Le Foyer de Tressaint propose chaque semaine, le mardi soir, un temps en Visio pour les jeunes qui souhaitent vivre un temps fort de carême. Chaque semaine, il y a un enseignement, j’étais chargé de donner celui du mardi 23 mars sur le thème de la vocation à partir de la vocation d’Elisée … car le fil rouge de ce carême, c’est la figure d’Elie.
Vocation d’Elisée 1 R 19,15-16,19-21 : 15 Le Seigneur lui dit : « Repars vers Damas, par le chemin du désert. Arrivé là, tu consacreras par l’onction Hazaël comme roi de Syrie ; 16 puis tu consacreras Jéhu, fils de Namsi, comme roi d’Israël ; et tu consacreras Élisée, fils de Shafath, d’Abel-Mehola, comme prophète pour te succéder.19 Élie s’en alla. Il trouva Élisée, fils de Shafath, en train de labourer. Il avait à labourer douze arpents, et il en était au douzième. Élie passa près de lui et jeta vers lui son manteau. 20 Alors Élisée quitta ses bœufs, courut derrière Élie, et lui dit : « Laisse-moi embrasser mon père et ma mère, puis je te suivrai. » Élie répondit : « Va-t’en, retourne là-bas ! Je n’ai rien fait. » 21 Alors Élisée s’en retourna ; mais il prit la paire de bœufs pour les immoler, les fit cuire avec le bois de l’attelage, et les donna à manger aux gens. Puis il se leva, partit à la suite d’Élie et se mit à son service.
Ce récit de la vocation d’Elisée, c’est un récit très court, je vais vous partager dans un 1° temps ma manière de lire ce texte, elle n’est pas meilleure que la vôtre, elle est peut-être un peu plus « documentée » que la vôtre puisque j’ai eu la chance de faire plus d’études bibliques que vous. Et dans un 2° temps, rapidement, je nous mettrai en garde contre une idée fausse concernant la vocation. Ce que je dirai sur la vocation pourra toujours s’entendre d’une vocation dite spécifique ou de la vocation au mariage.
Ce qui peut être étonnant, c’est de voir que ce brave Elisée n’a rien demandé, l’appel de Dieu, relayé par Elie, va lui tomber dessus comme ça, sans qu’il n’ait rien demandé ! En matière de vocation, il y a une question qu’il est inutile de se poser, par contre il y a une autre question qu’il est bon de se poser. La question inutile, c’est : pourquoi moi ? Et la question utile, c’est : pour quoi moi ? Mais vous aurez compris que pourquoi ne s’écrit pas de la même manière les deux fois ! Dans la 1° question inutile, « pourquoi » s’écrit en un mot : pourquoi Dieu fait-il appel à moi ? Lui seul le sait et il est vain de chercher à le savoir ! Par contre ce qu’il est bon de savoir c’est pour quoi il m’appelle, en vue de quoi. Elisée ne saura jamais pourquoi il a été appelé, mais par le geste symbolique du manteau d’Elie jeté sur lui, il comprend en vue de quoi il est appelé, pour quelle mission.
Arrêtons-nous quelques instants maintenant sur ce manteau. Le manteau, dans le Premier Testament, c’est vraiment important, c’est presque une double peau, un double de ma peau. Pour le pauvre, c’est sa seule richesse, c’est sa seule protection, c’est pourquoi, il est interdit de prendre en gage le manteau d’un pauvre qui nous devrait de l’argent. (Dt 24,12) Du coup, ça donne une signification extraordinaire au geste de Bartimée, l’aveugle guéri qui abandonne son manteau pour suivre Jésus. Le manteau, c’est ce qui me définit et c’est ce qui peut définir mon rang : le roi a un manteau particulier et les prophètes avaient aussi un manteau qui signifiait leur fonction, un manteau de poils de chameau … rappelez-vous la description de Jean-Baptiste, il portait ce manteau (Mt 3,4). Ainsi donc quand Elie jette son manteau sur Elisée, celui-ci comprend clairement ce que ça veut dire : Elie l’appelle au ministère prophétique. Peut-être n’a-t-il pas compris tout de suite que c’était pour lui succéder, mais il comprend que c’est pour cette mission de prophète qu’il est appelé.
