7 mai : le sens de nos vies données après la révélation des abus commis par le père Finet

Peut-être avez-vous entendu parler des résultats de l’enquête de la commission indépendante mandatée par les Responsables des Foyers pour faire la lumière sur les rumeurs d’abus concernant le père Finet. Les résultats sont accablants … Vous pourrez les lire en allant sur le site des Foyers de Charité. Bien sûr, avant de penser à notre souffrance, nous pensons à celles des victimes qui ont porté ce poids pendant tant d’années. Il reste qu’après ces révélations, une question se pose pour les membres : est-ce que nos vies données ont encore un sens ? C’est ) cette question que cette homélie veut répondre.

Au moment où la barque est secouée, si nous ne voulons pas nous demander : mais qu’est-ce que je suis venu faire dans cette galère, nous avons besoin de remonter jusqu’à l’appel premier et fondamental qui nous a poussé à tout quitter pour venir ici. Bien sûr chacun pourrait raconter les circonstances particulières qui l’ont conduit à faire ce choix et ça serait différent pour chacun. Mais il y a finalement une expérience fondamentale qui nous réunit tous : ici ou dans un autre foyer, nous avons fait l’expérience d’une rencontre avec le Seigneur, dans des modalités certes propres à chacun, mais une expérience qui a cela de commun à tous : notre vie en a été bouleversée. Comme le dit la première lettre de St Jean : nous avons rencontré l’Amour et nous y avons cru !

A ce sujet, il y a dans « Evangelii Gaudium », un paragraphe que j’aime beaucoup citer parce que le pape dit, avec ses mots si percutants ce que j’essaie de dire : « L’enthousiasme dans l’évangélisation se fonde sur cette conviction : nous disposons d’un trésor de vie et d’amour qui ne peut tromper, le message qui ne peut ni manipuler ni décevoir. C’est une réponse qui se produit au plus profond de l’être humain et qui peut le soutenir et l’élever. C’est la vérité qui ne se démode pas parce qu’elle est capable de pénétrer là où rien d’autre ne peut arriver. Notre tristesse infinie ne se soigne que par un amour infini.

266. Cette conviction, toutefois, est soutenue par l’expérience personnelle, constamment renouvelée, de goûter son amitié et son message. On ne peut persévérer dans une évangélisation fervente, si on n’est pas convaincu, en vertu de sa propre expérience, qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose. Essayer de construire le monde avec son Évangile n’est pas la même chose que de le faire seulement par sa propre raison. Nous savons bien qu’avec lui la vie devient beaucoup plus pleine et qu’avec lui, il est plus facile de trouver un sens à tout. C’est pourquoi nous évangélisons. »  

Oui, c’est parce que nous avons fait cette expérience que nous avons décidé de donner notre vie pour que des retraitants, des élèves puissent la faire à leur tour et que leur vie en soit illuminée comme la nôtre l’a été et le demeure. C’est cette expérience que Saul avait fait sur le chemin de Damas et c’est pour permettre à d’autres de la faire qu’il a eu cette ardeur missionnaire qui fatiguait ses compagnons comme on a pu le voir dans la lecture avec la défection de Jean-Marc. Mais s’il a été ce missionnaire infatigable, c’est parce qu’il a expérimenté mieux que personne ce que François disait : qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons.

C’est cette même expérience qu’avaient fait les missionnaires et c’était pour permettre aux hommes du bout du monde de pouvoir la faire qu’ils ont accepté de prendre tous les risques. Eux aussi savaient, avant que François ne l’écrive, et ils ne le savaient pas intellectuellement, mais par l’expérience qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose.

C’est pour illustrer cela que j’aimerais vous lire cette belle page écrite par un missionnaire qui avait de la famille chez nous, le père Antoine FOURNIER qui a rejoint les missionnaires du Sacre Cœur et qui a été le premier étranger à aller en Papouasie. Il a donné son témoignage dans un beau livre : ma vie chez les papous.

« Souvent, en escaladant les montagnes papoues, je me répète cette petite phrase que j’ai souvent dite à mes auditeurs ébahis d’Europe. Ont-ils donc perdu la mémoire tous ces gens de là-bas (il parle donc de nous nous !)qui me demandent régulièrement : Pourquoi, mon Père aller chez ces bons papous ? Ils sont heureux comme ça ! Non, je leur réponds, un peu agacé ! Non ! Vous vous trompez, ils ne sont pas heureux comme ça ! Non, je vous l’assure, les Papous ne sont pas heureux comme ça. Ils ont toujours peur de quelque chose, peur des esprits ou de je ne sais quoi encore. En Europe, nous avons, hélas, pris l’habitude de ne voir dans l’Évangile qu’un poids inutile dont nous serions heureux de nous dégager. Et il continue en redonnant la parole à ses contradicteurs : mais enfin, Père, il y a tout de même des gens chez nous qui pensent que vous compliquez la vie des Papous en allant là-bas ajouter nos idées aux leurs. Et le père Fournier répond : c’est bien ce que je vous dis, nous avons perdu la mémoire et vivons si mal l’Évangile que nous n’avons même plus conscience de tout ce dont il nous a libérés. Je suis sûr de ce que j’avance et j’en vois bien la preuve. En effet, à mesure que je vois les vieux chrétiens de nos vieux pays s’éloigner de l’Évangile, je vois que renaissent petit à petit d’anciennes peurs que l’on pouvait croire à jamais disparues. (p. 69-70) » 

Nos vies données dans l’œuvre des Foyers, elles ont du sens, parce que, c’est vrai : avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose. Nous savons bien qu’avec lui la vie devient beaucoup plus pleine et qu’avec lui, il est plus facile de trouver un sens à tout.

Après un nécessaire temps de purification, l’enjeu sera pour nous de réfléchir, personnellement et communautairement, non seulement aux relations prêtres-laïcs dans nos communautés, mais aussi à ce que sont devenues nos vies données. Il nous faudra nous interroger pour trouver et prendre les moyens d’entretenir la flamme qui a été à l’origine de nos vocations, afin de mener une vie plus fraternelle et plus spirituelle, au bon sens du mot. C’est la condition pour que nos communautés deviennent à nouveau appelantes. Comme le disait le texte de Baruch (3,1-8) que nous avons reçu, le Seigneur nous tirera de cet Exil, mais ce que nous avons dit à propos du covid19 doit être affirmé avec au moins autant de force : il ne faut pas, qu’une fois que la tempête sera retombée, après soit comme avant. Vous savez ce que répondait mère Teresa au journaliste qui lui demandait : ma mère, que faudrait-il changer pour que ça aille mieux dans le monde, elle a répondu : vous et moi ! Alors, si nous voulons que les Foyers aillent mieux et même définitivement bien, que chacun s’interroge, d’abord personnellement : qu’est-ce que, moi, je suis prêt à changer dans ma manière d’être, dans l’organisation concrète de ma vie ? Quelle grâce personnelle de renouvellement, je veux demander et pas seulement demander, mais que je suis prêt à accueillir de manière très concrète pour que l’œuvre tout entière se trouve renouvelée ?

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    n’avez-vous pas remarqué que le dernier verset de l’Évangile de ce jour est gravé sur la pierre tombale où reposent Marthe et sa famille ?
    Quant à demain, Cher père, n’oubliez pas de déposer vos 234 bougies d’anniversaire de naissance… de notre saint curé d’Ars, Une fois installées, je viendrai les allumer afin de ne pas éteindre nos flammes respectives, celles citées dans votre homélie. Ou faudrait-il plutôt les désintaller afin de nous renouveler.

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