Journée pour Dieu, Dinard – Vendredi 29 avril. Souffler, s’émerveiller

Introduction : Journée pour Dieu et journée pour moi !

Cette journée pour Dieu, je vous propose que nous la vivions aussi comme une journée « pour moi » ! Que chacun de nous puisse dire : cette journée est une journée pour Dieu parce qu’elle est une journée pour moi. Ou l’inverse qui est tout aussi vrai : cette journée est pour moi parce qu’elle est pour Dieu. Peut-être qu’il y a eu un temps où à cause de notre éducation « stoïco-chrétienne » (Lytta Basset) nous avons pensé que ce que nous nous accordions comme temps, comme plaisir, nous le volions à Dieu ! Je me rappelle, lorsque j’étais séminariste, jeune et plus svelte, j’aimais aller courir et sur le territoire de la paroisse, nous avions un immense parc avec des lacs, c’était le bonheur pour courir. Quand je revenais tout transpirant et que le curé me voyait, il me disait à chaque fois : si tu m’avais aidé à faire le jardin, tu aurais autant transpiré mais au moins tu aurais été utile ! Voilà une magnifique illustration de l’éducation stoïco-chrétienne ! Dans un vieux film, les charriots de feu, on voit un pasteur protestant qui est un adapte de grandes courses à pied et il a des scrupules de courir alors qu’il pourrait prêcher. C’est sa sœur qui va lui dire : continue, Dieu prend plaisir à ton plaisir ! Donc, aujourd’hui, n’ayons aucun scrupule à vivre ce temps pour Dieu aussi pour nous !

Le thème qui a été choisi, c’est : souffler, contempler, s’émerveiller ! Souffler, nous en avons besoin parce que nous venons de terminer le carême et même si nous ne mettons jamais tout à fait toutes nos résolutions, nous essayons quand même de vivre un peu plus pour le Seigneur et pour les autres dans une plus grande maitrise de nous-mêmes. Et puis, il y a eu le marathon de la semaine sainte. Il est normal que nous ayons besoin de souffler. Et puis il y a cette guerre en Ukraine qui n’en finit pas avec ses horreurs et les perspectives sombres concernant l’avenir avec perspective de famine pour les pays pauvres, de difficultés d’approvisionnement en énergie. Pour compléter le tableau des préoccupations inquiétantes, il y a le COVID, pas encore totalement disparu qui nous complique la vie depuis deux ans, sans compter ce temps de période électorale, présidentielle, législatives … Oui, tout cela fait que nous avons bien besoin de reprendre souffle. Et s’offrir une telle journée n’est pas du luxe, pour tenir dans la durée, il nous faut nous ménager ce genre de halte qui nous permet de nous poser, de nous reposer pour mieux repartir. Cette journée, nous allons la vivre dans ce double mouvement de souffler ou reprendre souffle et de nous émerveiller. Mon intervention aura donc deux parties, une autour du souffle et l’autre autour de l’émerveillement, sachant que ces deux parties sont extrêmement liées : rien ne vaut un bon émerveillement pour reprendre souffle !

Première partie : Le souffle chez les chrétiens, il a un nom !

  1. Reprendre souffle, c’est prendre le Saint-Esprit

         Le souffle, c’est absolument vital, ceux qui en manquent en savent quelque chose ! Je suis toujours remué quand je vois des personnes avec leur bouteille d’oxygène : elles ne pourraient pas vivre sans cet apport extérieur de souffle qu’elles n’ont plus à l’intérieur. Le souffle, c’est vital et c’est pour cela que les gens sont à la recherche de techniques qui leur apprendraient à mieux respirer pour mieux contrôler leur stress, à poser leur respiration pour moins se fatiguer dans les efforts. Tout cela est sans doute positif, mais, nous les chrétiens, nous avons une longueur d’avance sur tous ceux qui cherchent un second souffle. En effet, le souffle, c’est le nom de la 3° personne de la Trinité, le Saint-Esprit. En hébreu, l’Esprit se dit « Ruah », et comme l’hébreu est une langue qui ne connait pas les abstractions, les mots abstraits ont toujours une connotation très concrète. Ainsi « Ruah », c’est le souffle ou le vent. En grec, l’Esprit se dit « pneuma » et ce mot vous le connaissez même si vous n’avez pas fait de grec car il est à l’origine du mot « pneumologue », ce médecin qui soigne les carences du souffle ou encore à l’origine du mot « pneumatique » qui nous permet de rouler avec des pneus qui encaissent les chocs pour nous. Enfin, en latin, Esprit se dit « spiritus » et ce mot vous le connaissez aussi parce qu’il est à l’origine du mot inspirer ou expirer.

