Il y a des circonstances où, après avoir parlé, on se dit : j’aurais mieux fait de me taire ! Il est possible que les apôtres aient formulé cette réflexion après avoir entendu la réponse de Jésus à leur demande : Augmente en nous la foi ! Parce que cette réponse de Jésus est vraiment déconcertante et cela pour 3 raisons au moins :
- D’abord Jésus ne les félicite pas pour cette demande si belle, si fondamentale. En effet, pourrait-il y avoir meilleure demande que celle -là : Augmente en nous la foi ? Peut-il y avoir de meilleur désir que celui-là : avoir une foi plus grande, plus ferme ? Mais Jésus ne semble pas les féliciter en leur racontant une histoire qui semble hors sujet.
- Et c’est la 2° raison pour laquelle cette réponse de Jésus est déconcertante, cette histoire du maitre qui rentre des champs et qui se fait servir, à première vue, nous semble complètement déconnectée de la demande.
- Enfin la dernière raison qui rend cette demande déconcertante, c’est la conclusion de l’histoire : De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir’. Cette remarque, nous avons du mal à l’accueillir positivement d’autant plus que nous pouvons nous rappeler l’ancienne traduction qui disait : quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ‘Nous sommes des serviteurs inutiles.
Je vous propose de revenir sur chacun de ces 3 points pour éclaircir la réponse de Jésus.
1° point : C’est vrai Jésus ne félicite pas les apôtres pour cette demande qui nous parait pourtant si belle et si juste : Augmente en nous la foi ! De fait, demander une foi toujours plus grande, c’est une belle demande, mais à condition qu’il n’y ait pas, par derrière, une motivation qui viendrait gâcher la beauté de la demande ! Et c’est sans doute ce que Jésus a repéré et c’est pour cela qu’il ne les félicite pas. Ce qui pourrait tout gâcher, c’est de demander une foi plus grande pour que tout devienne évident, pour que nous comprenions tout clairement même ce qui nous dépasse. Autrement dit, ça serait chercher une foi qui nous évite de vivre dans la confiance, ce qui reviendrait, de manière très paradoxale à tuer la foi ! Car le mot foi qui peut paraitre abstrait se décline concrètement dans la confiance. C’est quoi avoir la foi ? Ce n’est pas adhérer intellectuellement à des vérités, c’est faire confiance au Seigneur, lui accorder une confiance inébranlable qui fait que même dans les pires épreuves, je crois qu’il est avec moi, qu’il ne me laissera pas sombrer dans le découragement, le désespoir. Et cette foi confiante, Jésus dit qu’il n’y a pas besoin d’en avoir deux tonnes, inutile de vouloir l’augmenter, ce qui compte, c’est de la vivifier, de la rendre, chaque jour plus opérante.
2° point : Qu’est-ce que cette histoire du maitre qui rentre des champs et se fait servir peut bien avoir comme lien avec la demande ? Cette histoire, je la résumerai volontiers par ces mots : vous n’êtes pas le boss, vous n’avez pas à vous prendre pour le boss ! En effet, cette histoire cherche à nous faire comprendre que nous sommes des serviteurs, que nous n’avons pas à entretenir des prétentions de boss ! Peut-être que certains seraient tentés de demander une foi très grande pour devenir capables de faire ce que fait Jésus, le seul vrai boss ! Alors, entendons-nous bien, faire ce que fait Jésus, c’est bien, c’est notre mission. Jésus nous a même fait cette promesse étonnante : vous ferez des choses plus grandes que celles que j’ai pu faire grâce au St Esprit ! Oui, faire ce que fait Jésus, c’est bien, mais à condition de ne pas le faire sans Jésus, en nous passant de Jésus pour mieux attirer la lumière sur nous, sur nos réussites. Cette tentation ne guette pas tout le monde, mais elle guette ceux qui sont bien en vue, qui ont des responsabilités, des charismes. A ceux-là, Jésus dit, rappelez-vous toujours que vous n’êtes pas le boss et que vous ne devez pas avoir des rêves de boss ! En disant cela, Jésus ne veut pas nous rabaisser comme s’il était jaloux de son statut qu’il défendrait. Non ! Cette parabole doit, au contraire, nous tenir dans la Paix : le boss, c’est Jésus, moi, quelle que soit ma place, je ne suis que le serviteur. C’est lui qui tient la barre et si, apportant ma participation, je le laisse guider la barque de ma vie, la barque de l’Eglise, je suis sûr d’arriver à bon port. C’est plutôt rassurant et ça doit nous aider à rester dans la paix.
3° point : avec la remarque finale, Jésus est-il méprisant quand il dit : De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir’. On aurait presque envie de dire à Jésus : si c’est toute la considération que tu as pour récompenser ceux qui veulent te suivre et te servir, ne t’étonne pas de ne pas en avoir plus ! Ou en paraphrasant Ste Thérèse d’Avila : si c’est ainsi que vous traites vos amis, ne vous étonnez pas de ne pas en avoir plus ! Et quand on pense à la traduction ancienne qui parlait de serviteurs inutiles, les soirs de découragement, nous pourrions être tentés de dire : puisque je suis inutile, puisque, pour toi, il semble que je ne serve à rien, je rends mon tablier ! Non, rassurons-nous, Jésus n’est pas méprisant, il n’est jamais méprisant ! Jésus connait tous les efforts que nous faisons par amour pour lui, par amour de l’Eglise. Il sait que, bien souvent, nous mouillons la chemise et il en est ému. S’il nous rappelle que nous sommes de simples serviteurs, c’est pour nous faire partager sa joie. Car sa joie, à lui, ça a été d’être au service : je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir ! C’est même le Testament qu’il laisse à ses apôtres par le geste du lavement des pieds : ce que je viens de faire, faites-le : soyez de bons serviteurs et ça sera le fondement de votre joie, une joie que personne ne pourra jamais vous ravir. Ainsi donc quand le service nous semble pesant, quand le découragement nous guette supplions Jésus de nous établir dans cette joie du serviteur qui fut la sienne.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet demandons non pas un accroissement de notre foi, mais que, même petite, elle devienne chaque jour plus vivante pour nous établir dans la confiance et la joie réservée aux bons et fidèles serviteurs.
