« N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui ! » Ça c’est que nous avons entendu dans la 1° lecture et ça nous écorche un peu les oreilles. Je pense, que, comme moi, vous préférez entendre ce que le même St Jean dit dans l’Evangile : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. »
Alors qu’est-ce qu’on fait ? On aime le monde ou on ne l’aime pas ? En fait, la contradiction n’est qu’apparente et c’est heureux car l’Ecriture ne peut se contredire. Pour comprendre et pouvoir lire ces deux versets comme en stéréo, il faut comprendre ce que signifie le mot monde et ce que signifie aimer le monde, sachant que cette expression va revêtir un sens différent quand c’est Dieu qui aime le monde et quand ce sont les hommes qui aiment le monde
Dans l’évangile de St Jean et dans ses lettres, le mot monde revêt une signification particulière. On le comprend bien dans cette expression que Jésus va utiliser dans cette grande prière qu’il adresse à son Père avant sa passion, la prière sacerdotale dans laquelle il dit à propos de ses apôtres : ils sont dans le monde mais ils ne sont pas du monde. Pour Saint Jean, le monde, c’est le monde sans Dieu, le monde dans ses aspirations qui le tirent vers le bas.
Le pape François peut nous aider à comprendre cela. Il parle souvent de la mondanité et met en garde tous les chrétiens et spécialement les ministres ordonnés de ne pas tomber dans ce piège de la mondanité. La mondanité, pour le pape François, ce n’est pas de boire le thé en levant le petit doigt ou roucouler dans les salons dorés … c’est vrai que, pour le coup, tout ça ce n’est pas sa tasse de thé ! Quand il parle de la mondanité, il parle d’autre chose de plus sérieux et de plus grave : c’est de se laisser gagner par l’esprit du monde. Et l’extrait de la 1° lettre de St Jean que nous avons entendu donne quelques pistes non exclusives pour définir cet esprit du monde : convoitise de la chair, convoitise des yeux, arrogance de la richesse. Voilà ce dont il faut se préserver. Et, vous aurez remarqué avec l’introduction de la lecture que cette mise en garde est valable pour tous du plus jeune au plus vieux !
Alors avançons maintenant pour dépasser cette apparente contradiction entre les deux versets que je citais. Dans son Evangile, Jean nous met devant ce constat qui n’aura jamais fini de nous étonner : ce monde qui ne l’aime pas, Dieu a décidé de l’aimer et c’est pour cela qu’il a envoyé son Fils dans me monde, tel qu’il est pour le sauver. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. »
Et si ce même St Jean qui souligne à quel point Dieu a aimé le monde pour lui envoyer son Fils, met sévèrement en garde les chrétiens en les invitant à ne pas aimer le monde et ce qui est dans le monde … et c’est d’ailleurs plus qu’une mise en garde, c’est un impératif. St Jean écrit à la fin du 1° siècle, et il voit que certains chrétiens commencent à devenir mondain. Oui, ils ont revêtu le Christ, mais ils ont aussi repris leurs anciens habits. Ce triste constat donne par avance raison à Luther qui dira et je vous ai déjà partagé cette merveilleuse citation : Certes, le Baptême a noyé le vieil homme, mais le bougre, il savait nager ! »
Si on aime le monde à la manière de Dieu qui choisit de ne pas se détourner de ceux qui ne l’aiment pas et de tout mettre en œuvre pour sauver le soldat Hébert, alors aimer le monde est une belle qualité ! Mais si on aime le monde en vivant dans la mondanité, alors là il y a danger !
Le risque nous guette tous d’aimer le monde ou ce qui est dans le monde, comme des caméléons qui aiment tellement le coin de nature dans lequel ils évoluent qu’ils se fondent dans cette nature, on finit par ne plus pouvoir les distinguer !
C’est cela la mondanité contre laquelle le pape nous met en garde. Je vous cite deux extraits d’interventions du pape sur ce sujet, mais il y en aurait au moins une centaine tellement c’est un de ces sujets favoris.
« La mondanité anesthésie les âmes, fait perdre la conscience de la réalité. Avec un cœur mondain, on peut se rendre à l’église, on peut prier, mais on ne peut pas comprendre la nécessité et le besoin des autres. »
« Un chrétien ne peut pas avoir le Ciel et la terre. Quand on veut suivre à la fois Jésus et le monde, la pauvreté et la richesse, il s’agit d’un christianisme à moitié. Trois choses nous éloignent de Jésus : la richesse, la vanité, l’orgueil. Les richesses sont dangereuses parce qu’elles conduisent à la vanité et au fait de se croire important. Alors cela te monte à la tête et tu t’égares. Il est triste de voir un chrétien, qu’il soit laïc consacré, prêtre, évêque, suivre Jésus et la mondanité. C’est un contre-témoignage et ça éloigne les personnes de Jésus. »
Puisque, dans cette messe, nous invoquons le Saint Esprit sur nous, demandons-lui de nous garder de cette mondanité ! Et demandons-lui aussi de nous rendre semblable à cette femme prophète, Anne, que l’évangile met en lumière aujourd’hui. Vous avez remarqué c’est une femme qui, dans l’univers machiste du Temple, nous est donné en exemple !
Cette femme, elle avait 84 ans et elle ne disait pas qu’elle était trop vieille pour tenir encore une place dans le service du Seigneur. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas savoir décrocher, mais, quand a décroché, il reste encore une place à tenir jusqu’au bout, comme Anne qui servait Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. C’est vrai que, souvent, avec l’âge qui avance, les nuits deviennent plus courtes, plus hachées … eh bien, plutôt que de s’en plaindre, à l’image d’Anne, il faut en profiter pour assurer le service de la prière jour et nuit ! Et puis, avec l’âge, l’appétit devient moins important, la digestion peut-être plus difficile … là encore, la figure d’Anne est une invitation à vivre spirituellement ces contrariétés sans regretter le bon vieux temps où on pouvait tout manger et où tout passait ! C’est une invitation à choisir de servir le Seigneur jusque dans l’offrande de ces contrariétés.
Enfin le dernier point que je veux souligner, à propos d’Anne m’est inspiré par ces paroles : « elle parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. » Elle n’avait encore rien vu de ce qu’il allait faire, mais elle parlait de lui. Nous qui avons vu ce qu’il a fait, dans l’Evangile, tout au long de l’histoire de l’Eglise et dans nos propres histoires, pourquoi sommes-nous si timides pour parler de lui à tous ceux qui attendent d’être libérés, déliés ?
en cette Octave de Noël et de la saint Roger, n’oublions pas le Gloria ! (comprenne qui pourra)
oui, rendons grâce à Dieu de s’être fait l’un d’entre nous pour nous rejoindre et nous sauver.
rendons grâce aussi à la folie de Dieu, en nous donnant des prêtres de feu….