         Autrement dit, les chrétiens, nous croyons que lorsque nous nous essoufflons à cause de nos vies trépidantes, oui, nous avons sans doute besoin de pause, de faire de l’exercice, mais nous avons surtout besoin de faire une cure d’Esprit-Saint ! Si nous ne faisons pas cette cure d’Esprit-Saint, nous risquons de finir épuisés, raplapla, complètement dégonflés ! Or, aujourd’hui, l’Eglise a besoin de chrétiens qui ne soient pas des dégonflés pour affronter et relever les défis qui se présentent à nous. Nous nous rappelons tous la célèbre parole de Jean-Paul II lors de sa messe d’intronisation : n’ayez pas peur ! On pourrait très bien la traduire de cette manière : ne soyez pas des dégonflés ! Et pour cela, nous avons besoin du Saint-Esprit. Il y a une oraison à l’office de Complies le mardi soir que j’aime bien qui dit cela de très belle manière : « Dieu qui es fidèle et juste, réponds à ton Église en prière, comme tu as répondu à Jésus, ton serviteur. Quand le souffle en elle s’épuise, fais-la vivre du souffle de ton Esprit : qu’elle médite sur l’œuvre de tes mains, pour avancer, libre et confiante, vers le matin de sa Pâque. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen. »

         Mais quand je dis cela, une question se pose immédiatement pour nous : où en suis-je de ma relation à l’Esprit-Saint ? Combien de fois m’arrive-t-il de commencer une prière en m’adressant directement au Saint-Esprit ? On dit souvent : Seigneur donne-nous ton Esprit, mais combien de fois, en dehors des chants disons-nous : Esprit-Saint, viens en moi ? 

Le texte du Credo nous fait dire que le Saint-Esprit reçoit même adoration et même gloire que le Père et le Fils : est-ce aussi sûr que, dans ma prière, le Saint-Esprit reçoive même adoration que le Père et le Fils ? Nous avons sûrement une marge de progression ! J’ai un ami prêtre qui aime dire : le matin, avant de prendre le café, prenez donc le Saint-Esprit ! Il faudrait que nos journées commencent avec le Saint-Esprit puisque c’est lui qui va nous donner de ne pas nous essouffler. Et pourquoi dit-il prenez le St Esprit ? Parce que vous savez que dans sa première apparition à ses disciples, l’Evangile nous dit que Jésus ressuscité a soufflé sur ses apôtres en leur disant : ??? qu’a-t-il dit ? Les textes disent tous : recevez le Saint-Esprit ! Eh bien, non ! C’est : prenez le Saint-Esprit ! Jn 20,22 C’est le même verbe que dans le récit de l’institution de l’Eucharistie : prenez et mangez (Labete en grec) Mt 26,26. Prenez ! Il y a une démarche de notre part. St Bonaventure, le grand théologien franciscain disait : « l’Esprit-Saint vient là où il est aimé, là où il est invité, là où il est attendu. » Un autre de mes amis prêtres aimait définir le Saint-Esprit comme le plus virulent des timides ! J’aime l’association de ces deux mots contradictoires, cette figure de style qu’on appelle en bon français un oxymore. Comme tous les timides, le Saint-Esprit ne s’impose pas, il attend d’être invité, cf. ce que disait Bonaventure. Mais quand il est invité, alors, il devient virulent, il déploie son énergie, il redonne souffle. Donc, le matin, avant de prendre le café, prenez donc le Saint-Esprit … et ça marche aussi avec le thé !

