13 février : lundi 6° semaine ordinaire. Dieu est-il responsable de la mort d’Abel ?

Samedi, j’ai essayé de vous expliquer que Dieu, après le péché, n’a pas puni l’homme et la femme. Dieu est bon donc il est pardon même si nous avons vu qu’il ne pouvait pas supprimer les conséquences du péché. Et j’ai aussi expliqué que le fait d’être chassé du jardin était encore une manifestation de cette bonté de Dieu qui a voulu protéger la vie pour que l’homme ne vienne pas mettre la main dessus et tout gâcher.  Je me suis donc fait l’avocat de Dieu dans le mauvais procès qu’on pouvait lui faire et j’ai obtenu qu’il ne soit pas condamné !

Aujourd’hui encore, Dieu va avoir besoin d’un bon avocat parce qu’en entendant la 1° lecture, on pourrait l’accuser d’être à l’origine du meurtre d’Abel, indirectement, certes, mais réellement. En effet, pourquoi a-t-il fait une différence entre Caïn et Abel ? Pourquoi a-t-il accueilli favorablement l’offrande d’Abel et pas celle de Caïn. S’il n’avait pas fait cette différence, Caïn n’aurait pas fait cette crise de jalousie qui le conduira à tuer Abel, j’hésite à dire son frère Abel, car, pour Caïn, finalement, Abel n’a jamais été vraiment un frère, c’est ce que nous découvrons en lisant le texte attentivement. Même si les apparences pourraient laisser croire que Dieu a une part de responsabilité, je veux encore me faire son avocat pour qu’on découvre qu’il est innocent.

D’abord cette histoire commence mal. Le lectionnaire liturgique disait : L’homme s’unit à sa femme Eve qui devint enceinte et elle mit au monde Caïn. En fait la traduction exacte, ça serait : l’homme connut sa femme. Ce verbe connaître, en hébreu, il peut être utilisé pour désigner les relations sexuelles, mais il y a deux autres verbes qui peuvent aussi exprimer les relations sexuelles : aller vers ou coucher avec. Quand c’est le verbe connaître qui est utilisé, c’est toujours pour désigner des relations sexuelles violentes, pas vraiment consenties … on n’est jamais loin du viol quand c’est le verbe connaître qui est utilisé. Ça signifie donc que l’histoire de la sexualité qui suit immédiatement l’histoire du péché va être une histoire difficile à cause des hommes qui ne respectent pas toujours leurs femmes. Pourtant, Dieu avait béni la sexualité qui n’était pas une concession que Dieu accordait aux êtres humains pour qu’ils puissent se reproduire. Non, dans le plan de Dieu, la sexualité était un don et vraiment un très beau don, cela Jean-Paul II l’a bien montré dans sa théologie du corps. C’est pourquoi, nous, les consacrés, qui faisons cadeau de notre sexualité au Seigneur, c’est un très beau don que nous lui faisons et il l’accueille à sa juste valeur.

Oui, mais voilà, samedi j’expliquais que l’une des conséquences du péché, c’était d’avoir brouillé les relations, d’avoir instauré des rapports de domination. Cela, on le verra particulièrement dans l’exercice de la sexualité. Ce que Dieu avait annoncé à Eve se réalise : l’homme te dominera. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que ça se vérifie. On ne peut pas à proprement parler d’un viol, mais la naissance de Caïn arrive après un rapport sexuel, au minimum, non-désiré, non-consenti.

Alors, Eve va comme se venger, il semble qu’elle évacue Adam de sa vie, au moins symboliquement. Puisqu’elle comprend qu’elle n’obtiendra pas la tendresse dont elle rêve, elle s’éloigne d’Adam. Et vous avez entendu ce qu’elle dit quand elle donne naissance à Caïn : J’ai acquis un homme avec le Seigneur ! Adam a été éliminé, elle fait comme s’il n’y était pour rien dans l’arrivée de cet enfant, elle ne mentionne que le Seigneur et pas son mari ! Et autre indice, désormais l’homme de sa vie, c’est son fils : J’ai acquis un homme avec le Seigneur ! On voit comme ça des femmes qui s’éloignent de leur mari et qui reportent toute leur affection vers leur enfant. Cette attitude n’aide jamais les hommes à trouver et à tenir leur place à la maison.

