21 novembre : Fête de la Présentation de la Vierge Marie au Temple La collaboration harmonieuse entre le travail de Dieu et le travail des hommes fait naître des vocations.

Quand, hier, j’ai voulu préparer mon homélie, comme d’habitude, je suis allé sur le site AELF qui donne les lectures et les offices. Mauvaise pioche ! Ils indiquaient bien que c’était la fête de la Présentation, mais proposaient les lectures de la Férie. J’ai donc préparé mon homélie sur l’Apocalypse ! Et, ce matin, pris d’un doute, je suis allé voir le calendrier liturgique plus officiel qu’on a à la sacristie et j’ai découvert que ce n’étaient pas les lectures de la Férie, mais des Lectures propres ! Il fallait donc recommencer à zéro ! Mais j’ai quand même mis l’homélie sur l’Apocalypse sur mon blog pour ceux qui veulent avoir la suite du feuilleton ! Oublions l’incident et accueillons ce que la Liturgie nous propose pour cette fête de la Présentation de Marie.

Cette fête n’a pas de fondements bibliques et pour cause : aucun texte biblique ne s’intéresse à l’enfance de la Vierge Marie. Cet événement ne nous est connu que grâce à un évangile dit apocryphe, il s’agit du « protévangile de Jacques. » Un évangile apocryphe, c’est un texte qui n’a pas été retenu dans ce qu’on appelle le canon des Ecritures, c’est-à-dire la liste officielle des livres qui composent les Ecritures Saintes. Les évangiles apocryphes, en général et celui-là, en particulier, n’ont pas été retenus dans la liste officielle pour deux raisons essentielles : ils ont été écrits bien plus tard que les Evangiles officiels et, surtout, ils sont remplis d’histoires merveilleuses absolument invraisemblables qui sont en contradiction évidente avec l’humanité réelle de Jésus. Je vous cite cet exemple tiré de l’Evangile du pseudo-Thomas : Quand Jésus était âgé de cinq ans, il jouait, après un orage, au bord d’une rivière. Ayant pris de la terre glaise, il pétrit douze petits moineaux. Or, c’était un jour de sabbat ; une volée de gamins jouait avec lui. Un Juif a vu ce que Jésus ce jour de Sabbat, il s’est empressé de tout rapporter à Joseph qui est venu gronder Jésus de ne pas avoir respecté le Sabbat. Voyant cela, Jésus s’est mis à frapper dans ses mains et a ordonné aux moineaux de partir. Les oisillons ont déployé leurs ailes et se sont envolé, laissant Joseph très perplexe ! Jésus avait-il enfreint le sabbat en fabriquant des oiseaux en argile à qui il aurait donné vie ou jouait-il avec de vrais oiseaux ? (2,1-4) Comme vous le voyez, il y a à boire et à manger !

Mais ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas été retenus que, sur un point ou un autre, ils ne peuvent pas nous apporter quelques renseignements que nous pouvons juger comme fiables. Par exemple, si nous connaissons les noms des parents de la Vierge Marie, c’est grâce à ces écrits. Nulle part, l’Ecriture ne parle d’Anne et Joachim, leurs noms nous ont été transmis par ces écrits et, là, il n’y a aucune raison de douter de la fiabilité de ce renseignement très objectif. Les Evangiles, eux, n’en parlent pas car le projet des Evangiles n’est pas d’écrire une histoire complète de la vie de Jésus qui n’omettrait aucun détail, le projet des Evangiles, c’est de mettre le projecteur sur Jésus et sa mission de Salut. Comme le dit St Jean, par deux fois, à la fin de son Evangile : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. » Un chapitre plus loin, il précisera : « Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait. » Oui, il y aurait beaucoup d’autres détails qui auraient pu être mis dans les Evangiles mais qui n’ont pas été retenus, le plus important, c’est de savoir qu’avec ce que les Evangiles nous transmettent, nous avons tout ce qu’il nous faut pour nourrir notre foi.

Donc pour nourrir notre foi, les Evangiles suffisent et parfois, pour nourrir notre curiosité, nous pouvons récupérer l’un ou l’autre renseignement dans les Evangiles apocryphes … à condition de le faire avec discernement en nous laissant guider par les spécialistes qui nous aideront à faire le tri entre ce qui relève de la légende et ce qui peut être considéré comme historique. Un critère, d’ailleurs pour repérer ce qui est historique, c’est de voir si et comment ces détails des apocryphes ont été repris par les Pères de l’Eglise. Et c’est vrai qu’en lisant les Pères, on retrouve quelques détails mais on constate que la plupart n’ont pas été repris. 

