Seigneur, tu ne peux pas douter que son lever est aussi sûr que l’aurore ! »
Ne tombons pas sous le reproche que fait le Seigneur à son peuple dans cette même 1° lecture : « Votre fidélité est comme une brume du matin, une rosée d’aurore qui s’en va. » Demandons vraiment cette grâce de la fidélité puisée dans la foi, puisque nous connaissons le Seigneur, croyons que « son lever est aussi sûr que l’aurore. » Et encourageons-nous les uns les autres puisque la fidélité des uns soutient la fidélité des autres quand ils sont dans la nuit.
Quelques mots sur l’Evangile, sur cette parabole bien connue du pharisien et du publicain. Il ne faut pas trop vite mépriser le pharisien sous prétexte qu’il est lui-même méprisant. Il ne faut pas trop vite le mépriser car la plupart de ses paroles sont vraies et font de lui, quoiqu’on en pense, un homme admirable. « Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » Et, peut-être bien, qu’il n’est pas comme beaucoup de ses semblables, voleur injuste et adultère. Ce n’est pas sur ce qu’il fait que Jésus pose des questions. Mais, dans son attitude, il y a comme deux dérives que Jésus veut pointer du doigt et c’est sans doute là que nous avons à être attentifs.
1/ La 1° dérive que Jésus dénonce, c’est cette sale habitude de se comparer. « Je ne suis pas comme les autres hommes … ou encore, je ne suis pas comme ce publicain. » La comparaison, la plupart du temps, va semer le poison du jugement. Et là, selon les psychologies de chacun, il y a deux attitudes possibles aussi nocives l’une que l’autre : soit nous devenons orgueilleux, soit nous nous mésestimons en désespérant de nous-mêmes. Si nous voulons avancer dans la vie et dans la vie spirituelle, il faut cesser de nous comparer. Tenons-nous plutôt sous le regard de Dieu qui élève les humbles et renverse des trônes, sur lesquels ils se sont indûment installés, les orgueilleux.
2/ La 2° dérive, c’est d’utiliser Dieu comme faire-valoir. L’Evangile décrivait l’attitude du pharisien en disant « qu’il se tenait debout et priait en lui-même. » Le texte grec est encore plus étonnant puisqu’il dit « qu’il priait vers lui-même. » En fait sa prière n’était pas adressée à Dieu, mais il faisait un bilan d’autosatisfaction en prenant Dieu à témoin. Non seulement, il cherchait à briller aux yeux des hommes en manifestant sa différence, mais il cherchait à briller encore aux yeux de Dieu en le prenant à témoin.
Le publicain, lui, il est à l’abri de ces deux dérives. Il ne cherche pas à se comparer, ça ne serait pas à son avantage. Il ne prie pas vers lui-même, sa conscience le reprend si souvent qu’il n’a aucun intérêt à rester en lui-même. Il est donc tourné vers Dieu, espérant sa miséricorde
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons cette grâce de croire en cette parole qui nous invite à nous efforcer de connaître le Seigneur en croyant que son amour se lèverait sur nous aussi sûrement que l’aurore se lève, chaque matin sur le monde.