2 juin : cieux nouveaux, terre nouvelle

L’une des choses qui complique la vie, je ne sais pas bien le dire, je le dis avec ces mots, mais on pourrait sans doute trouver mieux, c’est le fait que notre mémoire est habitée ou prévenue. Ce que je veux dire est assez simple, quand nous rencontrons quelqu’un, quand nous l’écoutons ou quand nous le lisons, nous ne sommes pas totalement libres. En effet, un certain nombre d’événements vécus avec cette personne vont remonter, de manière inconsciente à notre mémoire. Si les événement ont été positifs, ils vont générer des sentiments positifs qui nous font aborder positivement la rencontre, l’écoute, la lecture s’ils ont été négatifs il risque d’y avoir du ressentiment qui brouille la rencontre, l’écoute, la lecture. C’est difficile, c’est un vrai travail que d’essayer de se sortir de cela pour accueillir la personne dans le moment et écouter ce qu’elle me dit dans le moment sans être perturbé par le passé.

Il en va de même pour la lecture des Ecritures. Nous risquons toujours de projeter des idées, des représentations de Dieu, acquises dans notre éducation chrétienne et stockées dans notre inconscient sur le passage que nous lisons. Là encore, si ces idées, ces représentations sont positives, si nous avons eu la chance d’avoir des éducateurs de la Foi qui nous ouvrent à la miséricorde, nous serons capables de lire positivement, même les passages les plus difficile. Par contre si nous avons eu des éducateurs de la foi qui nous ont présenté un Dieu juge, qui cherche à tout voir pour mieux tout punir, nous aurons bien des difficultés à accueillir quantité de textes des Ecritures comme une Bonne Nouvelle.

Pourquoi je vous dis cela ? Tout simplement à cause du premier verset de la 1° lecture que nous avons lue : « vous attendez et vous hâtez l’avènement du jour de Dieu, ce jour où les cieux enflammés seront dissous, où les éléments embrasés seront en fusion. » Il y aura deux manières différentes d’entendre ce verset.

  • Si on est plutôt dans une culture de la peur de Dieu, quand on entend parler des cieux enflammés, de la terre en fusion, on imagine l’avènement du Jour de Dieu comme une catastrophe qui va tomber sur tous ceux qui ne sont pas préparés un peu comme cette pluie de souffre et de feu qui a détruit Sodome. Et du coup, ceux-là ne sont pas pressés de voir arriver ce jour parce qu’ils n’ont pas l’orgueilleuse audace de penser qu’ils sont prêts, que leur vie est parfaitement ajustée aux exigences de l’Evangile.
  • Si on est plutôt dans la culture de la miséricorde, quand on entend cela, on imagine un immense embrasement d’amour. Le feu étant le symbole de la passion comme dans l’expression du cœur brûlant, nous comprenons que ce que Dieu veut pour l’avènement de son jour, c’est justement que tout le monde soit enflammé de son amour et le feu qui tombe du ciel est le feu de son amour. Bien sûr, ce feu a une fonction purificatrice, mais c’est comme pour l’or, on le passe au feu du creuset pour le débarrasser de ses impuretés par pour le faire disparaître.

Heureusement, dans la lecture, il y avait la suite qui nous oblige à faire une lecture positive. « Ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. » Il ne vous arrive pas d’être un peu fatigués par cette terre, par l’horizon bouché pour trop de personnes dans notre monde ? Oui qu’ils viennent les cieux nouveaux et la terre nouvelle ! 

Mais nous pouvons quand même nous interroger : est-ce que nous les attendons vraiment ? Est-ce que nous attendons cette venue du Christ dans la Gloire ? Nous le proclamons dans chaque formule d’anamnèse à la messe, mais est-ce que nous le désirons ardemment ? Ne rêvons-nous pas plutôt d’un aménagement de cette vieille terre ? Oui, désirons-nous les cieux nouveaux, la terre nouvelle ? Croyons-nous à ce que nous demandons en chantant l’anamnèse ?

Alors, vous pourriez me dire : oh ça viendra quand ça doit venir, mais on ne va quand même pas presser le mouvement ! En fait, il faut que nous soyons conscients que cet affadissement de l’attente eschatologique n’est pas sans conséquence.