  1. L’une des actions du Saint-Esprit, c’est de faire passer du kaos au kosmos

Il y aurait beaucoup à dire sur l’action du Saint-Esprit dans nos vies. Si ça vous intéresse de creuser un peu plus, je donne une retraite entière sur ce thème à la Flatière fin mai début Juin et à Tressaint fin septembre. Je ne vais retenir qu’un élément pour notre propos d’aujourd’hui.

Dans l’Ancien Testament, le St Esprit apparaît très vite puisqu’il est mentionné dès le 2° verset du 1° chapitre du 1° livre de la Bible, le livre de la Genèse : « L’Esprit de Dieu planait sur les eaux » c’est ce que dit Gn 1,2. Pour la Bible et toute la réflexion théologique postérieure, il est clair que celui qui est à l’origine de tout, c’est Dieu, le Père, que celui qui fait advenir à l’existence c’est le Fils. L’Esprit Saint va avoir une autre fonction, et une autre mission qui va être très parlante pour nous.  Juste avant la citation que j’ai faite, il est dit, au début du verset 2, « la terre était vide et vague ».  En hébreu, vous connaissez peut-être l’expression : la Terre était « tohu bohu ». En grec, on a traduit cette expression  « tohu bohu » par kaos. Eh bien, celui qui va faire passer du kaos, du tohu bohu, du bazar au kosmos, au monde organisé, harmonieux c’est le St Esprit. Personnellement, je trouve cela très beau et très suggestif pour nous, pour notre vie de foi, mais plus largement pour toute notre vie. Je l’ai dit kaos, c’est le bazar, dites-moi, est-ce que vous n’êtes pas fatigués du bazar qu’il y a dans votre vie ? 

Le bazar, c’est tout ce qui n’est pas en place. Et bazar en hébreu, c’est presque le mot « chair » … ma c hair, mon corps, c’est parfois le bazar ! Il y a tellement de choses qui ne sont pas en place dans nos vies, pas à la bonne place, qui ont pris trop de place et qui du coup ne laissent plus assez de place à ce qui serait pourtant si important. C’est ainsi que les temps de qualité avec Dieu, avec son époux, ses enfants, ses frères et sœurs de communauté deviennent la variable d’ajustement. On dit : je n’ai plus le temps ! Oui, mais on a eu du temps pour regarder 100 fois notre smartphone dans la journée ! A chacun de voir ce qui a pris trop de place dans sa vie et qui étouffe le reste. Ce bazar nous fatigue ! D’ailleurs, dès qu’on y pense, on se dit : il faudrait que je règle ça … mais rien ne bouge.

Eh bien, la Bible nous dit que le spécialiste de débazardisation dans nos vies, c’est le Saint-Esprit puisque c’est celui qui fait passer du kaos au kosmos. Après m’être bien arrêté sur le kaos, je m’arrête sur ce mot de kosmos. Vous le connaissez bien ce mot de cosmos, surtout vous, mesdames qui utilisez des produits « cosmétiques » c’est à dire des produits qui vous rendent plus belles ! Si le Saint Esprit a eu cette fonction pour le monde, de le faire passer du kaos au kosmos, il peut avoir cette même fonction pour moi, pour ma vie.  Dans ma vie, dans mon cœur, dans mon âme, il y a toutes ces zones de kaos, de bazar que j’évoquais, eh bien, Le Saint Esprit peut avoir une action cosmétique c’est-à-dire que, venant en moi, il peut m’aider à mettre de l’ordre dans ma vie. Il nous fait passer du kaos au kosmos. Mais il va le faire d’une bien drôle de manière et il vaut mieux être prévenu pour ne pas être surpris et l’empêcher d’agir.

Je l’ai dit, le mot Esprit évoque tout à la fois le souffle et le vent. J’ai beaucoup parlé du souffle, je parle un peu du vent et vous allez comprendre pourquoi. Cette image du vent, elle peut aussi évoquer un courant d’air. Avec la pandémie, on nous a recommandé de faire des courants d’air pour purifier les pièces dans lesquelles nous vivons, nous accueillons. Voilà une belle fonction du Saint- Esprit, vent de Dieu qui purifie. Mais le courant d’air, ça peut aussi mettre le bazar sur un bureau mal rangé, vous ouvrez la porte et tout s’envole ! Le réflexe, c’est de se précipiter et d’essayer de retenir ce qui peut encore l’être pour ne pas avoir à tout reclasser. 

