19 mai : paradoxes de la liberté … la vraie !

Demain, c’est journée électorale au Burundi. J’offrirai la messe de demain pour eux et je vous invite déjà à prier très fortement pour eux. Parce qu’on sait que c’est, à chaque fois, le début d’une période bien troublée … qui a déjà bien commencé avec les violences de la campagne électorale. Et, de manière providentielle, en méditant la 1° lecture, le Saint Esprit a fait remonter à ma mémoire un événement que j’ai vécu au Burundi.

Dans l’avion qui m’emmenait là-bas, l’année dernière, je me suis retrouvé assis à côté d’une burundaise, Nicole, qui a considéré que c’était vraiment une grâce de se retrouver, non pas à côté de Roger Hébert, mais à côté d’un prêtre de Jésus-Christ. C’est ainsi que j’ai vécu un véritable voyage missionnaire qui m’a permis d’exercer mon ministère de prêtre du début à la fin du vol. C’est ainsi que, pour la 1° fois de ma vie, j’ai confessé une personne pendant un vol ! Nicole avait de gros problèmes familiaux, elle vivait désormais au Canada et rentrait pour Noël au pays afin d’essayer de régler quelques uns de ces problèmes, je ne peux pas vous raconter tout ça ! Toujours est-il que ce que nous avons vécu au cours du voyage nous a profondément lié.

A Bujumbura, elle vivait chez ses beaux-parents qui étaient de grands amis du Foyer et elle a fait en sorte que je sois invité à manger chez eux. Stanislas le beau-père était à la retraite, mais il avait été un commerçant très entreprenant qui avait très bien réussi. Sûrement à cause de cette réussite et aussi à cause de ses idées politiques, il a été arrêté et emprisonné, sans jugement bien sûr ! Il s’est donc retrouvé pratiquement 3 ans en prison sans savoir ce qu’on lui reprochait. Il m’a raconté qu’un beau jour, on est venu lui annoncer qu’il était libre et qu’il pouvait donc rentrer chez lui. Et il a ajouté, avec une certaine fierté : j’ai refusé de sortir en expliquant au gardien que je ne sortirai que lorsqu’on m’aura expliqué pourquoi j’avais été arrêté et emprisonné. Ça a duré quelques jours et des responsables de la prison sont venus le supplier de partir sans faire trop de problèmes, ils avaient peur de payer les conséquences de la bravoure de Stanislas qui était quand même assez connu dans le pays. Et il m’a dit qu’à ce jour, il n’avait encore eu, malgré ses demandes répétées, aucune explication.

J’ai été admiratif devant le courage et la droiture de cet homme qui n’a pas couru pour sortir de cette prison, parce que vous imaginez bien que la prison au Burundi, qui est l’un des 3 ou 4 pays les plus pauvres au monde, n’est pas un lieu de villégiature qui fait rêver ! Stanislas était libéré, il pouvait s’éloigner de ce trou à rats, retrouver sa famille, sa maison, son bisness et il a choisi de ne pas le faire parce qu’il considérait que la justice était une valeur supérieure à toutes les autres. 

Cette histoire m’a fait réfléchir et je me suis dit que parfois la plus grande manière d’exprimer sa liberté c’était de ne pas profiter de ce que la liberté nous permettrait de faire ! Ceci ou cela, je pourrais le faire, mais je ne le fais pas. C’est bien pour retrouver cette vraie liberté que nous jeûnons dans le carême. Nous pourrions manger, nous en avons les moyens financiers, mais nous ne le faisons pas pour manifester que nous voulons reconquérir une liberté qu’il nous arrive de perdre face à la nourriture et, de manière plus générale, face à tant de biens de consommation. Oui, la plus grande manière d’exprimer sa liberté c’est parfois de ne pas profiter de ce que la liberté nous permettrait de faire ! Ou à l’inverse, ceci ou cela je ne serais pas obligé de le faire, mais je choisis de le faire, justement pour manifester ma liberté. Rappelez-vous cette parole du curé d’Ars : « On reconnait les vrais amis du Bon Dieu au fait qu’ils font ce qu’ils ne seraient pas obligés de faire. » A chacun de nous de voir si le Seigneur ne l’invite pas à poser tel ou tel acte pour manifester sa grande liberté en ne faisant pas ce qu’il aurait pourtant le droit de faire ou, au contraire, en faisant ce qu’il ne serait pas obligé de faire !

