16 septembre : vendredi 24° temps ordinaire. Chacun a sa place, chacun à se place !

C’est une belle page d’Evangile que nous venons d’entendre, pas longue du tout, mais belle parce que riche d’enseignements. J’en ai retenu 3 que je voudrais vous partager.

1. Ça nous parait tellement banal que nous finissons par ne plus le remarquer, mais le début du texte nous rappelait que Jésus, passant à travers villes et villages, proclamait et annonçait la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Quand j’entends cette expression de Jésus qui passe dans les villes et les villages, qui parcourait le pays en long, en large et en travers, ça me fait toujours penser à un prêtre qui a beaucoup compté dans mon cheminement. Il est venu me chercher alors que je n’avais que 8 ans pour me proposer d’entre dans l’école apostolique qui préparait au petit séminaire, c’était le cursus habituel pour ceux qui avaient exprimé le souhait de devenir prêtres. Et il m’a accompagné ensuite de nombreuses années, même après mon ordination. C’était un paysan dans l’âme et nous avions un très grand jardin qui permettait de nourrir toute la troupe de jeunes que nous formions. Il y avait notamment un grand champ de pommes de terre et quand venait le moment de les ramasser, c’était les vacances, mais j’ai souvent donné un coup de main. J’étais toujours frappé de le voir passer le motoculteur pour les déterrer en passant un coup en long, un coup en large, un coup en diagonale et dans l’autre diagonale et recommençant ensuite en sens inverse. Pas un pied de pommes de terre ne pouvait être oublié grâce à sa persévérance ! 

Eh bien, pour moi, l’image de ce prêtre avec son motoculteur, c’est l’image de Jésus, labourant la terre de son pays non pas pour récolter, mais pour l’ensemencer de la Parole. Il l’a fait avec une telle persévérance qu’il n’y a pas dû avoir beaucoup de centimètres carrés de ce pays qu’il n’ait pas foulé. Il n’a pas dû y avoir beaucoup de personnes qui ne l’ont pas entendu annoncer le Règne de Dieu. Même si nous, dans un Foyer de Charité, nous ne bougeons pas beaucoup puisque ce sont les gens qui viennent à nous, puissions-nous avoir la même persévérance que Jésus pour annoncer à tous ceux qui viennent la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu. Nous savons que cette annonce passera bien sûr par nos paroles, mais aussi et sans doute surtout par nos attitudes d’accueil, de bienveillance et de service.

Le 2° enseignement que je retiens de ce texte concerne la manière d’être avec Jésus. Dans les quelques versets de cet Evangile, deux groupes sont mentionnés : les apôtres et les femmes, ce jour-là, il y en avait 3, mais il a pu y en avoir d’autres à d’autres moments, à la croix par exemple. Le même Evangile de Luc, un peu plus loin, nous parlera d’un autre groupe que Jésus va instituer, ce sont les 70 disciples (Luc 10). Et bien sûr, il y aura les foules, ce groupe à géométrie variable qui, à certains moments, suivra également Jésus. L’enseignement que je tire de ce fait, c’est qu’il y a de la place pour tout le monde auprès de Jésus. Il ne s’est pas choisi une cour de privilégiés qui auraient été les seuls à pouvoir le suivre, à écouter ses enseignements. Il y a de la place pour tout le monde, mais tout le monde n’aura pas la même place. Il y a eu une manière unique de suivre Jésus pour les 12, une autre manière unique de le suivre pour les femmes, encore une autre pour les 70 ou pour les foules. Dans ces différentes manières de suivre Jésus, il n’y en a pas une qui serait meilleure, plus honorifique. Chacun est à sa place, la place que Jésus lui a donnée car c’est lui qui a appelé les 12, les 70, c’est sans doute aussi le cas pour ces femmes, quant aux foules, elles le suivaient en réponse à prédication qui les mettait en route spirituellement et concrètement.

J’insiste sur ce point parce qu’il est assez déterminant. Jamais dans l’Evangile, on ne voit les 70 ou les femmes ou les foules organiser un putsch pour prendre la place des apôtres ! Du moment que chacun savait qu’il avait sa place, chacun aimait rester à sa place. Encore une fois, cette place, ce n’est pas celle qu’il avait réussi à obtenir en se mettant en avant, en intriguant, c’est la place que Jésus, dans sa souveraine liberté, lui avait donnée. L’Evangile aime souligner cette liberté de Jésus qui appelait ceux qu’il voulait.

