Je commence une semaine de retraite sur le Saint Esprit, voilà l’homélie de la messe d’ouverture !

J’aimerais commencer cette homélie par un petit best-of de ce que nous venons d’entendre : « Écoutez la parole du Seigneur, vous qui êtes pareils aux chefs de Sodome ! Prêtez l’oreille à l’enseignement de notre Dieu, vous, peuple de Gomorrhe ! …  Quand vous étendez les mains, je détourne les yeux. Vous avez beau multiplier les prières, je n’écoute pas. Ôtez de ma vue vos actions mauvaises, cessez de faire le mal. » Oui, mais ça, me direz-vous, c’est le Premier Testament, qui nous présente un Dieu qui, légitimement, est souvent énervé ! Eh bien continuons avec l’Evangile pour voir si Jésus apporte la douceur dont nous rêvons pour un début de retraite : « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive ! … Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi ! »

Je peux vous dire que, lorsque j’ai regardé les textes de la semaine et que j’ai vu dans quelle tonalité ça commençait, je suis vite allé voir s’il n’y avait pas un saint que nous pourrions fêter et qui nous offrirait des lectures plus tranquilles ! Mais en consultant la liste des saints, je n’ai rien vu de très probant ! Certes, ils sont saints, mais comment mettre cette retraite sous le patronage de Sainte Golindouch ou de Saint Etienne le Sabaïte ? Il y avait bien Saint Henri dont les mérites sont grands puisqu’il s’est allié au roi de France de l’époque, Robert Le Pieux, pour aider la papauté à se réformer car, vraiment ça ne faisait pas très sérieux de voir 14 papes se succéder en un siècle ! Donc, très vite, j’ai compris que non seulement, il faudrait faire avec ces lectures mais qu’elles étaient le message que le Seigneur voulait nous adresser en ce début de retraite et qu’il nous l’adressait pour nous faire du bien, pour notre croissance spirituelle !

C’est alors que le Saint Esprit, ce cher Saint-Esprit que nous allons tant solliciter cette semaine, a fait remonter à ma mémoire cette citation du pape François que j’avais lue. Je ne l’ai pas retrouvée, alors je la cite de mémoire, il disait : « L’Église n’est pas une nounou à qui l’on confierait des enfants avec la charge de les endormir. » C’est vrai que nous avons besoin de douceur et vous en aurez, mais c’est vrai aussi qu’une retraite, c’est un temps pendant lequel le Seigneur en profite pour nous réveiller. Il se dit : puisque je les ai sous la main pendant une semaine, je vais en profiter pour les faire sortir de la douce torpeur dans laquelle ils se sont installés ! Dans un couple, les parents, assez spontanément se répartissent les rôles, la maman est plutôt cajoleuse et le papa exigeant ! Cette semaine, les rôles seront un peu inversés, la maman Eglise va être énergique avec les textes qu’elle proposera et le père prédicateur essaiera d’être un plus dans le soin cherchant à faire en sorte que son message puisse devenir massage !

De ces textes énergiques, j’aimerais donc retenir deux points qui pourront nous aider à nous tenir dans la bonne attitude pour commencer cette retraite et pour la vivre de manière vraiment profitable.

Le 1° point m’est inspiré par la 1° lecture, c’est une invitation à accueillir la gratuité de l’amour de Dieu. Bien sûr, à travers les paroles vigoureuses que le Seigneur a mises dans la bouche du prophète Isaïe, il y a une dénonciation de l’hypocrisie. Le cœur de ceux qui offrent ou de ceux qui organisent les sacrifices n’est pas accordé à ce qu’ils célèbrent. Oui, c’est bien présent. Mais, au-delà, je crois que le Seigneur n’en peut plus de ce système de marchandage dans lequel les gens se présentent devant lui en lui disant : si je t’offre un couple de tourterelles, j’espère que ça sera assez pour obtenir la petite faveur que je demande. Et d’autres viennent avec un mouton ou un bœuf parce que, ce qu’ils ont à demander, est tellement plus important. Dieu n’en peut plus !

