7 novembre : 1° homélie au Sénégal ! Je peux TOUT … en celui qui me rend fort.

« J’ai appris à me contenter de ce que j’ai. Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. » On peut dire que Paul est un homme qui sait s’adapter. Ça serait vraiment bien si nous pouvions, tous et toujours dire la même chose que lui : « J’ai été formé à tout et pour tout ! »

Mais ce qui est le plus intéressant dans ce passage de la lettre aux Philippiens, c’est que Paul nous partage son secret, il nous explique comment nous pouvons, nous aussi, acquérir cette capacité d’adaptation. Et ce secret, il nous le partage dans le verset qui suit celui que je viens de lire : « Je peux tout en Celui qui me donne la force. » Si Paul est capable de s’adapter à toutes les situations, ce n’est pas en raison d’un tempérament qui lui permettrait de se retrouver à l’aise partout et dans toutes les circonstances. Non, ce n’est pas ça et tant mieux car si tel était le cas, ça voudrait dire que certains tempéraments auraient plus de mal à s’adapter que d’autres. Mais Paul nous dit que cette capacité lui est donnée par le Seigneur, c’est lui, le Seigneur, qui le rend fort et c’est ainsi qu’il devient capable de tout. 

Et surtout n’allons pas penser que ce sont des paroles pieuses. En tout cas, moi, je sais que c’est vrai et j’en ai eu une magnifique confirmation. En avril 1990, j’ai eu la chance de faire un voyage en Afrique du Sud avec le « Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement » qui s’appelle maintenant « Terre Solidaire. » C’était ce qu’on appelle un voyage d’immersion, c’est-à-dire qu’on ne va pas dans un pays pour faire du tourisme mais pour découvrir la situation que vit ce pays par la rencontre des habitants, des associations soutenues. Avril 1990, c’était 1 mois ½ après la libération de Nelson Mandela. Un immense espoir s’était levé dans le pays mais l’apartheid était toujours la règle.

Nous avons pu visiter plusieurs townships, ces villes noires à l’écart des villes blanches dont beaucoup ressemblaient plus à des bidonvilles qu’à des villes. Et nous avons même passé une nuit dans l’un de ces townships. Je passe sur les détails, il y aurait beaucoup à raconter pour expliquer comment cette famille qui m’accueillait s’était organisée pour assurer ma sécurité car normalement les blancs n’avaient pas le droit de rentrer dans ces townships … et de toutes façons, aucun blanc n’aurait accepté de s’y risquer sans être accompagné. La population noire avait tellement souffert des injustices perpétrées par les blancs que, les jeunes notamment, n’auraient pas supporté de croiser un blanc sans lui faire payer une partie de la note. Le père de famille était resté éveillé toute la nuit, assis sur une chaise, barrant la porte d’entrée avec son fusil pour que je sois en sécurité.

Le lendemain matin, il m’a promené dans le quartier avec son pick-up, il était tellement fier d’avoir pu accueillir un blanc « pas comme les autres blancs » et qui, en plus était prêtre. Il m’a fait rencontrer ses amis, mais hélas, moi, je ne parle pas anglais, je ne pouvais donc pas comprendre ce qu’ils me partageaient. A la tête qu’ils faisaient et à leur intonation, je comprenais qu’il y avait beaucoup de souffrance. Un vieil homme qui avait beaucoup parlé est allé chez lui, il habitait juste à côté et il est allé me chercher un petit cadre sur lequel une parole de l’Ecriture était brodée et il m’a offert ce cadre. Quel cadeau !

Même si je ne comprenais pas ce qui était écrit, je comprenais que ce cadre avec la Parole qu’elle contenait comptait beaucoup pour lui et il me l’offrait. Cadeau somptueux !

