La lecture des Actes, nous permet de continuer l’histoire là où nous l’avions laissée hier. Rappelez-vous, les apôtres ont été arrêtés, libérés miraculeusement, ils retournent donc dans le Temple pour enseigner et sont à nouveau arrêtés. Nous avons entendu le réquisitoire des membres du conseil. Dans ce qui leur est reproché, je retiens cette parole : « vous remplissez Jérusalem de votre enseignement. » C’est assez étonnant, mais c’est souvent dans la bouche des accusateurs que l’on trouve les plus grandes vérités, vérités, que, bien sûr, ils prononcent malgré eux. C’était déjà comme ça dans le procès de Jésus, le grand prêtre avait dit cette belle vérité sur Jésus. « Ne valait-il pas mieux qu’un seul meure pour le Salut du Peuple ? » Eh bien, là, il y a encore une belle vérité qui est proclamée par l’accusation : l’enseignement des apôtres remplit Jérusalem.
Les accusateurs auraient pu dire que l’enseignement des apôtres se répandaient dans Jérusalem. Mais ce n’est pas le mot qu’ils ont choisi, peut-être parce que ça les aurait moins chagrinés ! Ce qui les met hors d’eux, c’est que l’enseignement donné par les apôtres remplit Jérusalem, dire cela, c’est un douloureux aveu d’échec de leur part, ça signifie que Jérusalem était vide. Ça signifie donc que leur enseignement à eux, ne remplissait pas, mais entretenait un vide et pourtant, Dieu sait s’ils parlaient ! Je pense que nous avons tous faits cette expérience d’entendre des discours qui sont vides alors qu’ils sont pourtant bien remplis de paroles ! Je me rappelle ce prof que nous avions à la catho, pourtant célèbre et qui maniait très bien le verbe, mais je ressortais toujours de ses cours avec un grand vide. Un jour, j’en ai parlé avec un autre prêtre qui avait fréquenté ses cours et il m’a dit : quand je l’écoutais, j’avais l’impression de prendre une grande poignée de très beau sable dans mes mains, mais ce sable glissait entre mes doigts et, finalement, il n’en restait plus rien ! Paix à l’âme de ce prof qui contemple la vérité de ce qu’il voulait enseigner. Rassurez-vous, je pourrais aussi témoigner en parlant de profs dont les enseignements remplissaient ma tête et mon cœur !
Vous sentez que si l’accusation des membres du conseil est si virulente à l’égard des apôtres, c’est que l’enseignement qu’ils donnaient est tout à l’inverse de cette expérience de vide que je décrivais, l’enseignement des apôtres, à l’inverse, il remplit, il apporte une plénitude. Et, dans la fin du texte, les apôtres nous livrent leur secret : pourquoi leur enseignement avait-il cette capacité de remplir ? Eh bien, parce qu’ils parlent dans l’Esprit-Saint, par l’Esprit-Saint, voilà ce qu’ils disent : « Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. »
On dit parfois qu’avant de parler, il faut tourner sa langue 7 fois dans sa bouche, moi, je ne suis pas adepte de cette pratique, comme je dois beaucoup parler, j’ai peur de me faire des ampoules à la langue ! Il serait plus judicieux, quand nous avons à parler pour dire des choses importantes, de demander la lumière, l’assistance du St Esprit. Nous avons tous fait cette expérience soit pour les paroles que nous disons, soit pour celles qui nous sont dites qu’une parole donnée dans la lumière du St Esprit, elle remplit, elle ne blesse pas, elle accomplit tout un travail chez celui qui la reçoit. Je suis toujours impressionné quand je vois Mgr Aupetit prêcher, il commence par se recueillir silencieusement au moins une minute avant de parler et une vraie minute de silence face aux gens, c’est long ! Je suis sûr qu’il a préparé, mais il demande de pouvoir parler dans l’onction du St Esprit et ça donne à ses paroles une force incomparable. Une parole qui est donnée dans l’onction du St Esprit, elle remplit, mais jamais elle ne saoule, elle ne gave pas non plus. Demandons que cette grâce nous soit donnée !
