3° dimanche de l’Avent : La conversion de J. Baptiste … et la nôtre !

En méditant ce texte, je vous avoue que j’ai été pris d’une grande compassion à l’égard de Jean-Baptiste. Parce qu’il faut bien se rendre compte de ce qui se passe. Il a été arrêté et il sait bien que, désormais, ses jours sont comptés. Alors une question le hante : est-ce que je ne me suis pas trompé en désignant Jésus de Nazareth comme le Messie promis ? Est-ce que j’ai bien fait de laisser une partie de mes disciples le suivre, peut-être les meilleurs ? C’est tout ça qu’il y a derrière la question qu’il envoie poser à Jésus : Es-tu celui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? On sent bien que le doute est en train de l’assaillir. 

Pourquoi est-il habité par un tel doute ? Le texte nous dit qu’il a entendu parler, depuis sa prison, des œuvres que Jésus accomplissait. Et c’est justement parce que les œuvres accomplies par Jésus ne correspondent en rien à ce qu’il attendait, à ce qu’il annonçait qu’il est pris par un tel doute. 

Rappelons-nous, au début de ce même Evangile de Matthieu, nous entendions la prédication du Baptiste, il annonçait ce que le Messie allait accomplir. Je vous redonne les éléments essentiels de sa prédication : « Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Et, c’est juste après cette prédication vigoureuse que Jésus était venu se faire baptiser et qu’il y avait eu ce signe venu du ciel désignant Jésus comme le Fils bien-aimé du Père. Qu’est-ce que Jean a vu, qu’est-ce qu’il a entendu ? Nous ne le savons pas bien. En tout cas, sur le moment, il a dû être convaincu que Jésus de Nazareth était bien l’envoyé de Dieu.

Oui, mais voilà, quand on lui rapporte ce qu’il dit et ce qu’il fait, il n’y a rien qui corresponde avec ce que, lui, Jean-Baptiste annonçait ! Il annonçait un grand ménage, il annonçait que ça allait chauffer pour tous ceux qui résisteraient … et rien de tout cela qui se passe. Jésus passe son temps avec des « traines-savates », des malades, des handicapés, des pécheurs et des pécheresses clairement identifiées. Il est plus prompt à pardonner qu’à dénoncer et condamner. Alors, inévitablement, quand Jean-Baptiste se rappelle tout ce qu’il a annoncé et quand il entend ce qu’on lui rapporte de Jésus, de ce qu’il dit, de ce qu’il fait, on comprend que la question qui lui brûle les lèvres, c’est celle-là : Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? Et vous comprenez bien que, dans la situation où se trouve Jean-Baptiste, ce n’est pas une petite question de curiosité intellectuelle, c’est une question existentielle comme on aimerait le dire aujourd’hui. Avant de mourir, puisqu’il sait que sa fin est proche, il veut savoir : est-ce que je ne me suis pas trompé en misant tout sur Jésus puisque rien ne se passe comme je l’avais annoncé ? Excusez-moi d’avoir été un peu long, mais je pense qu’il faut mesurer la détresse de Jean-Baptiste au moment où il fait poser cette question.

La réponse de Jésus est d’une grande clarté. Oh, il ne fait pas de démonstration, il ne cherche même pas à avoir des paroles d’apaisement à l’égard de Jean-Baptiste. Il se contente de citer les paroles de l’Ecriture qui annonçaient ce que devait accomplir le Messie quand il viendrait. Nous connaissons bien ces versets puisque ce sont à peu près les mêmes que Jésus lira en inaugurant sa mission dans la synagogue de Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » Et vous vous rappelez qu’il avait conclu en disant : Aujourd’hui, cette Parole s’accomplit.

Mais alors, une question sérieuse se pose : pourquoi y a-t-il un tel écart entre ce que prêchait Jean-Baptiste et ce que le Messie devait accomplir selon les Ecritures et que, de fait, il a bien accompli ? Eh bien, cet écart, c’est peut-être l’indice que Jean-Baptiste prêchait ce qu’il rêvait de voir arriver. On le sait c’était un homme assez radical dans son habillement, sa nourriture, son lieu d’habitation. Etant radical, il avait imaginé un Messie radical, prêchant de manière radicale et agissant de manière radicale. Et voilà qu’au moment où sa mort se profile, il est pris d’un énorme doute : Jésus est-il le Messie puisqu’il ne correspond pas à ce que j’ai annoncé ? Dans sa réponse si sobre, c’est comme si Jésus lui renvoyait une autre question : ne penses-tu pas que tu devrais plutôt t’interroger sur toi ? Est-ce que ta prédication a toujours été conforme aux Ecritures ? Est-ce que tu n’as pas mis un peu trop de tes rêves dans tes prédications ?

Attention, je ne suis pas en train de dire que Jean-Baptiste a été quelqu’un d’affreux ou pire encore un usurpateur. Non ! Parce que dans la prédication de Jean-Baptiste, il y a eu aussi de très belles paroles, extrêmement justes. Il annonçait que Celui qui venait était plus grand que lui ; qu’il ne se contenterait pas de baptiser dans l’eau mais qu’il baptiserait dans l’Esprit-Saint ; il donnait de très bons conseils à ceux qui lui demandaient ce qu’ils devaient faire pour se convertir. Bref, sa prédication n’est pas à rejeter, loin de là. Mais il y a un tri à faire entre des paroles qui étaient inspirées, qui venaient vraiment du Seigneur et des paroles qui venaient plus de lui.

C’est à ce tri que Jésus l’invite au fond de sa prison. Et il a confiance, il sait que Jean-Baptiste est un homme droit et donc qu’il fera ce tri et qu’il comprendra parfaitement là où il a dérapé prenant ses rêves pour des promesses du Seigneur. C’est pourquoi, il n’hésite pas, tout de suite après, à faire l’éloge de Jean-Baptiste.

Ce texte que nous lisons à quelques jours de Noël nous invite aussi à nous poser de sérieuses questions : est-ce que je suis vraiment toujours à l’écoute du Seigneur ? Est-ce qu’il ne m’arrive pas de projeter sur Dieu mes désirs et de lui faire endosser la responsabilité de mes projets en laissant croire qu’ils viennent de lui ? Quand je suis déçu de Dieu, est-ce vraiment parce qu’il ne correspond pas à ce qu’il a promis d’être ou est-ce parce qu’il ne correspond pas à ce que je voudrais qu’il soit ?

Ce qui est sûr, c’est que si j’attends que Dieu vienne m’aider à réaliser ma folie des grandeurs, je vais être déçu. Si j’attends que Dieu vienne récompenser tous ceux qui sont aussi bien que moi, je vais être déçu ! Par contre, si j’ose reconnaître, comme le disait la 1° lecture, que mon cœur est souvent comme un désert que ma prière est bien trop aride, que mes mains sont défaillantes et mes genoux pas assez fermes car ils s’agenouillent souvent devant des idoles, alors, je peux me réjouir, c’est pour moi qu’il vient et ce qu’il projette de faire pour moi, est tellement mieux que tout ce que j’aurais pu imaginer ! Acceptons de reconnaître que trop souvent nous sommes présomptueux en lui dictant ce qu’il doit faire, comment il doit être, laissons-le être Dieu ! Accueillons-le tel qu’il veut être et comme il veut venir. Accueillons aussi ce qu’il veut faire comme il veut le faire. Et si nous osions enfin la confiance ?

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