Je le redis pour ceux qui n’étaient pas là au début de la messe, aujourd’hui, dans mon diocèse, le diocèse de Belley-Ars, c’est une grande fête, puisque nous fêtons le « dies natalis », c’est-à-dire l’entrée au ciel de Jean-Marie Vianney, le St Curé d’Ars. Les règles de la liturgie sont dures ! En effet, puisque cette fête tombe un dimanche, en dehors d’Ars, on doit célébrer le 18° dimanche du temps ordinaire et non pas la fête du St Curé d’Ars. Alors vous imaginez ma frustration : pour ma première année au sanctuaire, moi qui ai été ordonné prêtre à Ars il y a 40 ans, je ne peux pas fêter le St Curé d’Ars ! Vous connaissez l’adage latin : « dura lex sed lex » la loi est dure, mais c’est la loi ! Oui, la loi est dure, mais Dieu est bon et la Providence veille ! Je ne peux pas fêter le curé d’Ars, mais je peux parler de lui, car, ce dimanche, nous poursuivons la lecture du discours sur le pain de vie, au chapitre 6 de St Jean, ce discours étant la grande catéchèse eucharistique de Jésus. Et ça tombe très bien car le curé d’Ars avait deux sujets de prédilection dans ses homélies, dans ses catéchèses : la miséricorde du Seigneur et l’Eucharistie.
Pour ceux qui étaient présents la semaine dernière, je n’oublie pas que j’avais terminé mon homélie en vous laissant sur un suspense insoutenable ! Toute la semaine vous avez dû attendre avec impatience qu’on arrive à ce dimanche pour avoir la réponse à la question que je posais : comment puiser dans le cœur du Seigneur ? En évoquant la surabondance du miracle de la multiplication des pains, je parlais de l’Eucharistie comme le don extraordinaire que le Seigneur nous faisait pour nous permettre de puiser dans son cœur l’amour que nous n’avions pas suffisamment en réserve dans nos cœurs. Très bien, mais comment puiser dans le cœur du Seigneur ? Peut-être le curé d’Ars nous donnera-t-il la réponse et si ce n’est pas le cas, vous reviendrez encore la semaine prochaine !
Le curé d’Ars est né 3 ans avant la Révolution française, cette période extrêmement troublée pour l’Eglise. Vous le savez, les prêtres, s’ils voulaient continuer à exercer leur ministère, devaient prêter un serment de fidélité à l’idéal révolutionnaire qui, bien plus que l’Evangile, devait devenir la boussole qui guide tous les choix de vie. La moitié des prêtres prêtera serment, souvent parce qu’ils n’auront pas compris les enjeux ; le clergé était tellement mal formé à l’époque qu’ils n’avaient souvent pas les moyens intellectuels suffisants pour faire des choix éclairés. L’autre moitié refusera de prêter serment ; pour les distinguer des prêtres jureurs, on les appellera les prêtres réfractaires. Parmi ces prêtres réfractaires, beaucoup ont été très courageux, entrant en clandestinité pour continuer leur ministère de manière très cachée. En effet, s’ils étaient pris, ils étaient guillotinés ou, pire encore, conduits aux pontons de Rochefort, ces 3 prisons flottantes dans lesquelles on les a fait mourir à petit feu après des sévices épouvantables.
Je vous raconte tout cela car le petit Jean-Marie Vianney, à l’âge de 11 ans, a bénéficié du ministère de l’un de ces prêtres réfractaires qui acceptera de risquer sa vie pour lui permettre de recevoir, à domicile, pour la 1° fois le sacrement du pardon et, deux ans plus tard, l’Eucharistie. Cette expérience sera décisive pour lui, il comprendra que les sacrements sont des trésors tellement précieux qu’un prêtre a accepté de risquer sa vie pour les lui faire partager. Pour lui, c’était évident, il ne pouvait pas plus rendre service à l’humanité qu’en donnant sa vie pour permettre aux hommes, ses frères, de recevoir les sacrements, trésors si précieux. Du coup, quand il parlera, principalement, du sacrement du pardon et de l’Eucharistie, il aura des étoiles dans les yeux.
