3° dimanche de Carême : une double promesse inouïe !

CORONAVIRUS : Les règles strictes édictées par l’évêque de Valence ne nous permettront plus d’accueillir au Foyer les nombreuses personnes qui venaient partager l’Eucharistie avec nous. C’est aussi pour elles que je prends le temps d’écrire mes homélies et de les mettre sur mon blog pour leur apporter quand même une nourriture spirituelle. Tout en étant responsable et en respectant les consignes, faisons confiance au Seigneur, puisqu’il sait écrire droit avec des lignes courbes.

Je rappelle ce que je disais dimanche dernier : les évangiles de carême, particulièrement ceux de l’année A qui est l’année liturgique dans laquelle nous nous trouvons, ont un but bien spécifique. Ils ont été choisis pour parfaire la formation des catéchumènes. Il nous faut donc chercher, dans chaque évangile de carême, le cœur du message chrétien, le cœur de l’expérience chrétienne que l’Eglise veut transmettre aux catéchumènes pour qu’ils puissent mener, après leur baptême, une vie authentiquement chrétienne. Et, même si nous ne sommes pas catéchumènes, redécouvrir le cœur de l’expérience chrétienne, ça ne peut nous faire que du bien ! Puisque l’évangile était si long, on pourrait faire un très long commentaire. Mais le fait de le méditer avec cette optique, dégager le cœur de l’expérience chrétienne, m’a incité à ne retenir que deux points.

1° point : Jésus a voulu cette rencontre avec la samaritaine et, au-delà de la samaritaine, c’est toi, c’est moi que Jésus veut rencontrer aujourd’hui. A partir de ce que je viens de dire, je peux donc déjà formuler le premier point du cœur de l’expérience chrétienne : Le christianisme est la religion de la rencontre entre Dieu et l’homme. Mais surtout ne nous trompons pas de sens, c’est Dieu qui, le 1°, a soif de rencontrer les hommes.

Au début de l’évangile, il nous est dit que Jésus arrive à une ville de Samarie appelée Sykar, Sichem, aujourd’hui. Quand on a une mention comme celle-là, il est toujours intéressant de savoir d’où il venait et où il allait. Les versets qui précèdent nous l’apprennent, il était en Judée, c’est la région vers Jérusalem, Bethléem, c’est-à-dire plutôt le Sud du pays et il se rend en Galilée, vers le lac, plutôt au Nord du pays. Pour s’y rendre, il y a deux routes possibles : l’une plus directe mais qui a l’inconvénient de traverser la Samarie, je vais y revenir et l’autre moins directe le long du Jourdain mais qui est celle que tous les juifs empruntent habituellement, justement parce qu’elle leur évite de traverser la Samarie. En effet, vous savez qu’il y a une profonde inimitié entre les juifs et les samaritains. Pour faire bref, es juifs considèrent que les samaritains sont des bâtards. Un juif qui traverse la Samarie va d’une part contracter une impureté légale et d’autre part il prend des risques, tout peut arriver.

Le verset qui précède le texte qu’on a lu, je regrette qu’il n’ait pas été mis avec le texte car c’est lui qui donne presque tout son sens à l’évangile. En effet, il est dit : pour aller de Judée en Galilée, il fallait que Jésus traverse la Samarie. Comment comprendre ce « il fallait » avec ce que je viens de vous dire en expliquant qu’il y a une autre route bien qui, en plus, est bien plus sûre ? Il fallait, ça veut dire que ce n’était pas une nécessité géographique, mais que Jésus voulait passer par la Samarie. C’est-à-dire que la rencontre avec la Samaritaine n’est pas une rencontre due au hasard. C’est Jésus qui l’a voulue. D’ailleurs un indice, c’est qu’en arrivant au puit, il envoie ses apôtres chercher à manger … c’est bien la 1° fois que Jésus est préoccupé par le casse-croûte ! En fait, j’en suis à peu près sûr, il cherchait à éloigner ses apôtres. Il avait tellement voulu cette rencontre qu’il avait pris le risque de passer par la Samarie. Il connaissait les enjeux de cette rencontre, alors il ne voulait pas que ses apôtres viennent la faire capoter eux qui étaient souvent aussi délicats qu’une bande d’éléphants dans un magasin de porcelaine !

Jésus a dit à plusieurs reprises qu’il était venu pour accomplir la volonté de son Père et il n’a cessé de répéter que la volonté de son Père c’était qu’aucun homme ne soit perdu. Alors, ce pays, il va l’arpenter en long, en large et en travers à la recherche de ceux qui étaient perdus. Cette femme était perdue, il lui fallait aller la rencontrer. Et c’est très beau car il nous est dit que lorsqu’il arrive au bord du puits, Jésus est fatigué. En Jésus, Dieu est prêt à mouiller la chemise pour aller à ta rencontre, pour aller te chercher quand tu seras perdu.