Toutes ces réflexions m’ont été inspirées par l’attitude de Paul après sa libération miraculeuse et rocambolesque. Il ne pense pas d’abord à s’éloigner de la prison, comme le fera plus tard le cardinal Van Thuan, il évangélise le gardien. Et surtout, il y a ces versets que le lectionnaire ne nous a pas permis d’entendre et je le regrette vraiment. Les concepteurs du lectionnaire ont sûrement voulu ne pas donner une lecture trop longue, mais c’est dommage qu’ils ne nous aient pas fait entendre la fin du récit. Je vous la lis et vous comprendrez que mon Stanislas a réagi exactement comme Paul. Je lis : Quand il fit jour, les magistrats envoyèrent leurs gardes dire au geôlier : « Relâche ces gens ! » Le geôlier rapporta ces paroles à Paul : « Les magistrats ont envoyé dire de vous relâcher. Sortez donc maintenant et partez en paix. » Mais Paul dit aux gardes : « Ils nous ont fait flageller en public sans jugement, alors que nous sommes citoyens romains, ils nous ont jetés en prison ; et maintenant, c’est à la dérobée qu’ils nous expulsent ! Il n’en est pas question : qu’ils viennent eux-mêmes nous faire sortir ! »

Quelques mots sur l’Evangile. Jésus prépare ses disciples à son départ, il connait leur tristesse, on est forcément triste à l’annonce du départ de ceux que l’on aime, mais Jésus leur dit que ce départ est bon puisqu’il leur permettra de recevoir l’Esprit-Saint. Et alors, pour faire désirer l’accueil du Saint-Esprit et par le fait même accepter son départ, il va prononcer une parole qui peut nous sembler un peu énigmatique. « Quand l’Esprit-Saint viendra, il établira la culpabilité du monde en matière de péché, de justice et de jugement. » Bon ce n’est déjà pas hyper-clair, mais l’explication qu’il donne semble encore rajouter de la complexité : « En matière de péché, puisqu’on ne croit pas en moi. En matière de justice, puisque je m’en vais auprès du Père, et que vous ne me verrez plus. En matière de jugement, puisque déjà le prince de ce monde est jugé. » Que peut-on dire rapidement pour éclairer un peu ces paroles énigmatiques ?

L’Esprit est Paraclet, c’est-à-dire l’avocat de la défense, mais il peut aussi jouer le rôle d’accusateur, de procureur de la république. Il sait faire les deux et il choisira d’être l’un ou l’autre en fonction du temps que nous vivons et des personnes. Jésus nous dit qu’il est salutaire qu’il soit, par moment celui qui dénonce le mal et le péché. Bien sûr, nous préférons l’Esprit-Saint quand il nous encourage mais quand on aime quelqu’un, on doit être prêt à dénoncer ses mauvais agissements. Jésus dit que l’Esprit Saint va convaincre la culpabilité du monde en matière de péché, de justice, de jugement. Il y a donc un triple chef d’accusation, trois plaidoiries que l’Esprit-Saint va mener.

D’abord parce qu’il veut nous conduire vers une foi plus grande, plus mûre, il commence par dénoncer toutes nos incrédulités, tous nos arrangements dans le domaine de la foi. Nous le savons tous par expérience, c’est quand nous commençons à nous éloigner de Jésus que nous sombrons le plus facilement dans le péché. C’est la 1° plaidoirie : L’Esprit-Saint établira la culpabilité du monde en matière de péché puisqu’on ne croit pas assez en Jésus. 2° plaidoirie : L’Esprit-Saint établira la culpabilité du monde en matière de justice, puisque Jésus s’en va auprès du Père, et que ses apôtres ne le verront plus. La justice dans la Bible, c’est le fait d’être ajusté à Dieu. L’Esprit-Saint va dénoncer le fait que nous ne sommes pas suffisamment ajustés à Dieu. Quand Jésus était là, les apôtres pouvaient totalement se reposer sur lui, mais avec son départ, ils seront en 1° ligne et ils ne pourront pas remplir la mission qu’il leur a confiée s’ils ne se laissent pas ajuster. Dans cette 2° plaidoirie, l’Esprit-Saint vient donc dénoncer toute prétention à vivre en comptant uniquement sur soi. Venons-en à la 3° plaidoirie : L’Esprit-Saint établira la culpabilité du monde en matière de jugement puisque déjà le prince de ce monde est jugé. C’est-à-dire qu’il vient nous rappeler sans cesse la victoire de Jésus qui dit : « Ayez confiance j’ai vaincu le monde. » Par là-même, le Saint Esprit vient dénoncer tout pessimisme, tout défaitisme. Comprenons bien : il ne s’agit pas de devenir des naïfs mais de véritables croyants qui prendront tous les moyens pour ne plus s’éloigner de Jésus, pour se laisser ajuster au Seigneur et mener une vie qui témoigne de la victoire de Jésus sur le mal, de l’amour sur l’égoïsme.

Oh oui, viens Saint Esprit, fais la lumière dans nos vies !

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