Mais, aujourd’hui, en résonnance avec les lectures, je me concentre sur l’Eucharistie. Il croyait fermement en cette parole de Jésus entendue dans l’Evangile : le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. Autrement dit l’Eucharistie, c’est le don du Seigneur qui donne la vie au monde. Oui, ça, le curé d’Ars en était persuadé et il a cherché à en persuader ceux qui lui étaient confiés. Il le fera de mille manières différentes que je ne peux pas toutes évoquer dans le cadre de cette homélie, j’en cite, rapidement, l’une ou l’autre.
C’est d’abord l’invitation à venir fréquemment recevoir l’Eucharistie. A cette époque les gens allaient à la messe en ne communiant qu’une fois l’an, pour Pâques. On faisait « ses Pâques ». C’est le pape Pie X en 1905 qui, par un décret, encouragera officiellement la communion fréquente. Le curé d’Ars l’avait largement devancé ! Il ne voyait pas comment on pourrait se passer d’un tel trésor de vie !
Pour aider ses paroissiens, puis les pèlerins qui se presseront à Ars, il avait compris que l’exemple qu’il pourrait donner serait bien plus décisif que ses prédications. Alors, bien avant que le jour ne se lève, il était déjà en prière dans son église, à genoux devant le Saint-Sacrement et il y restait des heures, au moins au début où il n’était pas sur chargé. En le voyant, en voyant ses yeux illuminés, les gens diront : il faut qu’il y trouve bien du bonheur pour passer autant de temps !
Dans ses prédications, il ne sera pas en reste ! Il pouvait prêcher longuement sur l’Eucharistie, la présence réelle de Jésus dans l’hostie, en n’utilisant que 3 mots et un geste ! Le doigt pointé vers le tabernacle, il répétait sur tous les tons : IL EST LÀ ! Et il le disait avec une telle conviction que les gens ne pouvaient qu’y croire ! Jésus avait tellement raison de dire : Moi, je suis le pain de la vie et de rajouter : Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif, ils y croyaient car leur curé leur en avait donné le témoignage.
Un jour, d’ailleurs, à la messe au moment de l’élévation de l’hostie, il la gardera élevée si longtemps que son sacristain à la fin de la messe lui demandera ce qui lui est arrivé. Le curé d’Ars lui a répondu : « je disais à Notre Seigneur, si un jour je devais savoir que j’allais être séparé de vous, maintenant que je vous tiens, je ne vous lâcherai plus ! » Pour renforcer notre foi eucharistique, voilà une belle parole que nous pouvons dire, nous aussi, au moment de communier.
Enfin je termine parce qu’il faut bien terminer même si je pourrais parler encore longtemps du sujet ! Il voyait, parmi ses paroissiens, des gens qui n’osaient encore pas aller recevoir fréquemment l’Eucharistie et quand il leur demandait pourquoi, ces derniers lui répondaient : parce que nous n’en sommes pas dignes. Alors, le curé d’Ars leur disait : c’est vrai que vous n’en êtes pas dignes, mais vous en avez besoin ! Quelle belle parole de vérité ! Et il rajoutait : Ne dites pas que vous êtes trop pécheurs et que vous avez trop de misères et que c’est pour cela que vous n’osez pas en approcher. J’aimerais autant vous entendre dire que vous êtes trop malades et que c’est pour cela que vous ne voulez pas de remède, que vous ne voulez pas appeler le médecin. » Quel bon sens témoignant d’une foi si profonde ! Oui, le médecin dont nous avons besoin, c’est Jésus et le meilleur des médicaments, c’est l’Eucharistie, mais un médicament ne peut jamais faire du bien si on ne le prend pas ! Alors venez communier ou au moins recevoir la bénédiction au moment de la communion.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet et du Saint Curé d’Ars demandons, en ce jour, que notre foi en la puissance de l’Eucharistie soit renouvelée.