23 mars : le chemin de la foi … entre autres choses !

On va reprendre les bonnes habitudes, au moins pour aujourd’hui, moitié de l’homélie sur la 1° lecture, moitié sur l’évangile ! Et cette homélie va venir compléter ou rafraichir votre formation exégétique, mais rassurez-vous, ça sera simple !

La 1° lecture est tirée du livre d’Isaïe. Bien sûr un texte, on peut toujours le lire et l’accueillir sans rien connaître du contexte, heureusement, autrement, les gens simples n’auraient pas accès à l’Ecriture. Et, d’ailleurs même dans l’exégèse scientifique, certaines méthodes ne s’intéressent pas au contexte historique. C’est ce qu’on appelle l’analyse narrative. Mais c’est vrai que, souvent, connaître le contexte historique, ça ouvre des horizons et moi, c’est avec cette méthode que j’ai été formée qu’on appelle la méthode historico-critique. Cette méthode, il convient aussi de ne pas l’absolutiser comme certains exégètes l’ont fait et qui ont été critiqués par Benoit XVI qui disait qu’en les lisant on en apprend plus sur le fonctionnement socio-politique de la société du temps de Jésus que sur Jésus et son rapport à Dieu et aux hommes !

Ceci étant dit, connaître le contexte historique d’un livre biblique rend souvent service. Le problème avec Isaïe, c’est que vous savez sans doute que ce livre couvre 3 périodes différentes. On a mis sous le patronage d’un seul homme, le prophète Isaïe, des textes qui n’ont pas pu être écrits par une seule personne car il y a 200 ans qui s’écoulent entre le début du livre et la fin ! Mais comme il y a une même veine spirituelle et théologique dans le livre, comme on en avait l’habitude à l’époque, on a attribué tous ces textes à un même auteur. Pour faire simple, on va dire que les chapitres 1 à 39, la 1° partie du livre, couvrent la période avant l’Exil, c’est dans cette partie qu’on a les prophéties de l’Emmanuel qu’on lit au moment de Noël. Les chapitres 40 à 55, la 2° partie, qu’on appelle le deutéro-Isaïe, couvrent la partie de l’Exil (597-538) c’est dans cette 2° partie qu’il y a le livre de la Consolation … on en a bien besoin dans cette situation et les fameux poèmes du serviteur souffrant que nous lirons dans la semaine sainte, Israël en déportation souffre tellement. Enfin, la 3° partie, les chapitres 56 à 66, qu’on appelle souvent le 3° Isaïe parlent des temps qui ont suivi le retour d’Exil.

C’est à cette 3° partie qu’appartient le texte d’aujourd’hui puisqu’il est extrait du chapitre 65. Le retour de l’Exil qui a pourtant été tant attendu fut une période très difficile à vivre. On peut dire que s’ils ont quitté Babylone en chantant, ils sont arrivés à Jérusalem en déchantant ! Certes, assez vite, le Temple va être rebâti grâce aux moyens fournis de manière étonnante par l’empereur perse Cyrus, mais pour le reste, ce n’est pas aussi rose que ce qu’ils avaient imaginé. 

Pour expliquer cela, il faut savoir que tout le peuple n’avait pas été déporté, on déportait plutôt les gens appartenant aux élites. Du coup, ces élites qui étaient parties, vont se serrer les coudes et essayer de vivre une fidélité sans faille à la Loi, à la Parole de Dieu. Ceux qui étaient restés, eux, ils avaient pris leurs aises, la présence de l’occupant avait conduit à des aménagements de la discipline, des rites, il y avait même eu des mariages mixtes juifs-païens. Ils prennent leurs aises dans d’autres domaines que la pratique de la loi, par exemple, bien des maisons des exilés avaient été occupées, réaménagées. La vie avait continué sans les élites et, maintenant, il fallait leur refaire une place et ce n’est pas simple. Du coup, les exilés sont bien déçus par l’accueil et par tout ce qu’ils trouvent à leur arrivée.  Alors, ils en viennent à se demander si Dieu ne les a pas menés en bateau avec toutes les belles promesses qui leur était faites en Exil.

Dans la lecture que nous avons entendue, on assiste donc à un ré-engagement de Dieu à l’égard de son peuple, leur annonçant que ça sera même encore plus beau que tout ce qu’ils avaient pu entendre de sa bouche et imaginer dans les plus beaux de leurs rêves.