C’est gratuitement qu’il s’est lié à ce peuple, il ne leur a rien demandé pour les libérer de la servitude d’Egypte, c’est son cœur rempli d’amour qui a parlé. Il ne leur a rien demandé pour les guider dans le désert. Il ne leur a rien demandé pour leur donner cette Terre où coule le lait et le miel ? Pourquoi maintenant pensent-ils qu’avec Dieu tout peut s’acheter et que, ce qu’il donne, tôt ou tard, il faudra bien le payer. Dieu n’en peut vraiment plus de tout ça et il le fait savoir !

Alors entrons dans cette retraite avec cette conviction que l’amour de Dieu est gratuit. Tout ce qu’il va nous donner, c’est sûr, nous ne le méritons pas et ceux qui pensent mériter quoique ce soit risquent bien de repartir déçus ! Tu es pauvre, peut-être même misérable, si tu ouvres ton cœur pour accueillir tout l’amour qu’il veut y déverser, tu repartiras plus que comblé puisque tu repartiras débordant. Et rassure-toi, il n’y aura jamais rien à payer ! Simplement, si tu n’es pas trop ingrat, tu vivras ensuite dans l’action de grâce et c’est cette attitude qui entretiendra la permanence du don pour que plus rien ne soit comme avant !

Le 2° point m’est inspiré par l’Evangile et je le résumerai ainsi : dans cette retraite, il n’y a pas de place pour de la demi-mesure ! C’est à un choix radical que Jésus nous invite quand il nous demande : est-ce que tu es prêt à me mettre à la 1° place dans ta vie et ce, quelle que soit ta situation ? Et il nous prévient : tu ne seras jamais dans la paix tant que cette décision radicale ne sera pas prise. Du moins, c’est comme cela que j’entends les questions qu’il pose.

Au moment d’entrer dans cette retraite, c’est donc une invitation pressante qui nous est adressée, à vous comme à moi, car le prédicateur doit toujours être le premier auditeur de la parole qu’il adresse aux autres. Jésus nous invite à faire un bilan lucide de tous nos petits arrangements. Tu dis que tu m’aimes, ok, je veux bien le croire, mais faisons quand même le bilan pour voir si ce sont des mots ou si ça se voit dans ton emploi du temps, dans tes choix, dans tes renoncements. Nous le savons, il ne pourra jamais y avoir de choix vrai qui ne soit accompagné de renoncements crucifiants, mais libérateurs.

Pourquoi une telle exigence dès le début de la retraite ? Tout simplement parce que le Seigneur a préparé une montagne de cadeaux pour chacun, mais, quand il voit nos cœurs si encombrés par un tas de bazar, ça lui fait vraiment du souci, il a peur d’être obligé de repartir avec l’essentiel des cadeaux faute de trouver de la place pour les déposer ! J’ai un ami qui a une maison très encombrée parce qu’il garde tout, on ne sait jamais, un jour, je pourrais en avoir besoin, on le charrie beaucoup là-dessus ! Il a même un placard avec une étiquette marquée « ça peut ! » c’est rempli de trucs improbables récupérés à droite et à gauche et ce placard est donc plein de « ça peut » c’est-à-dire : ça peut servir ! En fait, ça ne sert jamais, ça sert juste à encombrer ! 

Eh bien, au début de cette retraite, le Seigneur met le projecteur sur les placards remplis de « ça peut » dans notre cœur, il y en a forcément ! Et il nous demande : pourquoi tu gardes ça ? Pourquoi tu n’acceptes pas de croire que je peux suffire à ton bonheur, pourquoi toutes ces sécurités que tu gardes pour le cas où … Est-ce que tu manques de confiance ? Est-ce que depuis le moment où tu t’es donné à moi, tu as pu me prendre en défaut, ne serait-ce qu’une seule fois, de ne pas avoir tenu ma promesse d’être avec toi chaque instant de ta vie ? Est-ce que tu as déjà été déçu quand, dans les moments où tu n’en pouvais plus, tu as osé compter sur ma présence à tes côtés ? Allez, fais le ménage, débarrasse tous les « ça peut » que tu as accumulés et qui t’encombrent, sinon tu m’obligeras à repartir avec les bras chargés des cadeaux que j’ai préparés pour toi !