18 avril : dire ou ne pas dire … death is the question !

Demain, avec le dimanche de la Miséricorde, va s’achever l’octave pascale, cette semaine si particulière où, à la suite des traditions liturgiques juives, nous avons vécu un jour qui a duré 8 jours ! Pour bien le manifester, toute la semaine, dans la Préface, dans la prière Eucharistique, à chaque fois qu’était mentionné le jour de la Résurrection, la liturgie, rajoutait, « c’est-à-dire aujourd’hui » ! Nous sommes donc au dernier jour de semaine de cette octave, c’est pour cela que l’Eglise a choisi de nous faire entendre ces versets tirés de la finale de l’Evangile de Marc.

Tous les exégètes sont unanimes pour dire que ces versets sont un ajout postérieur. Vous avez remarqué qu’ils ont un style assez particulier, ils sont comme une synthèse de tous les événements qui ont immédiatement suivi l’événement de la résurrection. C’est bien pour cela qu’on nous les fait entendre en ce dernier jour de semaine de l’octave pascale. C’est comme si l’Eglise nous disait : tout au long de la semaine, vous avez entendu ces récits de visite au tombeau, ces récits d’apparition, vous les avez entendu, tirés de chacun des 4 évangiles, vous avez pu constater qu’il y avait des nuances propres à chaque évangile, des nuances qui donnent de sens, mais attention, ne vous perdez pas dans les nuances, retenez l’essentiel et l’essentiel nous est résumé dans cette synthèse.

Mais, avec ce que j’ai dit, une question se pose, pourquoi ces versets ont-ils été rajoutés à l’évangile de Marc ? La réponse est toute simple et vous allez très vite comprendre. La première version de cet évangile se terminait avec la visite des femmes au tombeau et le dernier verset était le verset 8 qui disait : « Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. » C’est une fin qui pose quand même problème : comment la bonne nouvelle va-t-elle se répandre si les premières à en être les témoins se taisent ?

En fait, ce verset final, avec son côté abrupt, voulait insister sur un point essentiel, nous livrer une vérité essentielle. Certaines mauvaises langues ont dit que cette vérité, c’est qu’il avait fallu attendre la résurrection pour que Jésus réalise le plus grand de tous les miracles : faire taire des femmes ! Non, ce n’est pas ça la vérité de ce verset et je tiens à la rétablir car je ne voudrais pas que mon confinement dans une communauté de femmes tourne au drame ! La leçon que nous transmet ce verset un peu énigmatique, c’est qu’il y a des vérités qui sont tellement étonnantes qu’elles ne peuvent pas se transmettre en commençant par la parole. Dire qu’un homme que tout le monde a vu mourir est vivant, c’est littéralement « inaudible » donc ce n’est pas forcément en le disant qu’on va pouvoir transmettre cette vérité. Pour m’expliquer de manière claire, je peux citer cette parole qu’on attribue à St François de Sales et qui est comme l’attitude fondamentale des évangélisateurs : « Ne parle que lorsqu’on t’interroge, mais vis de manière à ce qu’on t’interroge souvent ! » La parole qui a le plus d’impact, c’est la parole en actes ou du moins une parole verbale qui ne porte pas une signature d’authenticité par les actes qui l’accompagnent n’a aucune puissance. Il me semble que c’est ce que voulait dire cette fin abrupte de l’Evangile de Marc.

N’empêche que ça a été difficile à comprendre, du coup, les versets que nous avons entendus ce matin ont été rajoutés, comme une synthèse du kérygme qu’il faudra bien annoncer avec des paroles, mais confirmées par des actes de puissance.

C’est bien le scénario qui est décrit dans la 1° lecture. Pierre et Jean ont accompli leur premier miracle, cet acte de puissance qui manifeste que la puissance du ressuscité est désormais entre leurs mains et, convoqués devant le conseil, ils s’expliquent, ils évangélisent. Ne parle que lorsqu’on t’interroge, mais vis de manière à ce qu’on t’interroge souvent ! »

Et c’est dans ce cadre-là qu’il faut comprendre la parole que nous avons entendue à la fin de la lecture : « Quant à nous, il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu. » parole qui est souvent résumée en ces termes : « nous ne pouvons pas ne pas parler ! » Les membres du conseil essaient de trouver un arrangement honorable pour tous, ils disent aux apôtres : vous arrêtez vos histoires et nous, on arrête de vous faire des ennuis. Mais en répondant : « nous ne pouvons pas ne pas parler » c’est comme si les apôtres disaient : vous pouvez nous empêcher de parler, mais ça sera inutile car vous ne pourrez pas arrêter la puissance du ressuscité ! C’est comme s’ils prévenaient, par avance, les responsables religieux que la parole la plus puissante, ce n’est pas celle qui sortirait de leur bouche, mais ce sont les paroles en actes que la puissance du Ressuscité continuera à accomplir.

Aujourd’hui, ce sont de ces paroles que notre monde a le plus besoin. Des orateurs, nous n’en manquerons jamais, mais les paroles s’envolent … ce qui marque, ce sont les actes, ce sont eux qui apportent cette signature d’authenticité aux paroles. Et, là, encore, on le voit très bien dans la 1° lecture : de quoi sont étonnés les membres du conseil ? Du fait que des gens sans instruction sont capables d’attirer les foules … ça fait pâlir de jalousie ces hommes qui ont passé des années et des années à étudier la torah et qui continuent à le faire et qui sont rompus aux grands exercices d’éloquence ! Pourquoi n’ont-ils pas le même succès ? Parce que, c’est vrai qu’au niveau éloquence, les discours de Pierre ne devaient pas être des morceaux d’anthologie ! Si Pierre arrivait à toucher autant les cœurs c’est parce qu’il ne parlait que pour accompagner un acte de puissance qui parlait déjà si fort de lui-même.

Vous voyez, il me semble qu’il y a quelque chose à entendre pour nous aujourd’hui. Pour l’Eglise bien sûr, mais, à ce niveau, on peut dire que le pape François donne un bel exemple. Ses discours ne sont pas des exercices d’éloquence, on peut même dire qu’il a parfois une parole pauvre, oui, mais elle est tellement percutante, elle touche tellement de cœurs parce qu’elle est accompagnée de cette signature d’authenticité qu’est sa vie simple. Il y a quelque chose à entendre pour nos foyers, nos écoles qui ne doivent pas être seulement des lieux dans lesquels retentissent de belles paroles, de belles prédications, de beaux cours, il faut qu’ils deviennent toujours plus ces lieux conformes au désir de Jésus transmis à Marthe : des lieux de grandes résurrections spirituelles pour retraitants et élèves. Ce sont les résurrections spirituelles vécues qui seront la signature d’authenticité des belles paroles prononcées. Sans cette signature d’authenticité, ils perdront leur fécondité et, à terme, leur pouvoir d’attraction.

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    quand la parole se tait, quand le silence explique,
    au creux de son secret illuminé, il te rencontre l’unique Bien-Aimé !

    voilà deux versets d’une hymne qui me parlent beaucoup, c’est peut-être un détail pour vous mais pour moi, ça me laisse debout .

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