13 décembre : 3° dimanche de l’Avent : ajuster nos rêves au rêve de Dieu

L’histoire des relations entre Dieu et son peuple est une belle histoire, mais pas une histoire simple notamment parce qu’elle a été parsemée de malentendus. Tous les couples traversent ces moments douloureux où les époux qui continuent de s’aimer malgré tout ne se comprennent plus. En faisant alliance avec les hommes, puisque le mot alliance évoque le mariage, on peut dire que Dieu a décidé de former un couple avec les hommes. Dans un couple, quand on traverse ces moments d’incompréhension, les torts sont partagés, chacun a sa part de responsabilité. Mais, évidemment, dans le couple de Dieu et des hommes, puisque Dieu est sans péché, quand on cherche à comprendre d’où viennent les problèmes, c’est du côté des hommes qu’il faut chercher. 

L’une des raisons qui explique, habituellement, ces tensions, c’est que les hommes sont déçus de Dieu, déçus parce qu’ils ne le comprennent plus. Et parfois cette déception va s’exprimer de manière douloureuse et impitoyable. Peut-être, connaissez-vous cette plainte de Jérémie à l’égard de Dieu dont il ne comprend plus la manière d’agir. Il ose lui dire : « Au début, quand je rencontrais tes paroles, je les dévorais ; elles faisaient ma joie, les délices de mon cœur. Mais, aujourd’hui, pourquoi ma souffrance est-elle sans fin, ma blessure, incurable, refusant la guérison ? Serais-tu pour moi un mirage, comme un ruisseau aux eaux trompeuses ? » (Jr 15,18) Oui, quand les hommes ne comprennent plus pourquoi Dieu agit de telle et telle manière, ils se mettent tout de suite à l’accuser de ne plus être ce partenaire fiable qu’il avait pourtant promis d’être. D’où ces paroles terribles de Jérémie : tu es devenu comme un ruisseau aux eaux trompeuses ! Un peu plus loin, il se demandera même s’il n’est pas fait avoir par Dieu en acceptant la mission qu’il lui avait confiée ! (Jér 20,7) 

Mais, est-ce Dieu qui, subitement, ne serait plus fiable ? Evidemment, non ! En fait, ce sont les hommes qui avaient des projets et qui comptaient sur Dieu pour les mettre en œuvre et quand ils découvrent que leurs projets s’écroulent, ils en font porter la responsabilité à Dieu. A aucun moment, ils ne s’interrogent pour savoir si leurs projets étaient accordés aux projets de Dieu, or comment Dieu pourrait-il cautionner et s’engager dans le soutien d’un projet qui ne correspond pas du tout à ses vues ? C’est sur ce point qu’il conviendrait de s’interroger avant d’accuser Dieu d’être responsable des difficultés que nous vivons, avant de l’interroger avec déception pour savoir s’il ne nous aurait pas abandonnés lâchement ?

Avant d’aller plus loin pour voir comment ce questionnement est au cœur des lectures que nous avons entendues, j’espère que vous comprenez que ces questions peuvent être nos questions dans les moments d’épreuves que nous pouvons traverser. Nous aussi, parfois, quand nous traversons des épreuves, il peut nous arriver de penser que Dieu n’est plus avec nous. Il peut nous arriver de faire le même constat douloureux que Jérémie : il fut un temps où je dévorais tes Paroles, Seigneur, où elles faisaient mes délices, où j’aimais tant ta compagnie et voilà que maintenant je finis par m’interroger en constatant que je ne m’en sors plus : est-ce que j’ai bien fait de t’accorder toute ma confiance en cherchant à te mettre à la 1° place dans ma vie ?

C’est la 1° lecture qui m’a inspiré toutes ces réflexions. Isaïe dit : « Le Seigneur m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. » Mais qui sont ces personnes auprès de qui Isaïe est envoyé, lui que le Seigneur revêt de l’onction de son Esprit pour parler à ceux qui ont le cœur brisé, qui sont captifs et qui ont tellement besoin d’entendre que Dieu est prêt à accorder ses bienfaits ? Qui sont ces personnes en si grande difficulté ?