« Je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l’esprit … » Relisez tout le texte maintenant que vous avez la clé ! Il faudrait avoir plus de temps pour développer car les promesses de Dieu ne pourront se réaliser que dans la mesure où le peuple restera fidèle et ça ne sera pas toujours le cas. Il est difficile d’intégrer toutes les leçons de l’histoire, il vaut mieux se le dire tout de suite pour nous rendre extrêmement vigilants à notre sortie de crise actuelle !

Venons-en à l’Evangile. Là encore quelques repères exégétiques. Vous savez que l’évangile de St Jean est aussi appelé l’évangile des signes qui est un autre mot pour parler des miracles. Ce qui fait l’originalité de cet évangile, c’est qu’il n’y a que 7 grands miracles et beaucoup de longs discours de Jésus. Mais les miracles sont tellement importants qu’ils ont donc donné ce nom à l’évangile de Jean : le livre des signes. 

En m’écoutant, vous pourriez dire que c’est quand même étonnant, et du coup, ça répondra à la question d’Anaelle, parce que Jésus dit : « Si vous ne voyez pas de signes et de prodiges, vous ne croirez donc pas ! » On entend comme une fatigue de Jésus devant cette demande de miracles, de signes. Mais est-ce aussi sûr que Jésus soit fatigué ? Le problème de l’évangile, c’est qu’on n’a pas l’intonation avec laquelle Jésus a prononcé ces paroles ! Là, en plus, le traducteur a interprété, mais après tout c’est inévitable quand on traduit, il a écrit : vous ne croirez donc pas … ce qui renforce l’idée d’un reproche. Dans le texte grec, Jésus dit : vous ne croirez absolument pas si vous ne voyez pas de signes et de prodiges. Eh bien, moi, j’entends ces paroles comme un constat de Jésus. Pour moi, c’est comme si Jésus disait : vous ne pourrez jamais croire si vous ne voyez pas des signes et des prodiges. La preuve que ma manière de lire n’est pas idiote, c’est que, juste après, Jésus guérit l’enfant à distance, sans se faire prier !

Si je lis de cette manière, c’est aussi parce que je sais et je sais parce que je l’ai appris qu’il y a 3 verbes essentiels qui structurent la démarche de Foi dans l’évangile de St Jean : Venir-Voir-Croire. J’aime bien cette expression qui dit que la foi commence avec les pieds, il faut se bouger, il faut une démarche. Ensuite, il faut voir la puissance de Dieu à l’œuvre et alors, je peux croire. C’est sans doute pour cela que les lieux de pèlerinage connaissent un tel succès : il faut y aller et souvent être motivés parce que ça peut être loin, il faut faire des heures de car … VENIR. Dans ces lieux, on voit la puissance de Dieu à l’œuvre, même si on ne voit pas des miracles labellisés ! Mais, à Lourdes, par exemple, on voit les personnes les plus cassées être l’objet de tant de soins, d’attention que ça touche les cœurs. VOIR ! Du coup, ces lieux suscitent et même ressuscitent la foi ! CROIRE. On pourrait dire la même chose pour les grands rassemblements comme les JMJ pour les jeunes. Mais on pourrait aussi dire la même chose pour une retraite dans un Foyer de Charité. VENIR-VOIR-CROIRE, habituellement, ce sont les étapes normatives du chemin de foi et nous les voyons très bien décrites dans ce texte à condition de ne pas entendre Jésus soupirer là où il ne soupire pas ! Si nous sommes encore confinés en maisons après Pâques, je vous montrerai que c’est ma manière de lire l’apparition à Thomas.

Mais vous voyez que ça devient intéressant parce que ces étapes normatives du chemin de foi nous permettent de poser un diagnostic sûr pour identifier la cause de nos crises de foi, évidemment, je veux parler de ces moments où la foi devient difficile. Il peut y avoir deux raisons : soit c’est le signe que je ne me bouge plus … je ne participe plus aux temps de prière ou bien j’y suis quand même présent mais ma tête et mon cœur sont ailleurs ou alors, c’est le signe que je ne suis plus capable de voir la puissance de Dieu à l’œuvre dans le quotidien de ma vie. Que l’Esprit-Saint vienne nous fortifier puisque nous sommes venus à cette messe, que nous puissions voir sa puissance et grandir ainsi dans la foi.

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    notre temps de confinement peut ressembler à une période de guerre désarmée.
    profitons donc pour rebondir et s’appuyer sur ces « obstacles » pour retrouver le vrai chemin.

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