Vous avez sans doute entendu parler du père Cantalamessa. C’est un père capucin qui depuis le début du pontificat de Jean-Paul II, c’est dire que ça remonte à déjà quelques années, a le titre de prédicateur de la maison pontificale. C’est-à-dire que chaque temps de l’Avent et du carême, il est chargé de donner une prédication, chaque semaine, au pape, à toute la curie romaine et à tous les supérieurs majeurs de congrégations religieuses pour les aider à se convertir. Vous imaginez un peu la responsabilité ? Je préfère que ce soit lui que moi qui aie reçu cette charge ! Ce père Cantalamessa était un grand intellectuel et, par la grâce de Dieu, il y a quelques dizaines d’années, il est devenu aussi un grand ami du Saint-Esprit. Il était venu dans mon diocèse, le diocèse du curé d’Ars, pour la grande fête de Pentecôte 2012 au cours de laquelle nous fêtions les 1600 ans d’évangélisation de notre diocèse. Et, à cette occasion, il nous avait raconté l’histoire suivante.
Il est originaire d’un petit village d’Italie et chaque dimanche, ce même scénario se renouvelait. A la fin de la messe, les hommes allaient boire un verre et au bout d’un moment décidaient de rentrer pour ne pas se faire disputer par leurs femmes. Ils partaient par petits groupes en fonction du lieu où ils habitaient. Quand le groupe arrivait devant la maison de l’un d’entre eux, celui-ci disait aux autres : « venez, entrez, vous prendrez le repas avec nous ! » Le père Cantalamessa expliquait que c’était une invitation de politesse, une invitation tout à fait formelle et si jamais l’un d’entre eux avait dit : pourquoi pas … celui qui avait lancé l’invitation se serait fait copieusement disputé par sa femme qui n’avait rien préparé et qui ne souhaitait pas que le repas se prolonge trop ! Encore une fois, l’invitation était une simple formule de politesse et elle se renouvelait chaque dimanche !
Alors le père Cantalamessa nous expliquait que, si nous invitons le Saint-Esprit à venir dans nos vies, comme les hommes de son village s’invitaient les uns les autres, évidemment il ne se passera rien … puisqu’en fait, nous n’avons pas du tout envie qu’il vienne ! Avec le Saint-Esprit, pas d’invitation formelle, pas de formule de politesse : tu le veux ou tu ne le veux pas, tu l’attends ou tu ne l’attends pas ! Saint Bonaventure, le grand théologien franciscain avait dit cette magnifique parole : « l’Esprit-Saint vient là où il est aimé, là où il est invité, là où il est attendu. » Permettez-moi de reprendre chacun de ces termes.
L’Esprit-Saint vient là où il est aimé. Est-ce que nous aimons le Saint-Esprit ? Est-ce que nous le prions ? Je ne doute pas un seul instant qu’il nous arrive souvent de dire : Seigneur donne-moi ton Esprit ! Mais ça, c’est une prière indirecte au Saint-Esprit ! Est-ce que nous le prions directement en nous adressant directement à lui. Je connais un père jésuite qui est un grand ami du Saint-Esprit et il commence toujours ses prières adressées au Saint-Esprit par ces mots : cher Saint-Esprit ! L’Esprit-Saint vient là où il est aimé. Evidemment, le Saint-Esprit n’est pas jaloux de nos prières adressées au Père ou à Jésus, mais il ne peut agir qu’à la mesure de la confiance que nous lui accordons.
L’Esprit-Saint vient là où il est invité. J’en ai déjà parlé avec ces invitations formelles, de pure politesse qu’évoquait le père Cantalamessa. Est-ce que nous l’invitons réellement en souhaitant qu’il vienne et qu’il reste en nous et qu’il irrigue toute notre vie ? Parce que, si nous invitons le Saint-Esprit, il voudra pouvoir se mêler de toutes nos affaires. Il ne faut pas l’inviter et lui dire : tu restes bien tranquille dans un coin, je t’appellerai quand je vais prier, comme je ne sais pas bien faire, tu m’aideras ! Non ! Le Saint-Esprit veut agir dans toute notre vie apporter sa lumière pour que nous fassions des choix conformes à l’Evangile, quand nous nous occupons de notre argent, quand nous allons voter, quand nous allons sur internet. L’Esprit-Saint vient là où il est invité à condition que notre invitation soit réelle et qu’on ne lui donne pas un petit strapontin !
L’Esprit-Saint vient là où il est attendu. Pour attendre le Saint-Esprit, finalement, il faut avoir touché du doigt ses limites. Avoir fait cette douloureuse expérience que Paul énonce si bien dans la lettre aux Romains : le bien que je voudrais faire, je ne le fais pas assez souvent et le mal que je ne voudrais pas faire, je le fais trop souvent ! Oui, quand on réalise qu’on est un pauvre, alors on se met à attendre le Saint-Esprit. Quand on réalise qu’on est habité par un immense désir mais tellement incapable de le mettre en musique concrètement dans notre vie, alors on attend le Saint-Esprit. L’Esprit-Saint vient là où il est attendu, il n’y a que les pauvres de cœur qui l’attendent.
Et alors, qu’est-ce qui se passe là où l’Esprit-Saint est aimé, là où il est invité, là où il est attendu ? Eh bien, ce n’est pas compliqué, il se passe une Pentecôte ! Je peux vous dire qu’à Jérusalem, le Saint-Esprit est venu parce qu’il était aimé, invité et attendu. Aimé, c’est sûr qu’il l’était tous les derniers enseignements de Jésus à ses apôtres portaient sur le Saint-Esprit, il avait su trouver les mots pour le faire aimer. Invité et attendu, il l’était aussi, les apôtres avaient tellement touché du doigt leurs faiblesses, qu’ils savaient bien que sans le Saint-Esprit, jamais ils ne pourraient remplir la mission que Jésus leur avait confié : porter l’Evangile jusqu’aux extrémités de la terre.