Voyons maintenant la réaction d’Elisée : il ne se rebelle pas, il ne discute pas, ce qui manifeste une belle disponibilité. Il demande juste à aller embrasser ses parents, quoi de plus normal ? En réponse à sa demande, Elie va prononcer une parole dont le sens n’est pas évident parce qu’il y a plusieurs manières de traduire ces mots hébreux. Dans ma traduction, il est dit : « Va-t’en, retourne là-bas ! Je n’ai rien fait. » On a l’impression qu’Elie refuse à Elisée la permission qu’il lui a demandée et qu’il la refuse avec une pointe de reproche. Dans un commentaire que je lisais ce matin, j’ai trouvé cette belle interprétation d’un exégète qui dit qu’on pourrait traduire autrement : « va, retourne là-bas donc chez toi, je ne t’empêche pas de le faire ! » J’aime mieux cette version. Parce que ce qui est extraordinaire, c’est qu’Elisée ne semble pas aller chez lui. Devant cette liberté qu’Elie lui donne, il choisit de le suivre sans délai. Peut-être que si Elie lui avait refusé d’aller embrasser ses parents, il y serait allé quand même et ne serait jamais revenu vers Elie.
Mais, là, il s’est senti respecté dans sa liberté et c’est ce qui lui a permis de dire un oui sans condition. J’insiste : Pour pouvoir dire un oui sans condition, il faut se sentir respecté dans sa liberté. Dieu respecte toujours notre liberté. Dieu est amour et l’amour exige la liberté, donc Dieu ne nous forcera jamais à rien et nous devrons toujours nous méfier de ceux qui voudront nous faire croire qu’il n’y a pas d’autre alternative pour nous que de dire oui à l’appel de Dieu sinon nous serons malheureux toute notre vie. Dieu, parce qu’il est Dieu, parce qu’il est amour ne forcera jamais nos libertés en quelque domaine que ce soit et particulièrement celui de la vocation. Mais en retour, il attend que notre réponse soit claire et vraiment déterminée.
Du coup, Elisée, se sentant respecté peut dire oui et un oui sans condition et sans retour possible puisqu’il sacrifie ses bœufs qui étaient son outil de travail. Mais parce qu’il a tout donné, il ne perd rien, au contraire ! Evidemment, Elisée ne pouvait pas connaître cette parole de Jésus qui disait : « celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle. » Mt 19,29 Cette parole est vraie, Elisée a quitté ses parents et au 2° livre des Rois quand Elie est emporté au ciel, on l’entend appeler Elie, « mon Père. » Dieu n’est pas un gourou qui vampiriserait ses adeptes, c’est tout le contraire, il comble ceux qui se donnent à lui et qui le manifestent par un don total de ce qu’ils sont et de ce qu’ils ont.
J’ai fini de vous partager ma manière de lire ce texte, rapidement, je nous mets en garde contre une idée souvent trop répandue. Certains pensent que Dieu a tout prévu pour eux ; que tout ce qui les concerne est déjà écrit dans le ciel et que vivre, ça consiste juste à inscrire dans leur vie, les grandes orientations et même si possible, les détails de ce que Dieu a prévu. S’ils y arrivent, c’est le bonheur, s’ils dévient, c’est la galère ! Non, Dieu n’a pas décidé ni en gros, ni dans le détail ce que tu dois devenir ! Ce que tu vas devenir, ça sera le résultat de tes choix et, je le redis : parce qu’il est Dieu et donc amour, Dieu te laisse libre. C’est important de comprendre cela autrement on va être angoissé continuellement. Dieu a juste décidé une chose, il veut que tu sois heureux. Oui, ça il l’a décidé et il y tient ! C’est pour cela qu’il te demande de bien réfléchir et de poser des choix libres.
Tes choix, ils seront libres s’ils ne sont pas perturbés par tes passions. Combien de jeunes partent mal dans la vie parce qu’ils n’ont pas fait de choix vraiment libres. On rencontre une copine à la Fac et on se prend une colocation d’amoureux et on achète un canapé, une télé … et, et on se retrouve embringué dans une vie commune qui débouche sur une vie de couple sans qu’on ne l’ait vraiment choisie. Evidemment, quand on n’a pas vraiment choisi et que surviennent des difficultés, on n’est pas armé pour les surmonter, donc on part et forcément il y a de la casse, surtout, si entre temps, sont arrivés des enfants ! Tes choix ne te conduiront au bonheur que s’ils sont des choix libres. C’est pour cela que tu es invité à rejoindre le lieu profond du cœur. Vous savez notre cœur, c’est comme l’océan, en surface, il y a des vagues, des remous, des passions, mais au fond, c’est le grand calme. Eh bien, c’est là qu’il faut aller pour comprendre ce qui va me rendre heureux. C’est en écoutant ce que me dit mon cœur profond, ce lieu dans lequel le Saint Esprit est si présent, que je vais devenir capable de poser des choix libres et engageants qui me conduiront au Bonheur.