En revenant à la maison religieuse où nous logions, j’ai pris ma bible pour lire cette Parole, j’ai reconnu la référence et, vous l’avez deviné, la référence, c’était Philippiens 4,13 : « Je peux tout en Celui qui me donne la force. » Je n’avais pas compris ce qu’il m’avait expliqué, mais depuis plusieurs jours, nous entendions des récits de personnes qui avaient tellement souffert de l’apartheid et de ses conséquences et là, nous avions un interprète que je n’ai pas eu de mal à imaginer ce qu’avait représenté cette Parole pour ce vieil homme et comment elle avait été un phare dans sa vie. Oh, c’est sûr qu’il aurait aimé que les choses se passent autrement, qu’il n’ait jamais, ni lui, ni sa famille, ni son peuple à subir ce qu’ils avaient subi, mais au cœur de la tourmente, il y avait cette certitude de foi qui l’animait : je peux compter sur le Seigneur qui ne me laissera jamais tomber quoiqu’il arrive, je peux tout en celui qui me rend fort !

Ce cadre, vous vous en doutez, était devenu extrêmement précieux pour moi, un peu comme une relique. Et, un jour, un homme est venu me voir, découragé par toutes les épreuves qui s’abattaient sur lui et sa famille, il était tellement abattu qu’il est venu en m’expliquant qu’il allait se suicider mais qu’avant de passer à l’acte, il voulait rencontrer un prêtre. Je l’ai longuement écouté, j’étais bien impuissant devant ce déferlement de problèmes causant tant de souffrances. C’est alors que je me suis rappelé mon cadre, je suis allé le chercher et je le lui ai offert en lui expliquant toute son histoire. Je crois qu’il a compris la valeur du cadeau, je lui ai juste demandé de le transmettre, à son tour, un jour, à quelqu’un qui serait aussi découragé que lui.

Saint-Esprit, viens graver cette parole dans nos cœurs pour qu’en toute circonstance, nous puissions nous appuyer sur elle : « je peux tout en Celui qui me rend fort. »

Quant à l’Evangile, je n’en dis qu’un mot. Nous continuons la lecture des paroles de Jésus à propos de l’argent, hier, nous en avions déjà quelques-unes. Entendons bien ce que Jésus dit et comment il le dit : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Il ne dit pas que ce n’est pas convenable d’être attiré par l’argent quand on est chrétien, il dit que ce n’est pas possible de servir deux maîtres. C’est vrai avec l’argent, c’est vrai aussi avec tant d’autres réalités qui peuvent devenir tyranniques et nous détourner du Seigneur, sans que nous ne nous en rendions vraiment compte. A chacun de nous de s’examiner pour voir en quels domaines, il peut y avoir des risques pour lui, pour elle. Tout au long de notre vie, le Seigneur nous invite à passer de dépouillement en dépouillement pas pour nous faire souffrir mais pour nous aider à acquérir la vraie liberté. Et, si à certains moments, ce qui nous est demandé nous semble trop difficile, si nous avons l’impression que, là, vraiment, le Seigneur nous en demande trop, rappelons-nous cette parole de Paul : « Je peux tout en Celui qui me rend fort ! » 

Cet article a 4 commentaires

  1. Adéline

    « le Seigneur nous invite à passer de dépouillement en dépouillement pas pour nous faire souffrir mais pour nous aider à acquérir la vraie liberté » !

    Récit bouleversant… C’est « n’égalé » !!!

    Merci P. Hébert !

    Bonne installation !

  2. wilhelm richard

    mais que vous arrive t-il ? un coup de chaud ? attention aux coups de froid avec vos homélies !!!

    Pour votre première homélie africaine, nous pourrions la résumer par :
    « de mandela et vous l’aurez cette force que Dieu veut vous transmettre !!! »

    1. Père Roger Hébert

      Oh Richard quel bon jeu de mots !

  3. Christine

    Oui quelle joie que ces Paroles des Saintes Écritures pour nous encourager même à distance… Depuis un autre continent… Mais nous continuons de bénéficier de vos enseignements pleins d’espérance et d’encouragement à suivre le Christ jusqu’au bout.
    Merci P. Roger et Bonne Mission !

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