Je ne sais pas si vous avez ce beau film : le discours d’un roi. C’est l’histoire de l’accession improbable au trône d’Angleterre du prince Albert, 2° fils du roi George V. Cette accession était improbable au moins pour deux raisons. D’abord et cela suffisait largement, ce n’était pas lui l’héritier légitime, c’était son frère qui, d’ailleurs, deviendra roi sous le nom d’Édouard VIII mais qui va vite abdiquer, préférant les frasques de sa vie débridée à l’exigeant exercice du pouvoir. La 2° raison, au moins aussi fondamentale, c’est qu’il était bègue. Il ne pouvait pas aligner une seule phrase sans bégayer, ce qui vous l’avouerez semble un handicap insurmontable pour quelqu’un qui doit constamment parler en public. Donc à cause du rang qu’il occupait dans la filiation et à cause de ce handicap vous aurez compris qu’il n’était pas envisageable qu’il puisse devenir roi. Et pourtant il l’a été … et il fut un bon roi dont on gardera surtout le souvenir de ce premier discours prononcé sans accroc au moment où l’Europe entrait en guerre. Comment le miracle a-t-il pu se réaliser ? Grâce à l’amour de sa femme qui a cru en lui et qui l’a mis en contact avec un orthophoniste peu banal.
Ce très beau film pourrait devenir un magnifique commentaire de la 1° lecture ! Parce qu’il était également très improbable que David devienne roi, il y avait même encore plus de raisons que pour Georges VI. D’abord parce qu’un roi était en exercice et ce roi n’avait aucune envie d’abdiquer, Saül étant plutôt du genre à s’accrocher au pouvoir. Quant à David, lui aussi, il cumulait les handicaps ! Quand le prophète, envoyé par Dieu, est venu chez son père pour donner l’onction à l’un des fils, lui, David, n’était encore qu’un enfant. Et puis, lui non plus, n’occupait pas le bon rang dans la filiation, et de manière encore bien plus difficile que le Prince Albert dans le film puisqu’il était carrément le dernier de la famille ! Et, pour couronner le tout, si David n’était pas bègue, il était rouquin et comme tous les rouquins, il devait pas mal se faire moquer ! C’est sans doute pour cette raison que son père l’avait envoyé aux champs pendant que ses autres fils défilaient pour le casting ! Et pourtant, c’est lui qui sera choisi, c’est lui qui deviendra roi et même un très bon roi, le plus grand roi de l’histoire d’Israël. Qu’est-ce qui a permis le miracle ? Comme pour le prince, quelqu’un a cru en lui et lui a envoyé un coach qui l’a accompagné.
Celui qui a cru en lui, c’est Dieu, bien sûr. Le film nous montre qu’une femme peut devenir capable de transformer la vie de son mari par le regard d’amour et de confiance qu’elle pose sur lui. La Bible nous révèle que Dieu pose ce même regard sur chacun de nous. Nous avons entendu cette merveilleuse déclaration de Dieu au prophète Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le coeur. » J’imagine que Saint Exupéry s’est largement inspiré de cette déclaration pour écrire : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. »
Un regard extérieur ne voit que l’extérieur et constate qu’un homme bègue ne peut pas devenir roi pas plus qu’un enfant rouquin qui présente tellement moins bien que ses frères. Le regard que Dieu porte sur nous est le regard de l’amour et il ne s’arrête donc pas à ce qui se voit, Dieu nous regarde avec le cœur et il regarde notre cœur. Ce lieu du cœur, Dieu le connaît très bien puisqu’il est notre créateur, j’aime ce chant qui parle de tous ces trésors que Dieu a mis dans notre cœur sans faire de bruit. C’est pour cela que Dieu n’hésite pas à bousculer tous les critères en vigueur qui permettent habituellement de réussir un bon casting avec le moins de marge d’erreur possible. C’est pour cela qu’il appelle souvent des pauvres, des petits, des méprisés. L’Évangile et l’histoire de l’Église, à travers la vie des saints, nous donnent une multitude d’exemples de ce choix de Dieu déconcertant selon les critères habituels et pourtant fort judicieux.
Comme nous avons du mal à regarder les autres avec ce regard de Dieu, ce regard qui ne s’arrête pas à l’extérieur, mais qui va chercher à scruter les dispositions du cœur. Comme nous avons du mal à ne pas réduire les autres à leurs qualités ou leurs défauts apparents. Comme nous avons du mal à ne pas leur coller une étiquette qui les réduira éternellement à ce qu’ils ont fait. Alors que, tous nous valons tellement plus que ce que nous faisons !
Oui, notre regard est malade, profondément malade. Puisque le Seigneur va venir nous visiter dans cette messe comme il le fait dans chaque eucharistie, reconnaissons humblement notre aveuglement sur les autres, sur Dieu et sur nous-mêmes, demandons-lui avec foi de nous guérir. Quand nous serons capables de voir tous les événements, toutes les personnes et nous-mêmes avec le regard de Dieu, je suis certain que notre vie sera radieuse.
C’est d’ailleurs à cette rééducation profonde du regard que Jésus invite les pharisiens qui semblent être uniquement à l’affut de ce qui n’est pas règlementaire. Jésus quand il regarde, son regard est branché sur son cœur alors que les Pharisiens, leur regard est branché sur une machine à juger ce qui est conforme à la loi et ce qui ne l’est pas. Bilan, Jésus est toujours en train de bénir, guérir et les pharisiens sont toujours en train de juger, condamner ! Quelle tristesse !
Ah, j’allais oublier, le roi Georges VI a réussi son fameux discours grâce à ce merveilleux orthophoniste qui a été un coach, certes très original, mais tellement performant. Nous avons nous aussi un entraîneur qui peut nous aider à surmonter tout ce qui nous semble des obstacles insurmontables. Ce coach, c’est l’Esprit-Saint. Tertullien, un Père de l’Église disait que l’Esprit-Saint est l’entraîneur des martyrs. Martyr, c’est un mot grec, alors je vous traduis en français : l’Esprit-Saint, c’est le coach de ceux qui veulent devenir des témoins crédibles !
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de nous laisser coacher en permanence par le Saint-Esprit qui saura rééduquer notre regard.