Le Christianisme est la religion de la rencontre entre Dieu et l’homme, d’un Dieu qui fend le ciel pour venir jusque sur terre à la rencontre des hommes, d’un Dieu qui prend tous les risques pour aller chercher et sauver ceux qui sont perdus. Et ne perdons jamais de vue que c’est toujours Dieu qui se met en route le premier. Tu peux en être sûr, il te cherchera jusqu’à ce que tu te laisses trouver ! Bien sûr, jamais il ne te forcera, parce que l’amour ne peut que respecter la liberté, mais jamais, non plus, il ne baissera les bras en pensant qu’il en a assez fait pour toi. Il sera toujours prêt à mouiller la chemise pour toi !

Le 2° point fondamental de l’expérience chrétienne que cet évangile veut transmettre, c’est une vraie révolution. Tous les croyants sont animés par ce que j’aime appeler « la spiritualité de la cruche. » Qui d’entre nous n’a jamais prié en disant : Seigneur comble-moi de ton amour ? J’appelle cela la spiritualité de la cruche car nous nous mettons devant Dieu comme des cruches, que nous sommes trop souvent, et nous lui disons : remplis-moi de ton amour ! Je peux vous assurer que nous remplir de son amour, pour Dieu, ce n’est vraiment pas un problème puisqu’à certains jours nos cœurs n’ont pas la capacité d’une cruche mais la capacité qu’un dé à coudre ! Alors, Dieu, ça ne lui convient pas du tout … que fera-t-il de son amour infini quand il aura fini de remplir toutes les cruches qui ne contiennent qu’un dé à coudre ?

C’est pourquoi, Jésus conduit la Samaritaine sur un autre chemin de spiritualité en lui faisant une promesse extraordinaire. Voilà ce que Jésus lui dit : « « celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif. » Et pourquoi n’aura-t-il plus jamais soif ? Parce qu’il sera comblé ? Non, je vous l’ai dit, ce n’est pas le projet de Dieu. Il faut lire la suite de la promesse : « Car l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. » 

Pour réaliser l’inouï de cette promesse, il faut avoir en tête deux réalités du moment et du pays. Tout d’abord, personne n’a l’eau sur l’évier, la corvée d’eau, réservée aux femmes est une contrainte quotidienne et harassante. D’autre part, l’eau est un problème permanent dans ce pays où il ne pleut pas une bonne partie de l’année, dès qu’il y a une cavité naturelle, on s’en sert de citerne et on est prêt à déployer des efforts considérables pour creuser de nouvelles citernes parce que l’eau, c’est la vie ! Alors, avec ça en tête, essayez d’imaginer ce que pouvait ressentir la femme en entendant la promesse de Jésus ? Même si elle a peut-être du mal à comprendre ce que ça signifie concrètement, la réponse de la femme ne se fait pas attendre : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. » Elle réalise qu’un homme capable d’une telle promesse n’est pas un homme comme les autres … et Dieu sait si elle en connait un rayon sur les hommes ! Du coup, elle fait déjà une profession de foi : « Je vois que tu es un prophète ! »

Passer de la spiritualité de la cruche à celle de la source jaillissante, voilà le cœur de l’expérience chrétienne. Tu n’utilises plus Dieu pour qu’il vienne combler le moindre de tes désirs, mais tu acceptes qu’il te transforme en une source jaillissante pour que tu deviennes comme une oasis ambulante. Partout où tu iras, une source d’eau fraiche coulera et sera disponible pour tous les assoiffés. Devenir une source jaillissante d’amour, une oasis ambulante, c’est le projet de Dieu sur cette femme qui s’est retrouvée, si souvent, à sec d’amour. C’est un projet véritablement inouï ! Vous avouerez que c’est quand même plus attirant que de se promener avec un dé à coudre rempli d’amour qui finit par croupir parce qu’on a tellement peur d’en manquer qu’on le distribue au compte-goutte ! Si tu deviens une source, tu ne calcules plus, la source, elle coule en permanence et personne ne paie cette eau ni celui qui la donne, ni celui qui la reçoit, c’est le grand fontainier céleste qui se charge de la facture !

C’est à une belle conversion à laquelle nous sommes invités ! En effet, derrière cette promesse, il y a aussi une nécessité de se convertir. Quitter la spiritualité de la cruche, c’est accepter de ne plus être devant Dieu en ayant un seul mot à la bouche : Moi ! Comble-MOI ! Ecoute-MOI ! Exauce-MOI ! Occupe-toi de MOI ! Passer à la spiritualité de la source, c’est manifester au Seigneur que je suis disponible pour qu’il désaltère tous les assoiffés qui m’entourent, je lui offre toutes mes pauvretés qui sont comme autant de failles desquelles il pourra faire jaillir son amour. Et n’ayons pas peur de ne pas y retrouver notre compte : on n’a jamais vu les abords d’une source ne pas être verdoyants et donc attirants !

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    É..moi, oui je suis toujours ému en écoutant vos homélies.
    Considérer Dieu inépuisable, cela coule justement de source. Parler de contenants tels dé-à-coudre et cruche, cela paraît si ternes alors que Dieu est infini !!
    Enfin, nous pouvons dire que Jésus n’est pas très casse-croûte ; en revanche, Il a faim de nous voir heureux et joyeux ;
    de même, sans bulle, Jésus nous parle d’oasis ambulante : Il veut que nous soyons pétillants dans notre quotidien !!

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