J’avais lu un jour cette histoire qui est remontée à ma mémoire hier quand j’ai préparé cette homélie. C’est une histoire vraie et délicieuse. Un prêtre va prendre le repas dans une famille amie et la petite, au moment de l’apéritif, lui montre son cahier de caté, elle était en première année. Sa catéchiste lui avait dit, si tu veux que ton cahier soit beau, colle beaucoup de photos qui pourraient avoir un lien avec ce qu’on a dit au caté. La petite tourne les pages de son cahier devant le prêtre en étant assez fière de sa réalisation. Mais, à la fin, alors que le prêtre la félicite, elle semble quand même un peu triste. Le prêtre lui demande pourquoi elle est devenue triste alors qu’elle pouvait être très fière de son travail. Elle lui explique alors naïvement : Tu as vu que le mot qui revenait le plus souvent, c’est Dieu, mais j’ai pas trouvé une photo de Dieu pour la coller, toi, tu en as forcément, tu pourrais m’en donner une ? Le prêtre a raconté qu’il était resté silencieux et souriant. Souriant parce qu’il a dû être touché par cette réflexion : « toi, tu en as sûrement une », signe que cette petite ne doutait pas un seul instant de sa grande proximité avec Dieu, tellement grande qu’il avait forcément une photo de son ami ! Et silencieux sans doute parce que cette réflexion l’obligeait à faire un examen de conscience ! Ça, l’article ne le disait pas, c’est mon interprétation.
Nous n’avons pas de photos de Dieu, comme c’est dommage ! C’est ce qui doit expliquer que tant de personnes aient une fausse image de lui. Vous connaissez la boutade de Voltaire : Si Dieu a créé l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu ! Oui, les images de Dieu que tant de gens peuvent avoir ne sont pas toujours très ajustées. Certains se fabriquent un Dieu nounou ou nounours qui jamais ne les dérange, qui pense toujours comme eux. D’autres qui aiment jouer à se faire peur se fabriquent un Dieu qui les surveille et qui est toujours prêt à les punir. D’autres encore se fabriquent un Dieu super-intelligent, super-ingénieur qui poursuit ses projets impossibles à comprendre mais qui n’entretient aucun rapport avec les hommes. Bon, on pourrait en rajouter encore quelques-unes de ces caricatures grimaçantes de Dieu que les hommes inventent.
Puisque cette histoire est remontée à ma mémoire après avoir lu l’appel des 72, je me suis dit que c’était sans doute pour cela que Jésus avait appelés ces 72 disciples. Il avait besoin de toujours plus de collaborateurs pour faire tomber ces fausses représentations de Dieu. Bien sûr, Jésus, lui-même qui est la parfaite image du Père du ciel, s’y est employé en venant parmi les hommes. Ce qu’il a dit et surtout ce qu’il a fait montrait que beaucoup n’avaient rien compris à Dieu. Et il a donc appelé les 72 pour les associer à cet aspect de sa mission. Il avait déjà appelé les 12 qui, eux, auront une mission particulière, ce n’est pas le lieu de la développer ici. Cette mission des 12 sera continuée par les successeurs des apôtres, les évêques qui associeront des prêtres à leur ministère. Et puis, il y a ces 72. Et c’est très beau qu’en cette fête de Cyril et Méthode qui seront successeurs des 12, on ait le texte qui nous raconte l’appel des 72. Le ministère des 12 n’épuise pas les besoins. Les 72 n’auront pas à faire ce que faisaient les 12, mais ils auront cette belle mission d’évangélisation qui consiste à aller rencontrer leurs frères en humanité au plus près de ce qu’ils vivent. C’est bien ce que suggère l’évangile d’aujourd’hui qui les invite à entrer dans leurs maisons. Puisque j’ai repensé à cette histoire, je me suis dit que cette mission d’évangélisation confiée aux 72, consistait essentiellement en cela : faire tomber toutes les caricatures grimaçantes de Dieu pour révéler son vrai visage de Père qui veut aimer comme une mère.
Et, de même que les 12 ont eu des successeurs, les 72 auront des successeurs. Et, c’est sans doute, une belle manière d’envisager la mission des membres de Foyer que de les présenter comme successeurs des 72 ! Bien sûr, il y en a beaucoup d’autres, ailleurs que dans les Foyers ; mais eux, ils sont là, ils ont donné leur vie pour vous accueillir et vous permettre, le temps d’une retraite, de faire tomber toutes vos fausses images de Dieu. Ils sont là pour que vous puissiez, grâce aux enseignements, à la méditation de la Parole, grâce à la participation aux prières communes, à la messe, vous reconnecter avec le Seigneur tel qu’il est, c’est-à-dire, tellement mieux que ce que nous ne cessons d’imaginer ! Vous avez entendu la finale de l’Evangile, la consigne que Jésus donnait aux 72 : Guérissez les malades et dites-leur : Le règne de Dieu s’est approché de vous. Oui, ce que nous souhaitons, c’est que chacun, dans ce temps de retraite, puisse accueillir l’amour du Seigneur qui va, c’est sûr, s’approcher de lui, s’approcher d’elle, par un moyen ou par un autre, pour lui apporter la guérison du cœur. Tout au long de cette semaine, les membres de Foyer, successeurs des 72 seront là pour vous porter dans leur prière et vous servir afin que vous puissiez faire cette expérience.
J’ai dit que nous n’avions pas de photo de Dieu, pourtant un prêtre a eu cette audace de dire que nous avions quand même un portrait pour lequel Dieu a accepté de prendre la pause. C’est le père Paul Baudiquey qui est connu notamment pour son commentaire du fameux tableau de Rembrandt, représentant la rencontre du fils perdu qui revient à la maison et que le père étreint, un père qui aime comme une mère, c’est tellement clair dans le tableau. C’est pour ce tableau que le père Baudiquey a osé dire que c’est le seul portrait pour lequel Dieu ait accepté de prendre la pause.
« Guérissez les malades et dites-leur : Le règne de Dieu s’est approché de vous. » Eh bien, voilà ce que nous, successeurs des 12, successeurs des 72, nous vous souhaitons au début de cette retraite : que vous puissiez retrouver les bras du Père si jamais vous les aviez perdus ou si vous ne les avez jamais perdus que vous puissiez vous y tenir toute la semaine afin qu’il vous apporte les consolations, les guérisons, les restaurations que vous êtes venus chercher. Quand vous aurez fait, refait cette expérience de la tendresse bienveillante de Dieu, nul doute qu’en repartant, vous rejoindrez, à votre tour, des collaborateurs du Christ. La moisson est si abondante et les ouvriers tellement peu nombreux ! Jésus ne cesse de vouloir appeler des femmes et des hommes qui rejoignent les 72 pour donner à voir le vrai visage du Seigneur, celui que tant de nos contemporains auraient besoin de croiser pour que leurs vies reprennent du sens.
Jésus n’a pas caché à ceux qu’il appelait qu’il y aurait des moments difficiles dans cette mission. Mais, si on ne reste pas crispés sur ces difficultés et ces échecs et qu’on accepte d’aller plus loin, à la manière de Paul et Barnabé dans la 1° lecture, nous ferons la même expérience qu’eux : en les entendant, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. Voilà ce qui nous maintient dans l’ardeur de la mission, c’est de constater que lorsque des personnes découvrent le vrai visage du Seigneur, leurs vies sont durablement transformées. Qu’il en soit ainsi !
Merci !
Bonne semaine de retraite !
Avec l’Esprit-Saint, tout devient possible : y’a pas photo !!!!