Aussi étonnant que ça puisse parait pour faire passer du kaos au kosmos, le Saint Esprit commence à agir à la manière d’un courant d’air qui vient mettre encore un peu plus de bazar pour nous obliger à remettre de l’ordre dans nos vies. Mais quand tout est en bazar, nous risquons d’être découragés (cf. passage de voleurs qui ont tout renversé) on a besoin de se faire aider autrement on reste planté, découragé devant l’ampleur du travail à faire. Eh bien, le Saint-Esprit après avoir tout bazardisé va nous aider à débazardiser, à ranger, à mettre de l’ordre dans notre vie et surtout, il va nous aider à ne pas nous laisser ré-envahir par le bazar. 

Accueillir le Saint-Esprit, c’est apprendre à remettre de l’ordre dans sa vie, vivre avec le Saint-Esprit, c’est apprendre à vivre dans une plus grande harmonie. Le bazar fatigue, l’harmonie repose ! Et à ce sujet, vous connaissez sûrement cette très belle parabole moderne.

Un professeur de philosophie se tient devant ses élèves, avec quelques accessoires posés sur son bureau devant lui. Le cours commence et les élèves s’installent, prêts à écouter leur prof. Sans un mot, celui-ci ramasse un très grand récipient vide de dessous le bureau et commence à le remplir avec des balles de golf. Une fois le bocal rempli de balles, il demande aux étudiants si le pot est plein. Unanimement, les étudiants conviennent qu’il l’est. Le professeur se saisit alors d’une boîte de petits cailloux et les verse dans le bocal. Il secoue légèrement le pot pour laisser les cailloux rouler vers les zones libres entre les balles de golf. Il repose ensuite sa question : « est-ce que ce pot est plein ? » Une fois encore, les étudiants répondent en chœur que le récipient est rempli. Avec un léger sourire sur le visage, le professeur ramasse une boîte contenant du sable et commence à le verser dans le pot. Bien entendu, le sable remplit tout l’espace entre les balles de golf et les cailloux. Une nouvelle fois la même question, qui obtient la même réponse : pour les étudiants, on ne peut plus rien verser dans ce pot. Le professeur, cette fois-ci attrape un pot d’eau sous la table et verse tout son contenu dans le pot. L’eau comble alors immédiatement tout l’espace vide entre le sable. Réalisant qu’il se sont encore fait avoir, les étudiants ne peuvent s’empêcher de rire de bon cœur. « Maintenant », dit le professeur une fois le calme revenu, « je veux que vous imaginiez que ce pot représente votre vie. Les balles de golf représentent les choses importantes : votre famille, vos enfants, votre santé, vos amis, vos passions favorites – les choses qui comblerait toujours votre vie même si tout le reste était perdu. Les cailloux représentent les autres choses qui comptent comme votre travail, votre maison, votre voiture… Le sable, c’est tout le reste – les petites choses. Si vous mettez le sable dans le pot en premier », poursuit-il, « il n’y a plus de place pour les cailloux ou les balles de golf. Il en va de même pour la vie. Si vous passez tout votre temps et dépensez votre énergie sur les petites choses, vous n’aurez jamais de place pour les choses qui sont importantes pour vous. Faites particulièrement attention aux choses qui sont essentielles à votre bonheur. Jouez avec vos enfants. Prenez le temps de veiller à votre santé. Emmenez votre partenaire dîner quelque part. Il y aura toujours du temps pour nettoyer la maison ou changer la poubelle. Prenez soin des balles de golf en premier, ce sont les choses qui comptent vraiment. Définissez vos priorités. Le reste n’est que du sable !

Dans cette explication si limpide, il manque une explication pour l’eau, je la rajoute car souvent cette belle histoire se termine sur une plaisanterie que je n’apprécie qu’à moitié ! L’eau, c’est justement l’Esprit-Saint, c’est d’ailleurs un autre symbole de l’Esprit-Saint. C’est l’Esprit-Saint qui permet de mettre chaque chose à sa juste place dans nos vies et quand tout est à sa place et que lui, on lui donne aussi sa place, nos vies sont pleines, harmonieuses. 