Eh bien, ce sont ceux qui sont revenus d’Exil. Vous le savez, une partie du peuple a connu cette douloureuse expérience d’être emmené en déportation, loin de leur pays, chez des païens. Et ça a duré plus de 50 ans. En Exil, ils rêvaient du retour au pays, ils rêvaient de retrouver le Temple et ses grandes liturgies, ils rêvaient de retrouver leurs maisons et leurs familles. Mais voilà, quand ils reviennent, le Temple n’existe plus, il a été détruit. Leurs maisons, souvent elles sont habitées par ceux qui sont venus occuper leur pays. En effet, si eux sont partis, les assyriens qui les ont déportés, eux, ils sont venus pour prendre possession de ce pays et ils l’occupent désormais. On trouve même des occupants païens qui se sont même mariés avec certaines femmes qui avaient pu rester au pays et qui commencent à vivre comme leurs païens de maris. Vous le comprenez facilement, le retour ne correspond pas du tout au rêve espéré, ce sont plutôt des années de galère qui vont s’enchainer. 

Du coup, le mécanisme classique que je décrivais se met en route : ceux qui sont revenus d’Exil en viennent à se demander si Dieu ne les a pas abandonnés. Ils rêvaient d’un retour glorieux et rien de tout cela, ils rêvaient de leur pays qui retrouve sa puissance et rien de tout cela. Il ne leur faut pas très longtemps pour en tirer la conclusion qui s’impose : c’est sûr, Dieu nous a abandonnés ! A aucun moment, ils ne s’interrogent pour savoir si leurs rêves étaient ajustés au grand rêve de Dieu. Eux, ils rêvaient de puissance, ils rêvaient de gloire, ils rêvaient d’être considérés comme les meilleurs, les plus grands, mais ces rêves ne sont jamais les rêves que Dieu fait pour les hommes. En effet, Dieu sait que la puissance, la gloire et même un certain type de réussite sont des cadeaux empoisonnés pour les hommes. Parce que, lorsque les hommes deviennent puissants, ils veulent toujours plus de gloire et sont prêts à tout pour cela, prêts à écraser leurs frères et, au final, ça les conduit toujours à oublier Dieu et même à se prendre pour Dieu, mais comme ils ne sont pas Dieu, ils font n’importe quoi. Alors, c’est sûr que Dieu ne va jamais soutenir ces rêves de puissance et de gloire.

Alors, dans la 2° partie de la lecture, Isaïe dévoilait quel était le rêve de Dieu, comme pour supplier les hommes d’abandonner leurs rêves destructeurs pour s’ajuster à ce merveilleux rêve de Dieu. « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a vêtue des vêtements du salut, il m’a couverte du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux. » Ce qui mobilise Dieu, ce n’est pas de redonner de la puissance à son peuple qui a tout perdu, le rêve de Dieu, c’est de s’occuper du cœur de chacun, de travailler le cœur de chaque membre du Peuple pour qu’il puisse être revêtu du Salut. Chacun deviendra, ainsi, un époux, une épouse pour le Seigneur qui comblera son cœur des plus belles parures, des plus belles richesses, c’est-à-dire qu’il donnera à chacun un cœur qui soit accordé au sien, un cœur comblé d’amour qui ne rêve plus de folies égoïstes et prétentieuses, mais qui rêve de justice pour tous.

A travers tout cela, on comprend déjà que la manière dont Dieu va venir au milieu de son peuple, la manière dont le Messie va venir pour accomplir les promesses de Dieu va être bien différente de tout ce dont le peuple rêvait. Finalement, c’est Noël qui est déjà annoncé et Isaïe prépare les cœurs pour accueillir Celui qui va venir de manière si déconcertante, tellement déconcertante que personne ne le reconnaitra. 

