Lundi, nous assistions à l’entrée en silence de Zacharie et, aujourd’hui, nous assistons à sa sortie du silence, une sortie de silence qui sera confirmée demain. En entendant Zacharie parler à nouveau, j’ai envie de m’écrier : mon Dieu que c’est beau un homme qui parle après une bonne cure de silence ! Je dis un homme parce que Zacharie était un homme, mais c’est au moins aussi vrai pour une femme ! Manifestement, Zacharie a bien utilisé ce long temps de silence que Dieu lui avait donné, le silence a porté ses fruits. Travaillé par le silence, celui qui parle après une cure de silence le fait en écoutant le Saint Esprit, du coup ses paroles vont avoir une grande portée, c’est l’expérience que font les retraitants. Et c’est justement sur la portée des paroles de Zacharie que j’aimerais m’arrêter. Je vais commencer par la parole entendue aujourd’hui et, ensuite, j’anticiperai en commentant les paroles que nous entendrons demain, car demain, j’ai choisi de commenter la 1° lecture.
La 1° parole que Zacharie prononce, après sa cure de silence, c’est par l’intermédiaire de sa femme Elisabeth qu’il la prononce : Non, il s’appellera Jean. Une parole qu’il va confirmer devant l’étonnement de son auditoire en écrivant lui-même : « Jean est son nom. » Vous aurez remarqué que la 1° parole commence par un « non » très affirmé : Non, il s’appellera Jean. Ce refus, ce « non », il est une manière pour Zacharie de se démarquer de la tradition qui veut que, chez les juifs, le 1° enfant porte toujours le nom de son père, il est donc nécessaire qu’il approuve ce que sa femme venait d’affirmer en son nom. Pour manifester sa fidélité au Seigneur, sa première parole, encore une fois, exprimée par sa femme, est une opposition à la tradition, mais pas la grande tradition, la tradition des hommes : Non, il s’appellera Jean. Il accepte de renoncer à la tradition des hommes pour mieux obéir au Seigneur parce que, parfois, pour obéir au Seigneur, il faut avoir le courage de renoncer à certaines traditions. Et, là, c’est bien le Seigneur le lui a demandé.
Rappelons-nous l’Evangile entendu lundi dans lequel l’Ange lui annonçait : « Sois sans crainte, Zacharie, car ta supplication a été exaucée : ta femme Élisabeth mettra au monde pour toi un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. » Tu lui donneras le nom de Jean, l’ordre était clair. En posant une question à la suite, en demandant un signe qui émettait un doute sur la promesse du Seigneur, Zacharie avait été conduit à vivre dans le silence pendant 9 mois, non pas par punition, mais justement pour apprendre l’obéissance et vous savez que dans ce mot obéissance en latin, il y a le verbe écouter. Or le silence devient un vrai partenaire pour ceux qui veulent écouter vraiment. Evidemment, ce silence-là, le silence que Dieu offre en cadeau, il n’a rien à voir avec le silence imposé à ceux que l’on veut faire taire parce qu’on juge leur parole gênante ! Zacharie avait besoin de temps pour s’ajuster à la volonté de Dieu. Ce long temps de silence lui aura permis de murir et c’est bien pourquoi, de grand cœur, il renonce à la tradition des hommes, pour mieux obéir au Seigneur en disant : Non, il s’appellera Jean. Et tant pis, si autour de lui, on ne comprend pas bien pourquoi il ne continue pas cette tradition ancestrale. Pour lui, l’essentiel, c’est désormais de faire confiance au Seigneur, d’obéir au Seigneur, quoiqu’il en coûte !
On pourrait se dire que c’est bien une grosse affaire, juste pour un prénom ! C’est vrai Jean, c’est un beau nom pour cet enfant puisqu’en hébreu, ce prénom signifie : Dieu fait grâce. En annonçant l’imminente entrée en scène du Sauveur, cet enfant allait avoir la mission d’annoncer que Dieu ferait grâce, qu’il est enfin arrivé le temps où Dieu allait faire grâce. Mais, entre nous, le nom de Zacharie n’était pas mal non plus puisqu’il signifie : Dieu se souvient. Et finalement ces deux significations s’entremêlent : Dieu se souvient qu’il a promis de faire grâce ! Le mieux aurait peut-être été qu’il s’appelle Jean-Zacharie ! Mais en insistant pour qu’il s’appelle Jean, comme le Seigneur l’avait demandé, Zacharie manifeste désormais qu’il est prêt à faire confiance au Seigneur qu’il a pris le temps d’écouter, il est prêt à faire la volonté du Seigneur.
