10 avril : samedi dans l’octave de Pâques Morte la nuit du 4 au 15 octobre !

Vous savez peut-être que Ste Thérèse d’Avila jouit d’un privilège qu’on n’est pas près de lui ravir. En effet,elle est morte au cours de la nuit la plus longue de l’histoire puisqu’elle est morte dans la nuit du 4 au vendredi 15 octobre 1582. Vous avez bien entendu, c’était la nuit du 4 au 15 octobre 1582. Peut-être vous demandez-vous comment ça peut être possible. Eh bien, c’est au cours de cette nuit- là, que l’Espagne et l’Italie avaient décidé de basculer du calendrier julien au calendrier grégorien par décision du pape Grégoire XIII. Ce basculement demandait forcément un ajustement et plutôt que de réajuster les horaires pendant plusieurs jours consécutifs, il était plus simple de réaliser cet ajustement en une seule fois et, bien sûr, la nuit était le meilleur moment pour gêner le moins de monde possible. Alors, vous voyez quand on se plaint du changement d’heure, ce n’est vraiment rien à côté de ceux qui ont eu à vivre ce basculement : vous vous endormez le 4 octobre et vous vous réveillez le 15 : quelle belle nuit ! Or, voilà que Dieu a permis que ce soit au cours de cette nuit si particulière que s’endorme dans la mort Thérèse d’Avila, beau cadeau qui permet de retenir plus facilement la date de son encièllement !

Eh bien, toute proportion gardée, c’est ce que nous allons vivre cette nuit, toutefois, nous, ce n’est pas 11 jours que nous allons sauter mais seulement 7 jours. Ça ne se fera ni par une décision du pape comme à l’époque de Thérèse, ni par une décision du président de la République qui se serait dit qu’en faisant tourner les horloges plus rapidement on pourrait ainsi sortir plus vite de la pandémie. Non ce saut de 7 jours, il ne va se réaliser que dans le temps liturgique. En effet, vous avez remarqué que cette semaine, nous étions restés dans le 1° jour de la semaine, le jour de la résurrection. Les évangiles nous ont donné du temps pour explorer ce bien grand mystère en nous permettant de recueillir le témoignage de ceux qui ont bénéficié d’une apparition du ressuscité. Pour être tout à fait exact, je dois reconnaître qu’hier nous étions déjà sortis du 1° jour, mais le texte commençait par ces mots : en ce temps-là, comme pour nous laisser dans l’ambiance de ce 1° jour du temps des apparitions. Pendant une semaine, nous sommes donc restés bloqués dans ce 1° jour de la semaine, jour de la résurrection, et demain, nous entendrons l’Evangile nous faire passer du 1° jour au 8° jour qui sera le dernier jour de l’octave pascale. 

Et alors l’Eglise est vraiment une bonne « Mater et Magistra » avant de nous faire passer du 1° au 8° jour, elle nous offre ce texte d’Evangile dans lequel nous avons entendu Marc nous donner un résumé de ce qu’il faut retenir de ce 1° jour si particulier. Comme souvent, l’Evangile de Marc ne se laisse pas encombrer par les détails, en effet, vous savez qu’il est le plus synthétique puisqu’il ne comporte que 16 chapitres. Alors, là où les autres apportent des nuances, prennent le temps d’expliquer, Marc va droit au but. 

Les exégètes discutent, avec de bons arguments d’ailleurs, pour savoir si ces versets sont vraiment de Marc ; mais comme nous ne sommes pas dans un cours d’exégèse, nous nous contentons de les accueillir comme l’Eglise nous les offre en sachant qu’ils sont au moins d’inspiration marcienne et surtout de l’inspiration du Saint-Esprit ! En lisant le résumé que Marc nous donne, on pourrait discuter tel ou tel point de la chronologie qu’il propose, mais son objectif n’est pas de faire un compte-rendu précis des apparitions. Il y a quatre grandes affirmations dans son résumé : 1/ Il est ressuscité 2/ Le témoignage de ceux qui l’ont vu vivant n’a pas suscité chez les apôtres un enthousiasme délirant, c’est le moins qu’on puisse dire 3/ Jésus lui-même leur est apparu leur faisant quelques reproches 4/ Mais il ne reste pas dans ces reproches puisqu’il les envoie en mission : « Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création. » Permettez-moi de reprendre rapidement ces 4 points. 

Le 1° point, Jésus est ressuscité. Marc ne fait pas de grands développements comme Paul le fera, par exemple, sur la résurrection. Pour Marc, c’est un fait qu’il nous livre, absolument brut parce que, finalement, il dépasse notre entendement. De toutes façons, c’est bien clair, tout ce qu’on pourrait dire ne permettrait pas d’en rendre compte. C’est peut-être la clé qui nous permet d’interpréter le silence des femmes, quelques versets auparavant, silence qui semble être la véritable conclusion de l’Evangile écrit par Marc lui-même. Sur la résurrection, inutile de faire des discours qui n’emporteront l’adhésion de personne, la résurrection, on en témoigne. Selon le mot qu’on prête à Nietzche et que le père Renaud rappelait, : il faudrait qu’ils aient l’air un peu plus sauvés pour que je crois en leur Sauveur affirmation qu’on peut compléter en disant : il faudrait qu’ils aient l’air un peu plus ressuscités pour que je crois en leur Ressuscité.