Là, on peut dire qu’Eve a pris sa revanche sur la manière dont elle s’était sentie humiliée par Adam qui l’avait prise comme un animal mâle peut prendre un animal femelle. Dans le récit de création, Dieu avait confié à l’homme la mission de dominer les animaux et, à cause du péché, l’animalité a pris le dessus dans le comportement de l’homme. Peut-être que, dans le futur, il serait intéressant de faire découvrir la richesse de ces textes aux couples dans une semaine St Valentin ! L’homme est donc montré du doigt dans le livre de la Genèse qui lui dévoile la profondeur de son péché. On a déjà parlé des absences des hommes, du fait qu’ils ne disent rien et là, on voit encore un autre problème spécifique à l’homme dans l’exercice de la sexualité.

Mais les femmes ne sont pas innocentes pour autant ! Je viens de montrer comment Eve s’était vengée en évacuant Adam et en reportant toute son affection sur son fils Caïn, qu’elle appelle désormais « son homme ». D’ailleurs en disant qu’elle l’a acquis avec le Seigneur, elle fait quasiment de ce fils un demi-dieu qui va donc occuper une place qui ne sera pas juste dans sa vie. Et cela, on le voit bien avec la suite, avez-vous remarqué comment est annoncé la naissance d’Abel ? Je cite : Dans la suite, elle mit au monde Abel, frère de Caïn. J’espère que vous remarquez la différence avec l’annonce de la naissance de Caïn. Là, Eve ne prend même pas la parole et cet enfant, il n’est pas appelé son fils, mais le frère de Caïn. Rien ne nous est dit sur le rapport sexuel qui donnera naissance à ce 2° enfant, on ne sait pas si ça s’est mieux passé que la 1° fois, mais ce qui nous est dit, c’est que, manifestement, cet enfant n’a pas la même place que l’ainé dans le cœur de sa mère. D’ailleurs le nom qui lui a été donné n’est pas très gentil, Abel signifie buée, brouillard, c’est-à-dire quelque chose d’inconsistant qui est un peu gênant et qui disparait aussi vite que la buée sur les vitres ! 

Si l’attitude d’Adam n’était pas exemplaire à l’égard de sa femme, l’attitude d’Eve ne sera pas, non plus, exemplaire vis-à-vis des enfants. Et c’est vrai que bien des femmes ont des rapports pas toujours ajustés avec leurs enfants. C’est rare qu’il y ait, à ce point des différences dans la manière de les aimer, ça peut arriver quand même et c’est une blessure très profonde chez ceux qui n’auront pas été aimés par leur mère, moins aimé qu’un frère ou une sœur. Mais, même quand il n’y a pas de préférence marquée, il peut y avoir des relations pas suffisamment ajustées. Et c’est ainsi qu’on voit certaines mères qui vont surprotéger leurs enfants, chercher à les garder pour elles ce qui n’aidera pas certains garçons à se marier et qui pourra être à l’origine d’une orientation homosexuelle. Et puis, comme on l’a vu avec Eve, les femmes peuvent éliminer, au moins symboliquement, les maris de leurs vies. Parfois, comme Eve, elles ont de bonnes raisons de le faire, mais ça n’arrange pas la vie de couple et ça renforce le mari dans un comportement souvent violent, dominateur et ça le pousse, par exemple, à l’adultère, l’alcoolisme. 