La 2° parole qui est plus qu’une parole puisque c’est carrément une hymne qui sort de sa bouche, elle aussi, elle aura une portée considérable puisque, depuis des siècles et des siècles, elle nourrit la prière quotidienne de tous ceux qui prient l’office de Laudes. Dans ces jours, si nous le pouvons, prenons un peu de temps pour méditer ces paroles.
Puisque c’est le St Esprit qui a inspirées ces paroles à Zacharie, que le Saint-Esprit nous accompagne pour que notre méditation redonne du sens à ces paroles afin que nous ne les rabâchions pas à chaque office mais qu’elle nourrisse vraiment notre prière dès l’office de Laudes.
D’abord, je fais remarquer que dès le matin cette hymne met sur nos lèvres une parole de louange : Que le Seigneur, le Dieu d’Israël, soit béni ! Comme il est bon pour nous de commencer la journée avec la louange. La louange, elle ouvre mon cœur parce que je ne me centre plus sur moi, sur mes besoins, même s’ils sont importants, mais sur Dieu : « Que le Seigneur soit béni ! » En me décentrant, en me centrant sur Dieu, la louange me fait donc du bien et en plus, elle m’associe au chœur des anges ! Les anges, nous le savons, leur mission première, leur raison d’être, c’est de louer le Seigneur. A chaque fois que j’entre dans la louange, je suis intégré au chœur des anges, je fais descendre la louange du chœur des anges sur la terre ! Le savoir devrait nous encourager à louer plus souvent le Seigneur tout au long de la journée, même quand nous sommes seuls !
Et ensuite toute l’hymne va nous donner des raisons supplémentaires de louer le Seigneur, va orienter notre louange comme une reconnaissance pour le Salut apporté. Après mon séminaire, j’avais été envoyé à la Faculté Catholique de Lyon et j’avais eu la chance de suivre un très bon cours d’exégèse dont le thème était : la notion de Salut dans l’Evangile de Luc. Le 1° texte que nous avions étudié était le Benedictus puisque c’est là qu’apparait pour la 1° fois le mont « Salut » dans l’Evangile de Luc. Eh bien, figurez-vous que nous sommes restés un trimestre sur ce seul texte tellement la notion de Salut y est déployée. Pour vous le faire entendre, je vais relire la totalité du texte de l’hymne et, par mon intonation, je vais souligner toutes les mentions du Salut soit parce que le mot s’y trouve directement ou alors c’est un autre mot mais directement associé au Salut.
« Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui visite et rachète son peuple. Il a fait surgir la force qui nous sauvedans la maison de David, son serviteur, comme il l’avait dit par la bouche des saints, par ses prophètes, depuis les temps anciens : salut qui nous arrache à l’ennemi, à la main de tous nos oppresseurs, amour qu’il montre envers nos pères, mémoire de son alliance sainte ; serment juré à notre père Abraham de nous rendre sans crainte, afin que, délivrés de la main des ennemis, nous le servions dans la justice et la sainteté, en sa présence, tout au long de nos jours.
Toi aussi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut ; tu marcheras devant, à la face du Seigneur, et tu prépareras ses chemins, pour donner à son peuple de connaître le salut, par la rémission de ses péchés, grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, quand nous visite l’astre d’en haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix. »
C’est donc bien clair, nous sommes sauvés ! Certains préfèrent dire : on est sauvé ! C’est le sens, c’est le but de l’incarnation que nous allons célébrer demain soir et le Seigneur a envoyé Jean-Baptiste pour l’annoncer parce qu’il voulait que personne ne puisse rater ce rendez-vous du Salut si décisif ! Nous sommes sauvés ! Pour que, chaque jour, cette conviction de foi s’enracine un peu plus en nous, nous le chantons dès le matin. Nous sommes sauvés ! Pour que, chaque jour, nous vivions un peu plus comme des sauvés, nous le chantons dès le matin. Oh oui, vraiment, que le Seigneur soit béni, Lui qui ne cesse de nous visiter, de nous restaurer par sa force de Salut.