Le 2° point vient compléter et nous déculpabiliser par rapport à ce que je viens de dire. Ce 2° point qui ressort de la synthèse de Marc, c’est : le témoignage de ceux qui l’ont vu vivant n’a pas suscité chez les apôtres un enthousiasme délirant. La foi en la résurrection est lente à monter dans les cœurs parce que c’est tellement incroyable … incroyable, ça signifie souvent pour nous extraordinaire : c’est incroyable ce que tu es génial, mais, étymologiquement, incroyable, ça signifie d’abord difficile à croire. Donc je dis que ce 2° point vient nous déculpabiliser parce que l’adaptation de ces mots qu’on prête à Nietzche pourrait nous culpabiliser : il faudrait qu’ils aient l’air un peu plus ressuscités pour que je crois en leur Ressuscité. On pourrait se dire que c’est à cause de nous que le monde s’éloigne de la foi, c’est parce que nous n’avons pas assez des visages de ressuscités. C’est en partie vrai, mais seulement en partie. D’abord parce qu’il y a des moments, des situations d’épreuves que nous pouvons traverser au cours desquelles il est bien difficile d’avoir des visages de ressuscité. Mais si le monde ne croit pas aussi facilement qu’on aimerait, c’est aussi parce que la foi en la résurrection n’est pas évidente, il est difficile de croire ce qui est incroyable. Même les apôtres ont eu du mal, alors ne nous étonnons pas de toutes nos lenteurs à croire, de toutes nos lenteurs à laisser la vie du ressuscité l’emporter dans nos vies, ne nous étonnons pas des lenteurs du monde. Il faut, à un moment donné, vivre, d’une façon ou d’une autre, une expérience de rencontre avec le ressuscité pour que l’incroyable puisse devenir le pilier central de notre vie de foi.

Le 3° point, c’est Jésus qui apparait enfin à ses apôtres leur fait des reproches. Mais vous aurez remarqué qu’il ne leur fait pas de reproches sur leur comportement au cours de la passion. Hier, je disais que si, moi, j’avais été à la place de Jésus, ce n’est pas une pêche miraculeuse que j’aurais offert aux apôtres, mais un bon ratichon. Enfin quand même, ils ont été lamentables au cours de la passion, dans l’Evangile de Jean dont était tiré l’Evangile d’hier, on voit bien que Jésus ne leur en tient pas rigueur. Il leur apparait, leur donne un acompte d’Esprit-Saint et les envoie en mission et eux, qu’est-ce qu’ils font ? Ils partent à la pêche, le pape part à la pêche et il emmène les cardinaux avec lui, on croit rêver ! Oui, si j’avais été à la place de Jésus, je sais bien ce que j’aurais dit et ce que j’aurais fait et je peux vous dire que ça n’aurait pas été une pêche miraculeuse … mais heureusement, ce n’est pas moi que Dieu a envoyé pour sauver le monde ! Alors, à, dans ce passage de l’Evangile de Marc, Jésus fait des reproches à ses apôtres, mais pas du tout comme ceux que j’aurais fait ! Il ne leur reproche rien de leur attitude au cours de la passion, alors que, pour Marc, c’est la 1° fois qu’il les retrouve. Non, il va pointer un double problème : leur manque de foi et la dureté de leur cœur. Mais en fait, je ne suis pas sûr que le manque de foi, ça soit vraiment un reproche. C’est comme si Jésus leur disait rappelez-vous toujours que ça n’a pas été évident pour vous de croire ceux qui vous annonçaient ma résurrection, alors ne vous étonnez pas de la lenteur de ceux auprès de qui vous serez envoyés.

Et c’est justement le 4° point, Jésus envoie ses apôtres en mission. Non seulement il ne revient pas sur leur comportement lamentable au cours de la mission, mais on pourrait dire qu’il les confirme dans le choix qu’il avait fait. Ceci dit, il faudra un peu de temps avant qu’ils ne puissent aller dans le monde entier et proclamer l’Évangile à toute la création. Il faudra un peu de temps avant qu’ils ne puissent dire ces paroles entendues dans la 1° lecture : « Quant à nous, il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu. » Il faudra qu’ils reçoivent le Saint Esprit et c’est vers ce don du Saint Esprit qui est l’aboutissement du mystère pascal que nous serons orientés en sortant de l’octave pascale. Oui, nous n’en finirons jamais de t’appeler Saint-Esprit pour que nous aussi, il nous soit impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu. 

Laisser un commentaire