Notre Eglise serait forcément plus belle si chacun pouvait trouver sa place. Le pape François ne cesse de dénoncer le cléricalisme parce que certains clercs occupent trop de place et ne permettent pas aux laïcs de prendre toute leur place. Les femmes de l’Evangile n’ont jamais eu de revendications ministérielles parce qu’elles pouvaient constater qu’elles avaient bien toute leur place dans l’entourage de Jésus. Quand certains occupent trop de place, ça génère toujours des insatisfactions qui finissent souvent dans des revendications pas toujours ajustées. Dans nos communautés ecclésiales, quelles qu’elles soient, nous aurons toujours à vérifier si nous occupons bien la bonne place, si nous occupons bien toute notre place, sans prendre toute la place.

Le 3° enseignement concerne justement la place de ces femmes de l’Evangile. Il nous est dit que ces femmes servaient Jésus et le groupe apostolique en prenant sur leurs ressources. Alors, en entendant cela, certains esprits mal tournés, mais il ne doit pas y en avoir ici, pourraient dire : tu parles d’une place, elles sont les boniches des bonhommes et doivent en plus les entretenir financièrement ! Oui, ça, c’est pour les esprits mal tournés, mais pour ceux qui lisent sérieusement l’Evangile, ils entendent que ces femmes assuraient la diaconie. Le verbe servir, vous le savez sans doute, en grec, c’est diakoneô. C’est par ce verbe que Jésus a voulu définir le sens de sa mission : je suis au milieu de vous comme celui qui sert, dira-t-il. (Lc 22,27) Ou encore : je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir. (Mc 10,45) Je ne suis donc jamais autant configuré au Christ que lorsque j’accomplis la diaconie. Peu importe ce qui m’est demandé, ce qui compte, c’est que je vive cette diaconie, ce service, comme ma manière unique de répondre à l’appel du Christ en étant persuadé que c’est l’accomplissement de ce service qui m’unira le plus profondément au Christ. 

Maintenant, évidemment, ce que je viens de dire pose une question : cette diaconie des femmes pourrait-elle être reconnue dans un ministère ordonné ? Le pape François avait demandé que la question soit étudiée, la réponse n’a jamais été bien médiatisée, peut-être même qu’il n’a pas obtenu de réponse ou que la réponse ne lui plaisait pas ! En tout cas, je n’ai rien vu sur le sujet. C’est vrai que la question est délicate et que le cadre d’une fin d’homélie ne permet pas de l’aborder sérieusement. En tout cas, s’il n’y a pas de ministère ordonné, il y a au moins 3 ministères institués que le pape a ouvert aux femmes et c’est une grande nouveauté ! Il s’agit du ministère de catéchiste qu’il a créé et des ministères de lecteurs et acolytes qu’il a renouvelés et donc ouvert aux femmes car, jusque-là, ils étaient réservés aux hommes. Ce sont de petits pas mais suffisamment symboliques pour ouvrir un avenir.

Enfin, je termine en évoquant ce détail qui est bien plus qu’un détail ! Concernant ces femmes, il nous est dit qu’elles ont toutes été guéries de maladies et d’esprits mauvais. C’est sans doute pour cela qu’elles seront fidèles jusqu’au bout de manière bien plus admirable que les apôtres. Elles savent ce qu’elles doivent à Jésus, avec lui, désormais c’est « à la vie, à la mort » ! Il faudra que les apôtres soient aussi guéris, miséricordiés pour devenir fidèles « à la vie, à la mort » Pour autant, sur la croix ou dans les premières apparitions, Jésus n’a pas refait son testament en disant qu’il déshéritait les apôtres au profit des femmes ! Cela montre de manière manifeste que la place qu’on occupe, on ne l’occupe pas en fonction de ses mérites mais parce que le Seigneur nous a appelés à cette place et que cette place nous a été signifiée par l’Eglise.

Que Ste Marie-Madeleine, Ste Suzanne et Ste Jeanne intercèdent pour nous afin que nous sachions tenir notre place, toute notre place sans empiéter sur la place des autres, sans lorgner sur leur place. Qu’elles intercèdent pour nous afin que nous soyons convaincus que c’est en tenant cette place, en assurant la diaconie confiée que nous serons configurés au Christ de la plus belle des manières. C’est sans doute ce que voulait dire St François de Sales quand il livrait ce secret du bonheur : Fleuris là où Dieu t’a planté !

Cet article a 2 commentaires

  1. Adéline

    Amen !!!

  2. NGENDAKURIYO

    Donc déjà avant 8ans vous aviez déjà exprimé le désir d’être prêtre?

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