Il est temps que nous passions à la 2° partie, après avoir parlé du souffle, nous allons parler de l’émerveillement et je développerai l’importance de la gratitude.

Deuxième partie : L’émerveillement

  •  Un peu de gratitude car tout ne va finalement pas si mal dans la nature !

On voit beaucoup ce qui va mal et on est servi ! Mais tout ne va pas mal. J’ai parlé de l’harmonie dans nos vies, mais il y a une belle harmonie dans la nature. Alors, c’est vrai que l’homme joue depuis pas mal de temps à l’apprenti sorcier en sabotant l’œuvre du créateur, en surexploitant la création. Mais au commencement, ce n’était quand même pas si mal que ça ! Si vous avez un esprit un peu scientifique ou seulement curieux, vous pouvez lire le livre « Dieu, la science, les preuves, l’aube d’une révolution. » C’est un gros livre qui montre tout ce qu’il y a d’inouï dans la nature, tout ce qui a été si magnifiquement programmé pour que ça marche. C’est vraiment étonnant ! Alors, bien sûr, on ne peut pas prouver l’existence de Dieu et la prouver, ça serait d’ailleurs tuer la foi, mais quand on lit ce livre, on se dit que tout ça n’est pas le fruit du hasard et Celui qui est à l’origine a sacrément bien calculé et réussi son coup. Nous ne pouvons que nous émerveiller. 

Et cet émerveillement ne peut que nous conduire à une attitude responsable par rapport à la nature. Puisque tout a été si bien pensé, pourquoi nous acharnons-nous à saccager ce que le Créateur a si bien créé ? Avec son encyclique Laudato Si, le pape François aura beaucoup fait pour éveiller « les hommes de bonne volonté » à ce souci du respect de ce qu’il aime appeler « la maison commune. » Et aujourd’hui, on peut dire qu’il y a vraiment une prise de conscience et une évolution des mentalités sur ce sujet même s’il reste encore beaucoup de travail parce que la situation est assez grave. 

Cependant, il ne faut pas non plus se voiler la face, si l’écologie devient un souci partagé, si l’encyclique du pape a eu un véritable effet, il n’y a qu’une partie de l’encyclique qui a été relayée, il y a une dimension essentielle de l’écologie qui reste absente des préoccupations de tant de personnes, c’est ce qu’on appelle l’écologie humaine sur laquelle le pape a beaucoup insisté dans l’encyclique. La conscience mondiale est éveillée sur les risques que nous faisons courir à notre planète et on insiste pour dire qu’il n’y a pas de planète de rechange, mais dans le même temps l’homme continue à jouer les apprentis sorciers en manipulant l’humain sans trop se soucier des conséquences. Le principe de précaution s’applique à tous les domaines sauf à la recherche sur tout ce qui touche directement à l’homme. 

Les chrétiens, même s’ils ne sont pas entendus pour le moment, ont un rôle prophétique à jouer parce que notre foi nous pousse à nous engager dans une écologie intégrale, c’est-à-dire qui n’oublie pas l’écologie humaine. 

J’y reviendrai dans ma conclusion, mais rappelons-nous du refrain qui rythme le 1° récit de la création : Dieu vit que cela était bon et pour l’homme, il rajoute : très bon. L’homme est la perle de la création, il doit donc être au cœur de nos préoccupations. C’est pour cela que je fais un petit couplet sur l’homme maintenant, dans la perspective chrétienne, c’est essentiel.

  •   Un peu de gratitude car tout ne va finalement pas si mal dans le corps !