Comment imaginer que le Fils du Dieu Tout-Puissant puisse naître dans le dénuement de la crèche ? C’est sûr que ceux qui attendaient un Messie puissant, libérateur de son peuple et restaurant la gloire de son pays n’y comprendront rien. D’autant plus que, par la suite, toute la vie de Jésus sera conforme à l’humilité avec laquelle il est venu au monde, il fréquentera en priorité les petits et les pauvres, les blessés de la vie. Oui, il accomplira bien la promesse de Dieu qui voulait revêtir le cœur de chacun de ses enfants des plus belles parures de l’amour. Il accomplira les promesses de Dieu mais ne réalisera pas les rêves des hommes dont certains seront tellement déçus qu’ils décideront de le supprimer en l’accusant d’être un imposteur.

Tout cela nous invite à sans cesse à examiner quels sont nos rêves pour voir s’ils correspondent vraiment, s’ils sont vraiment ajustés au rêve de d’amour de Dieu. Est-ce que ce dont je rêve me fera grandir en amour et me permettra de faire grandir les autres dans l’amour ? Et si mes rêves ne se réalisent pas, inutile d’accuser Dieu de m’avoir abandonné ! C’est pour mon bien, c’est par amour que Dieu ne met pas sa puissance au service de la réalisation de mes rêves. Voilà la grande conversion à laquelle nous sommes invités : réévaluer chacun de mes rêves en les confrontant au grand rêve de Dieu. Ça exigera pas mal de renoncements, mais l’enjeu est grand parce que c’est la condition pour ne pas devenir aigris en allant de déception en déception, c’est la condition pour entrer dans la grande joie proposée en ce dimanche.

C’est aussi ce que suggère l’Evangile qui nous présente Jean-Baptiste disant « non » aux rêves des hommes qui voudraient lui faire remplir un rôle qu’il n’est pas venu remplir. « Je ne suis pas le Christ, je ne suis pas Elie, je ne suis pas Le prophète. » Jean-Baptiste aurait pu profiter de l’engouement qu’il avait suscité pour prendre la tête d’un mouvement de libération, mais il savait que ce n’était pas ainsi qu’il accomplirait la mission que le Seigneur lui avait confiée, ce n’est pas ainsi qu’il préparerait le chemin à Celui qui venait pour que le grand rêve d’amour de Dieu puisse commencer à se réaliser. Alors, il dit non, et accepte avec beaucoup d’humilité de n’être que le porte-voix de Jésus qui, lui dira la Parole de Dieu et même mieux, sera la Parole de Dieu qui, permettra au grand rêve de Dieu de trouver sa réalisation dans le cœur de ceux qui l’accueilleront. Il dit tout de suite avec quelle humilité, il veut accomplir cette mission, reconnaissant qu’il n’est même pas digne de dénouer la sandale de Celui qui viendra accomplir le rêve de Dieu.

Accepter de réviser nos rêves, de renoncer à tous ceux qui ne sont pas conformes au rêve de Dieu, c’est finalement répondre à l’appel de St Paul qui nous disait dans la 2° lecture : « discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien, gardez-le ; éloignez-vous de toute espèce de mal. » Si nous entrons dans cette disposition, nous connaitrons la vraie joie, cette joie à laquelle Paul nous invitait au début de cette 2° lecture, cette joie à laquelle nous invite l’Eglise en ce dimanche dit « dimanche du Gaudete » en latin, « dimanche de la joie » en français et Diberr u baneh en wolof, enfin, j’espère que vous avez compris avec ma prononciation !

Cet article a 3 commentaires

  1. Wilhelm Richard

    Alors que l’homme est f AI ble , Dieu reste f IA ble.

    Par ailleurs, pouvez-vous me répéter ce que vous venez de nous dire en wolof ? Je n’ai pas bien compris.

  2. Adéline

    Amen !!!

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