  • 1° conséquence : nous ne sommes plus saisis par l’urgence de la conversion. Attention, il ne s’agit pas de vivre dans la peur que ce jour nous saisisse dans le péché et donc de ne plus oser vivre et d’aller se confesser sans arrêt pour être prêt au cas où ! Non, St Pierre l’explique bien dans le texte entendu : « la longue patience de notre Seigneur, c’est votre salut. » Et il le dit plus explicitement quelques versets avant : « Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. » Il ne s’agit donc pas d’être poussés à la conversion par peur mais par amour, pour ne pas être trop décalés quand viendra le jour du grand embrasement d’amour.
  • 2° conséquence : j’avais lu dans un article que je ne retrouve plus que St Augustin avait expliqué que le manque de désir, de prière pour que viennent enfin ces cieux nouveaux et cette terre nouvelle était en train de provoquer un drame : la disparition progressive des charismes donnés à tous les chrétiens. Parce que dans les premiers siècles les charismes étaient largement répandus, tous les chrétiens les exerçaient, il n’y avait pas d’un côté les chrétiens charismatiques et de l’autre côté les chrétiens classiques et bien rangés ! Tout le monde exerçait les charismes, on a des récits stupéfiants à ce sujet. Et voilà qu’Augustin constate que ces charismes sont moins répandus, réservés à quelques uns, particulièrement à ceux qui font un choix radical de vie, les moines. Il cherche à comprendre ce qui pourrait expliquer cela et il en arrive à la conclusion qu’on peut avancer deux raisons : c’est en raison de l’affadissement de l’attente eschatologique et la baisse de la charité fraternelle que les charismes sont en train de disparaitre ou du moins réservés à une élite spirituelle. 

Vous voyez donc qu’il y a un grand enjeu à retrouver une attente vive de ces cieux nouveaux et de cette terre nouvelle. L’Evangile en nous racontant ce piège tendu à Jésus à propos de l’impôt nous a donné une belle leçon qui ne peut que conforter ce que je viens de dire. Sur la pièce est gravée, le visage de l’empereur, il est donc normal que la pièce lui soit rendue dans l’impôt. Mais dans notre cœur, c’est le visage de Dieu qui est gravé, il est donc normal que nous ayons comme une nostalgie pour retrouver Celui dont le visage est gravé en nous, un peu comme les saumons qui cherchent à remonter à la source de leur vie. Cette nostalgie, St Augustin l’avait très bien exprimée en disant : Tu nous as fait pour Toi, Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi. Que cette nostalgie nous fasse crier avec foi les mots qui concluent et récapitulent les Ecritures à la toute fin du livre de l’Apocalypse : Marana Tha, viens Seigneur !

Je joins le texte du récit de ce miracle au temps de St Augustin, texte écrit de manière savoureuse par une grande femme de foi qui a fait de nombreuses études sérieuses sur le charisme de guérison, il s’agit de Mary Healy dans son livre « Guérir », c’est le début du chapitre 4

« C’était une riche et célèbre catholique, et elle était en phase terminale d’un cancer du sein. Malgré les meilleurs soins dont elle avait fait l’objet, sa maladie avait gagné du terrain et son médecin l’avait informée que même avec une mammectomie en urgence, elle n’avait que quelques semaines à vivre. Mais refusant d’abandonner tout espoir, elle se tourna vers Dieu et pria avec ferveur. C’était le carême, et la semaine sainte approchait. Une nuit, elle fit un rêve étonnant dans lequel on lui donnait des instructions spécifiques. Elle devait se rendre à l’église pour la messe de la veillée pascale y attendre la première femme à revenir des fonts baptismaux et demander à cette nouvelle chrétienne de marquer son sein malade du signe de la croix.

Elle suivit les instructions et fut immédiatement et totalement guérie. Après qu’un examen médical ait confirmé qu’elle était maintenant en parfaite santé, son médecin, ébahi, lui demanda quel remède elle avait pris, enthousiaste à l’idée de découvrir le médicament miracle. Mais quand elle lui raconta ce qui s’était passé, il répondit d’un ton suffisant et dédaigneux : « je pensais que vous alliez m’apprendre quelque chose d’important ! » Consternée par son indifférence, elle répondit : « Est-ce bien difficile pour le Christ de guérir un cancer, alors qu’il a ressuscité un homme mort depuis 4 jours ? »

Un évêque eut vent de sa guérison et fut indigné qu’un tel miracle effectué pour une personne si connue n’ait pas été plus largement relayé. Il décida de lui en faire le reproche. Quand il aborda le sujet, elle protesta en disant qu’elle n’était pas restée complètement silencieuse à propos de sa guérison. Il demanda alors aux proches de cette femme s’ils en étaient informés, ils ne l’étaient pas. Il dit alors sous forme de réprimande à la femme : « vous voyez ce que le fait de n’être pas restée complètement silencieuse a donné ! Même vos amies n’en savent rien. Il lui fit raconter toute l’histoire, tandis que les autres femmes l’écoutaient avec étonnement et rendaient gloire à Dieu. L’évêque était Saint Augustin d’Hippone. La femme s’appelait Innocentia. »

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