J’ai parlé de la nature et de son merveilleux agencement, il en va de même avec le corps humain. Certes, il nous joue parfois des tours et plus on avance en âge, plus on constate certains dérèglements, mais globalement, ça fonctionne très bien. Je ne sais pas si vous connaissez ce texte appelé « le memorandum de Dieu » qui a été écrit par un certain Og Mandino. On le trouve gratuitement sur internet en version audio, c’est magnifique à écouter ! Ce texte a été écrit pour soutenir quelqu’un qui a envie de se suicider car il trouve que tout est absurde dans la vie. Et l’auteur va justement lui montrer que rien n’est absurde, tout a été pensé et fonctionne finalement pas si mal. Je vous en lis un extrait : « Porte ta main à ta poitrine, écoute le rythme de ton cœur et ses pulsations. Heure après heure, jour et nuit, 36 millions de battements par année, année après année, endormi ou éveillé, faisant circuler ton sang dans plus de 100 mille kilomètres de veines, d’artères et de capillaires pompant plus de 2 millions 730 mille litres chaque année. L’homme n’a jamais été capable de créer une machine semblable. Ou encore le sang : Dans tes 5 litres 70 de sang, il y a 22 milliards de cellules contenant chacune des millions de molécules dans lesquelles se trouvent des atomes oscillant plus de 10 millions de fois par seconde. Chaque seconde, 2 millions de tes cellules sanguines meurent pour laisser la place à 2 millions de nouvelles cellules dans un processus de résurrection continuelle depuis ta 1° naissance. »Et le texte passe en revue comme cela toutes les merveilles que Dieu a déployé et ne cesse de déployer pour que nous puissions être vivant.

Vraiment, à chaque fois que j’écoute ce texte, j’en ai les larmes aux yeux tellement je mesure combien Dieu s’occupe de tout dans les moindres détails. Alors, bien sûr, dans cette complexité, on ne peut pas s’étonner qu’il y ait parfois une panne, un désordre ! Là encore, la gratitude va donc nous pousser à avoir une attitude responsable sur toutes les recherches concernant l’humain. La médecine a fait des progrès prodigieux et les chercheurs rendent gloire à Dieu en cherchant comment toujours mieux soigner l’homme malade, abîmé … mais si tout semble devenir possible, tout n’est pas forcément bon. La réflexion éthique doit accompagner ces recherches notamment sur tout ce qui touche à l’homme « augmenté ». Jusqu’où peut-on augmenter les capacités des hommes sans entrer dans une perspective qui finit par nier son identité de plus belle créature de Dieu ? Ces défis n-doivent nous rendre responsables et vigilants sans nous couper de cette attitude fondamentale de gratitude.

  •   Mais qu’est-ce que la gratitude ?

Nous devons donc cultiver la gratitude parce que tout ne va pas si mal que ça et il y a même plein de choses qui vont bien, qui sont belles et réussies. J’ai évoqué la nature et le corps humain, mais il faudrait aussi explorer les relations humaines. 

Oui, il y a de la mesquinerie ici ou là mais il y a aussi tant de beaux témoignages. Vous connaissez la règle des 5 fruits et légumes par jour pour être en bonne santé, eh bien, de la même manière, il ne faudrait pas s’endormir sans avoir noté 5 gratitudes autrement, nous risquons de vivre comme des ingrats ! Sans compter que la gratitude a des effets extrêmement positifs. Le père Pascal Ide qui est médecin et théologien a écrit un livre très intéressant sur le sujet. Il cite deux exemples que je vous partage.

Premier exemple, c’est une étude. Des chercheurs avaient pressenti l’impact de la gratitude sur la santé, ils ont voulu comparer deux catégories de personnes, vivant exactement dans les mêmes conditions, mais avec une catégorie pratiquant la gratitude et l’autre non. Ils ont eu l’idée de d’orienter leurs recherches vers un monastère ou un couvent parce que, là, on est sûr que tout le monde vit dans les mêmes conditions : repas, sommeil … Ils ont appris qu’il existait un couvent dans le Minnesota aux Etats-Unis qui avait une pratique qui pourrait les intéresser. En effet, dans ce couvent, on demandait à chaque jeune femme qui entrait d’écrire une lettre de motivation, d’en écrire une nouvelle pour leurs 40 ans et pour leurs 70 ans. Ils ont conçu un logiciel très rigoureux pour analyser ces lettres en repérant de manière très précise tous les éléments de gratitude repérables dans ces lettres. Au terme, avec une réelle rigueur scientifique, ils se sont aperçus que les sœurs qui baignaient dans la gratitude vivaient plus longtemps que les autres et avaient moins de problèmes de santé. 