Après ce long détour, venons-en à cette fête de la présentation de Marie. Marie, toute petite, à l’âge de 3 ans, aurait été conduite au Temple, présentée au Seigneur et confiée pour quelques années à des servantes du Temple qui auraient fait son éducation. C’est ainsi que St Jérôme, l’un des premiers grands spécialistes des Ecritures, vivant entre le 4° siècle et 5° siècle, donnera un programme assez précis de ce que pouvait être une journée de la petite Marie dans ces années passées au Temple. Mais laissons de côté ces considérations qui peuvent relever de l’anecdotique pour nous attacher au sens profond de cette fête, au message que cette fête veut délivrer aux chrétiens qui la célèbrent. Ce que j’aimerais souligner, c’est la merveilleuse et précieuse collaboration des hommes au plan de Dieu. Dieu a préparé le cœur et le corps de Marie, c’est ce que nous célébrerons dans une quinzaine de jours avec la fête de l’Immaculée Conception. Pour son Fils, Dieu voulait une demeure qui soit digne, C’est ainsi que Marie a été préservée du péché lui permettant de faire à chaque instant et dans toutes ses décisions la volonté de Dieu comme Jésus le fait remarquer dans l’Evangile que nous avons entendu. 

Ça, c’est la part de Dieu dans l’histoire de la vie de Marie, c’est ce que Dieu seul pouvait faire et c’est un très grand miracle. Mais les parents de Marie vont aussi avoir leur participation. Eux, évidemment, il n’y a pas eu d’ange qui est venu les trouver pour leur expliquer que leur fille allait avoir un dessein exceptionnel en devenant la mère du Messie promis et attendu depuis si longtemps. Non, ils ont accueilli cette fille et parce qu’ils voulaient le meilleur pour elle, ils sont allés la présenter au Temple et lui permettre de vivre cette expérience exceptionnelle d’être éduquée dans le Temple. D’autres filles que Marie ont reçu ce genre d’éducation. Mais, pour Marie, ça va revêtir une signification toute particulière. En effet, Marie, dès son plus jeune âge sera éduquée dans l’offrande d’elle-même. Avec la préparation que Dieu avait faite en elle et avec cette éducation à l’offrande qu’elle doit à ses parents, Marie sera préparée à vivre tout ce qu’elle devra vivre dans la foi, pour actualiser à chaque instant l’offrande totale de sa vie.

La décision d’Anne et Joachim a été courageuse, car conduire leur fille au Temple, ça exigeait un grand renoncement, il fallait accepter de se séparer, pendant quelques années de son enfant. En Europe, nous avons souvent du mal à comprendre cette décision, elle est sans doute plus facile à comprendre dans d’autres cultures où un enfant, pour son bien, peut être confié à des oncles et tantes, dès son plus jeune âge. Mais, du coup, vous voyez que c’est très beau, sans rien savoir de la mission de leur fille, Anne et Joachim posent un acte qui va préparer Marie à cette mission. Dieu a fait sa part en préparant le cœur et le corps de Marie, ses parents, animés par la foi, vont aussi contribuer à sa préparation. 

Je crois que c’est en raison de cette double collaboration, de Dieu et de l’univers familial, dans la préparation d’une vocation que cette fête de la présentation de Marie a été choisie par pas mal de congrégations et instituts religieux comme leur fête patronale. Le 2 février, c’est la fête de la vie consacrée, mais le 21 novembre, bien des instituts et congrégations en font leur jour de fête. Ce qui a été vrai dans l’histoire de Marie et vécu de manière exceptionnelle est aussi vrai dans l’histoire de toute vocation qui peut éclore grâce à cette double préparation, celle de Dieu qui travaille le cœur de celui ou celle qu’il veut appeler et la préparation effectuée dans l’univers familial.

Chacun de nous, nous pourrions profiter de cette fête pour relire l’histoire de notre vocation pour repérer les signes de cette double préparation. Demandons au St Esprit qu’il nous éclaire pour que nous puissions voir ce qui, dans notre appel, a été le fruit d’une préparation du Seigneur lui-même et ce qui a été aussi le fruit de nos histoires familiales. Je pense que, même lorsqu’une vocation va germer dans un univers familial loin de la foi, voire carrément hostile, des années après, on peut se rendre compte que cette histoire familiale n’aura quand même pas compté pour rien dans l’éclosion de la vocation. Béni sois-tu Seigneur, toi qui sais si bien conjuguer la part du travail des hommes et la part de ton travail pour faire éclore des vocations. Que par l’intercession de la Vierge Marie, les vocations dont l’Eglise a besoin lui soient données.

Cet article a 4 commentaires

  1. Franchellin Jean Marc et Agnès

    Encore merci frère Roger de nous avoir nourri doublement !
    La réflexion que je me suis faite :vous écrivez une homélie comme l’on boit un verre d’eau.. Mais on ne voit pas tout le travail effectué pour amener le verre d’eau au robinet !
    L’important c’est de puiser à la Source de la Vie !

  2. Franchellin Jean Marc et Agnès

    Pour amener l’eau au robinet

  3. Franchellin Jean Marc

    Encore merci frère Roger de nous avoir nourri doublement !
    La réflexion que je me suis faite :vous écrivez une homélie comme l’on boit un verre d’eau.. Mais on ne voit pas tout le travail effectué pour amener le verre d’eau au robinet !
    L’important c’est de puiser à la Source de la Vie !

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