Comme vous le voyez, la Bible, ce n’est pas un beau conte de fées ! En fait, et c’est très beau, la Bible n’ignore rien et ne cache rien des difficultés de la vie. Cette histoire qui est racontée, c’est notre histoire, à un moment ou à un autre, nous pouvons nous reconnaître. Du coup, ce qui est extraordinaire, c’est que l’histoire biblique va nous montrer que Dieu accepte de nous aimer malgré nos défauts, malgré nos comportements si peu ajustés, malgré nos péchés ou plutôt Dieu accepte de nous aimer au cœur de toutes nos fragilités. Mais Dieu ne reste pas inactif en se contentant de compter nos erreurs ! Il va chercher à rétablir un équilibre et c’est ce qui explique qu’il ait décidé de poser un regard favorable sur l’offrande d’Abel et non sur celle de Caïn. Ce pauvre Abel, il n’avait presque pas de place dans le cœur de sa mère et pas plus dans le cœur de son frère, il me faudrait plus de temps pour le montrer. Mais, vous avez entendu, quand Dieu demande à Caïn : où est ton frère, Caïn répond : je ne sais pas ! Cette réponse, on peut l’entendre comme : je ne sais pas où est mon frère parce que je ne sais pas si Abel est mon frère. Caïn a profité de sa place de chouchou dans le cœur de sa mère pour évincer, lui aussi Abel, ce frère gênant comme de la buée qui, comme la buée, ne méritait pas mieux qu’une vie éphémère !

Quant au père, vous aurez remarqué qu’il est à nouveau absent, décidément, c’est une habitude chez les hommes ! Il était absent quand il aurait pu empêcher Eve de se laisser séduire et il est encore absent ici. C’est vrai qu’il a des circonstances atténuantes puisqu’il a été évincé par sa femme, mais, finalement ça semble bien l’arranger, ainsi, il peut rester plus longtemps au cabaret puisqu’il sait qu’il n’est pas attendu, qu’il n’a pas de vraie place à la maison ! Alors Dieu, et c’est la première fois que ça arrive dans l’histoire des hommes, va prendre parti pour le faible, l’exclu, le petit qu’est Abel. Puisqu’Abel n’a pas la place souhaitée dans le cœur de sa mère, de son frère et de son père, il aura toute sa place dans le cœur de Dieu. Abel est le 1° pauvre que Dieu prend en charge, Abel est le premier pauvre à être aimé de cet amour qu’on qualifie de préférentiel : l’histoire de l’amour préférentiel de Dieu pour les pauvres commence avec Abel et ne se terminera jamais ! 

Je vais terminer même s’il y aurait encore beaucoup, beaucoup à dire, notamment en évoquant les conséquences du meurtre ! Mais j’ai déjà parlé assez longtemps et puis, je m’étais donné comme objectif premier de me faire l’avocat de Dieu.  J’espère l’avoir encore été et vous avoir convaincu que Dieu ne peut pas être considéré comme responsable du meurtre d’Abel. D’autant plus qu’après le choix préférentiel du pauvre Abel, Dieu n’a pas délaissé Caïn. Le texte nous montre que Dieu va s’occuper de Caïn, il va le trouver, il lui parle et lui propose un dialogue en vérité. Pour Dieu, il était encore évitable que Caïn tue son frère. En agréant l’offrande d’Abel sans agréer celle de Caïn, Dieu espérait produire comme un électrochoc dans le cœur de Caïn, dans le cœur d’Eve et dans celui d’Adam.

Dieu voulait qu’ils puissent tous réfléchir au pourquoi de cette différence de traitement et qu’ils fassent leur examen de conscience qui aurait dû les amener à découvrir leur faute et à se convertir. Mais, hélas, il n’en a rien été. Et le pire, c’est que ça n’a pas servi de leçon puisque le texte se terminait par cette mention : Adam s’unit encore à sa femme. C’est la même formule qu’au début qui suggère un rapport sous la domination, d’ailleurs le mot « encore » est très fort : Adam s’unit encore à sa femme, un peu comme pour dire qu’Adam a recommencé ! Ce qui peut laisser entendre qu’Eve le punira à nouveau et que les enfants en supporteront les conséquences. Mais, Dieu, lui aussi va ENCORE manifester son amour, sans se décourager et ce, jusqu’à envoyer son Fils pour nous sauver. Elle est forte cette histoire biblique même si elle est tragique ! Mais Dieu ne nous aime pas en rêve, il nous aime dans la réalité souvent tordue de nos vies. C’est une bonne nouvelle !

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Sur un sujet un peu délicat, que d’éclairages… Merci !

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