Dans l’Evangile, il nous a été donné d’entendre la fin de l’entretien de Jésus avec Nicodème. Mais on aurait presque envie de dire que ça finit mal : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui refuse de croire le Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » Aïe, aïe, aïe ! On n’aime pas entendre ce genre de paroles ! En plus comment concilier cette parole finale avec le début de l’entretien quand Jésus disait : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son Fils … et Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » Alors, Salut ou colère éternelle pour ceux qui ne croient pas ?
Bon, on pourrait déjà apporter une première nuance en soulignant que Jésus ne parle pas de ceux qui ne croient pas, mais de ceux qui refusent de croire. Il évoque donc un acte réfléchi, posé en toute conscience. Mais ça ne nous satisfait qu’à moitié parce qu’on pourrait se dire : ceux qui ne s’intéressent pas à Dieu, eh bien, que Dieu ne s’intéresse pas à eux et puis c’est bon, mais pourquoi cette colère qui va demeurer sur eux ?
Je crois l’avoir déjà dit depuis que je suis parmi vous : quand il y a un mot qui nous choque parce qu’il attribue à Dieu une attitude qui nous semble tellement contraire à ce qu’il est profondément, il nous faut réfléchir de manière ajustée. Le premier élément qu’il faut remettre à sa juste place pour avoir un raisonnement théologique juste, c’est la grande vérité que Jésus est venu nous révéler : Dieu est amour. Et vous savez que le père Varillon que c’était trop peu d’exprimer cette vérité par ces mots, il aimait rajouter : Dieu N’est QU’amour. Ce petit « ne que », est, en effet, très important. Ayant cette vérité dans la tête et dans le cœur, il nous faut ensuite nous interroger à propos du mot, de l’attitude qui nous choquent et chercher quels sens peut avoir cette attitude chez quelqu’un qui n’est qu’amour. Que signifie donc dans la bouche de Jésus cette déclaration que la colère de Dieu va demeurer sur celui qui refuse de croire ? Parce que Dieu n’étant qu’amour, dire que sa colère va demeurer sur quelqu’un ça n’a rien à voir avec nous, qui, à certains moments ne décolérons pas contre certaines personnes ; notre colère restant sur eux, elle leur pourrit la vie et elle pourrit aussi la nôtre d’ailleurs ! Mais ça ne colle pas avec Dieu qui n’est qu’amour.
Vous en avez sûrement rencontré de ces personnes qui refusent de croire, qui ont la dent dure, la plupart du temps, leur attitude cache de grandes blessures. Et finalement, s’ils refusent de croire, c’est parce que, avec ce qu’ils ont vécu, ils n’arrivent pas à croire. Eh bien, il me semble que Jésus annonce une bonne nouvelle pour toutes ces personnes. En effet, la colère de Dieu n’est jamais dirigée contre les personnes : Dieu tape sur le péché, pas sur le pécheur ; Dieu tape sur le malheur, pas sur le malheureux ! Donc, en disant que la colère de Dieu va demeurer sur ceux qui refusent de croire, Jésus annonce que Dieu n’abandonnera jamais ceux qui n’arrivent pas à croire. Mais ce n’est pas eux qu’il cherche à détruire par sa colère, ce que sa colère va détruire, c’est ce qui les empêche de croire. Dieu va les poursuivre et mettra toute son obstination à guérir ce qui a été abimé en eux par les accidents de la vie, par la méchanceté de certaines personnes. C’est sans doute cette expérience qu’a fait le psalmiste et qu’il répercute dans le très beau psaume 138 de la liturgie (139 bibles) expérience de Dieu qui ne l’a jamais lâché jusqu’à ce qu’il puisse enfin émerger de sa douloureuse histoire. Par notre fidélité à les accompagner dans l’affection, témoignons à tous ceux qui ne peuvent pas croire que Dieu ne les lâchera jamais sans toutefois s’imposer à eux. Parce qu’il n’est qu’amour, Dieu sait le faire, que son amour passe en nous pour que nous y parvenions aussi !
c’est bon signe justement que vous ayiez des ampoules à votre langue : en ce temps de Covid, vos enseignements sont des lumières et ne sont pas vides et nous sommes avides de les entendre et de les lire !!!!