Eh bien, mes amis, si nous aussi nous nous mettons pour de bon à aimer, inviter et attendre le Saint-Esprit, il viendra et une nouvelle Pentecôte pourra avoir lieu. Et il se passera ce qui s’est passé à la 1° Pentecôte car il n’y a pas plusieurs Saint-Esprit, un Saint-Esprit de très bonne qualité qui aurait été réservé aux apôtres et qui, par la suite, aurait été mis dans un coffre-fort pour ne servir qu’aux ordinations d’évêques et un Saint-Esprit frelaté, fond de cuve qui aurait perdu l’essentiel de sa force pour des gens simples comme vous et moi ! Il n’y a qu’un seul Saint-Esprit et, là où il est aimé, invité et attendu, il vient, il réalise une Pentecôte en accomplissant toujours les mêmes merveilles. Et quelles sont-elles ces merveilles ? Je terminerai en les évoquant rapidement telles qu’elles nous sont présentées dans les lectures d’Aujourd’hui.
La 1° merveille que je veux souligner c’est le mariage harmonieux entre unité et diversité que l’Esprit-Saint, seul, est capable de réaliser. Le livre des Actes nous montre les apôtres réunis tous ensemble, c’est une belle répétition qui ne passerait pas dans un devoir de français mais qui, là, est tout à fait intentionnelle pour parler de l’unité qui régnait dans le groupe apostolique. L’Esprit-Saint ne peut venir que là où il y a l’unité ou au moins le désir de l’unité. Là où il y a des clans, là où chacun veut faire l’eau bénite à son propre compte, il ne peut venir. Mais quand il y a l’unité, il vient et alors, c’est merveilleux parce qu’il va développer la diversité. Dans une communauté unie, le Saint-Esprit va permettre à chacun de développer ses propres charismes pour enrichir l’ensemble de la communauté. Les apôtres étaient réunis tous ensemble et l’Esprit-Saint vient comme un feu, se partage en langues de feu pour envahir le cœur de chacun et alors ils se mettent à parler toutes les langues comme l’Esprit-Saint leur donnait de s’exprimer. Le résultat, c’est que parmi les gens d’origine si diverse qui étaient présents ce jour-là, chacun les entendait proclamer l’unique Bonne Nouvelle dans sa propre langue. Oui, quel mariage harmonieux entre unité et diversité, nos communautés chrétiennes en ont tellement besoin !
La 2° merveille que je voudrais souligner, c’est la capacité de l’Esprit-Saint à transformer des hommes peureux en témoins audacieux. Les apôtres étaient enfermés, ils attendaient l’Esprit-Saint, c’est vrai, c’est ce que Jésus leur avait demandé. Mais ils n’étaient sûrement pas pressés de sortir et d’accomplir la mission qu’ils avaient reçu de Jésus … et si on leur faisait subir le même sort qu’à Lui ? Eh bien, voilà que ces peureux sortent, gonflés à bloc ! Remarquez, quand on a reçu le Saint-Esprit, ce n’est pas étonnant d’être gonflés puisqu’il est le souffle de Dieu. Aujourd’hui, pour que l’évangélisation avance, il y a sûrement trop de chrétiens qui sont des dégonflés !
La 3° merveille que je souligne, elle est juste évoquée dans le passage que nous avons lu, la suite le confirme, c’est le fait que ceux qui ont reçu le Saint-Esprit sous forme de langues de feu ont une parole de feu qui touche les cœurs. Pierre, sa 1° homélie est suivie de 3000 conversions, vous vous rendez compte ? Quelle parole de feu ! Nous, c’est plutôt 3000 homélies pour une conversion !
La 4° merveille que je souligne, elle est évoquée dans la 2° lecture, c’est le fait que l’Esprit-Saint est la force qui nous aide à mettre de l’ordre dans nos vies en régulant nos passions et du coup, qui nous permettra de porter tous ces beaux fruits qui étaient énoncés. Nous aimerions porter ces fruits, mais nous n’avons pas la force, l’énergie suffisamment constante pour réguler nos passions. Eh bien, voilà l’une des belles actions du Saint-Esprit dans nos vies.
Enfin la 5° et dernière merveille que je souligne même s’il y en aurait bien d’autres, c’est ce que nous dit l’Evangile : l’Esprit-Saint nous donnera la force de porter ce qui est trop lourd pour nous. Jésus dit : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. » Oui, il y a tellement de choses lourdes qu’il nous faut porter, qu’il s’agisse de soucis familiaux, de soucis de santé, de soucis professionnels, relationnels, affectifs … il y a tellement à porter, Jésus a bien raison de dire que nous n’avons pas la force de tout porter sur nos pauvres épaules si fragiles. L’Esprit-Saint ne va pas forcément transformer, régler tout ce qui est difficile, lourd à porter, mais il nous donnera la force de le porter et de vivre dans la vérité chacune de ses situations compliquées.
Ça ne vous fait pas rêver quand vous entendez toutes ces merveilles que le Saint-Esprit est capable d’accomplir ? Eh bien, vous avez compris qu’il ne tient qu’à nous qu’il continue à les accomplir puisqu’il vient là où il est aimé, là où il est invité, là où il est attendu !