Le deuxième est tout simple et il montre que la gratitude engage ceux qui la pratiquent dans un cercle vertueux, une cascade de dons. C’est un exemple vrai. Deux amis sont au restau, au moment de payer, on leur dit que leur repas a été payé par un couple avant qu’ils ne partent. Ils sont étonnés, y avait-il un couple qui les connaissait ? Peu importe, leur décision est immédiate, ils demandent à payer pour deux autres personnes et la serveuse a témoigné que cette cascade de générosité a duré 5 heures … et que, en plus, elle a reçu de généreux pourboires !

La gratitude ainsi comprise va fonctionner comme une vertu. La vertu est fondée sur ce principe : ce que je fais me transforme en mal ou en bien. Si je prends l’habitude de pécher, chaque péché devient plus facile, plus léger que le précédent, j’en ressens de moins en moins de regret. Dans ce cas, évidemment, on ne parle pas de vertu mais de vice qui est l’opposé de la vertu. Mais en positif, on peut aussi dire que lorsque je m’entraine au bien, chaque acte bon que je pose est moins difficile que le précédent. 

Il y a, en moi, comme une seconde nature qui s’installe, une inclinaison au bien ou au péché qu’on appelle l’habitus. Eh bien, la gratitude va fonctionner comme une vertu, ce processus dans lequel je vais entrer va me transformer et peu à peu créer un habitus au bien. Vous voyez donc que nous avons tout à gagner à vivre dans la gratitude.

Conclusion : Dieu vit que cela était bon et beau 

Finalement tout ce que je viens de dire sur la gratitude n’est ni plus ni moins qu’une invitation à regarder les personnes, les événements, la nature avec l’œil même de Dieu. Rappelons-nous les toutes premières paroles de Dieu dans la Bible dans le récit de la création que j’ai déjà évoqué. Dieu fait tout advenir à l’existence, Dieu, par le Saint-Esprit organise tout pour que tout ce qui existe puisse sortir du kaos. Et vous connaissez le refrain qui rythme ce récit de création : Dieu vit que cela était bon ! Dieu est dans l’émerveillement, il nous faut donc apprendre à tout regarder avec le regard de Dieu.

Et je terminerai en citant un extrait d’une conférence de carême à Notre Dame donnée par Mgr Bruguès. J’ai eu la chance d’être dans ma voiture et d’entendre justement cet extrait dans lequel il commentait justement le refrain de la Genèse : Dieu vit que cela était bon. Voilà ce qu’il disait : La langue grecque, en son génie, avait forgé un terme unique, kalokagathia, « bel et bon », qui faisait du beau et du bien, deux termes issus d’une même racine indoeuropéenne, les deux versants d’une même réalité : c’est cette expression que choisit la Septante. « Dieu vit que cela était bon », retiennent malheureusement les traductions du moment qui amputent ainsi de sa moitié la portée du texte sacré. La lumière était belle et pas seulement bonne aux yeux de Dieu, le ciel était beau, la terre, les arbres et les plantes, les animaux de toute espèce éblouissaient l’Esprit créateur, son enthousiasme culminant avec le dernier acte. Les anges eux-mêmes n’en revenaient pas quand ils considérèrent l’ultime créature, la plus inattendue peut-être, en tout cas la plus sophistiquée, la plus proche de son modèle, l’homme : à peine moindre qu’un dieu, chantaient les psaumes, « couronné de gloire et de splendeur » (Ps. 8, 6), appelé à commander à l’univers entier en soumettant tout à son ingéniosité et à sa maîtrise. « C’est beau ! » Un essayiste contemporain fait justement remarquer que, lorsque nous disons « C’est bien ! », nous faisons appel à un critère moral ; quand nous disons « C’est bon ! », nous utilisons un critère sensuel ; quand nous disons « C’est vrai ! », le critère devient rationnel ; mais avec « C’est beau ! », il n’y a plus de critère du tout. Alors que les critères de toutes sortes sont frappés de suspicion et risquent de disparaître, laissant nos sociétés victimes de ce que Benoît XVI nommait la « dictature du relativisme », la beauté représente l’ultime refuge. Alors vivons dans la gratitude !

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Amen !
    Merci pour ce long déroulement…
    Belle journée !

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