4 mai : nous sommes nés à Césarée !

Ceux qui ont composé le lectionnaire ont fait le choix de ne pas nous faire entendre le récit de la rencontre entre Pierre et le centurion Corneille, tel que Luc le raconte dans le chapitre 10 des Actes, mais de nous faire entendre plutôt le témoignage que Pierre va donner, à son retour, devant la communauté de Jérusalem. Ce que nous avons entendu dans la 1° lecture, ce ne sont donc pas directement les faits, mais la manière dont Pierre, le premier protagoniste de cette étonnante histoire, a vécu cette rencontre. Je voudrais faire deux remarques avant d’entrer dans le commentaire du témoignage que Pierre a donné.

1/ Quand j’accompagnais des pèlerinages en Terre Sainte, j’aimais beaucoup ce moment que nous passions à Césarée, regrettant toujours que les guides nous fassent passer beaucoup trop de temps dans les fouilles archéologiques ! Je ne dis pas qu’elles ne sont pas intéressantes, mais, à Césarée, nous avons à mieux à faire que de nous attarder sur des vieilles pierres ! Vous vous rappelez ce que je vous ai raconté en parlant de St Pierre Chanel, le jour de sa fête, je vous avais dit que, lorsque nous les avions accueillis pour les JMJ, à Cuet, la terre natale de Pierre Chanel, en descendant du car, ils avaient dit : C’est ici que nous sommes nés ! Eh bien en m’inspirant de leurs paroles, c’est ce que je dis toujours à Césarée : C’est ici que nous sommes nés parce que c’est ici qu’a eu lieu cette rencontre entre Pierre et Corneille qui marquera une étape si décisive dans l’histoire de l’Eglise. C’est pour cela que je trouve qu’on a mieux à faire à Césarée que de regarder des vieilles pierres, des pierres, il y en a suffisamment dans d’autres lieux, à Césarée, il faut avoir le temps de se poser pour réaliser ce que ça veut dire que nous sommes nés ici et pouvoir rendre grâce.

Je pense que vous comprenez pourquoi je dis que nous sommes nés ici. C’est parce que c’est ici que l’Eglise a ouvert ses portes aux païens et je pense que vous avez conscience d’appartenir au peuple des païens. Dans la Bible, les païens, ce ne sont pas ceux qui ne croient pas, à l’époque de la Bible, l’athéisme n’existe pas, il y a plutôt un trop plein de dieux ! A l’époque de la Bible, les païens, ce sont ceux qui ne sont pas juifs, nous sommes donc des païens et c’est à Césarée que le premier païen, Corneille a été baptisé. C’est à Césarée que, pour la première fois, les portes de l’Eglise se sont ouvertes pour les païens que nous sommes. En ce jour, où il nous est donné d’entendre ce récit, nous pouvons vraiment rendre grâce, en reprenant les mots de Paul dans la lettre aux Ephésiens parce que « les païens sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. »

2/ Le problème c’est que cette ouverture n’a pas fait que des heureux ! Si nous avons pu lire ce magnifique témoignage de Pierre, c’est qu’il a été sommé, par les croyants de Jérusalem, de s’expliquer. C’est ce qui nous était dit dans l’introduction : « lorsque Pierre fut de retour à Jérusalem, ceux qui étaient juifs d’origine le prirent à partie. » C’est terrible de voir comment les croyants installés ont des difficultés à se réjouir ! Regardez le fils ainé de la parabole, il représente les pharisiens bien installés dans cette certitude que leur foi leur donne des privilèges inaccessibles aux autres, eh bien, il ne peut se réjouir du retour de son frère, de l’ouverture du cœur du Père. Et ça a continué dans toute l’histoire de l’Eglise et ça continue encore ! Quel drame que cette difficulté chez certains à se réjouir des ouvertures précisément à cause de leurs étroitesses. Cette ouverture, il est important qu’elle été opérée, non par Paul, mais par Pierre et Jean-Paul II, en son temps avait dit qu’il ne pouvait en être autrement puisque c’est Pierre qui a reçu de la part de Jésus, le pouvoir des clés. Mais Jean-Paul II avait tenu à préciser que s’il avait reçu ce pouvoir des clés, c’était précisément pour ouvrir et non pour fermer !

Je voudrais maintenant commenter le témoignage de Pierre en essayant d’en faire ressortir l’actualité. C’est trop clair, quand Pierre témoigne, c’est pour dire que, finalement, ce n’est pas lui qui a pris cette décision de l’ouverture de l’Eglise aux païens. Il va montrer aux chrétiens de Jérusalem qu’il n’a rien cherché, rien pensé à l’avance, il a toujours été précédé par le Seigneur et que, lui, il n’avait qu’à se rendre disponible pour mettre en musique la partition que le Seigneur avait écrit. J’en tire une conclusion, c’est que, pour les grandes décisions qui engagent l’avenir de l’Eglise, il ne faut pas devancer le Seigneur mais le suivre !

On en a eu un bel exemple avec le Synode sur l’Amazonie. On a senti une effervescence autour de la question de la loi du célibat sacerdotal qui pourrait être remise en question dans certaines situations. On a bien vu que des groupes de pression se sont constitués et que ça a fini par donner ce livre malheureux du cardinal Sarah utilisant le pape émérite. Tout ça pour rien puisque le pape n’a pas retenu cette proposition, pas à cause du livre, mais il a expliqué, et c’est très beau, qu’au cours des débats sur cette question, il n’avait pas senti la présence de l’Esprit-Saint. D’un côté, comme de l’autre, il voyait des groupes de pression, des cardinaux ou experts qui parlaient haut et fort, mais trop à partir d’eux-mêmes. Faisons confiance au Seigneur, ce qu’il a fait hier à Césarée, il le refait à chaque fois que c’est nécessaire, le concile Vatican II en a été un exemple, et comme l’Eglise lui est infiniment précieuse, il le refera encore quand il le jugera opportun, sur les sujets qui lui paraitront décisifs. Evidemment, il ne s’agit pas de penser qu’il fera tout, non, il agira comme à Césarée, écrivant la partition et laissant le soin aux responsables de la mettre en musique et aux chrétiens de l’interpréter.

Il nous faut vraiment demander au Seigneur la grâce de sortir d’un fonctionnement idéologique … et ce n’est jamais facile. Le fonctionnement idéologique, il a cette caractéristique : j’ai une conviction et tout ce que je vais faire et dire sera en conséquence de cette conviction, jusque-là, il n’y a pas trop de problème, mais les problèmes vont commencer quand la réalité va résister à mes convictions. Ce qui se passe ne correspond plus à ce que je crois, ce que je veux. Comme, je ne veux pas changer, je vais nier la réalité ou la réinterpréter pour qu’elle rentre dans mes cases. C’est ce qui s’est passé dans les pays de l’Est par exemple, on avait tout planifié et tout devait changer, mais ça ne changeait pas, comme les dirigeants ne voulaient pas se remettre en cause et changer leurs analyses, ils ont durci leurs positions, augmenter les pouvoirs de l’armée et de la police pour faire appliquer plus rudement le programme. Et un jour tout s’est écroulé parce que la réalité est plus forte que n’importe quelle idéologie.

Nous ne devons pas passer notre temps à nous battre tradis contre progressistes, c’est-à-dire idéologues contre idéologues, nous devons tous nous rendre plus dociles au Saint Esprit, plus soucieux de lire et d’interpréter, en Eglise, les signes des temps. C’est vraiment la grâce à demander pour l’Eglise, pour les Foyers.

Enfin je termine en disant que cette belle page des Actes a marqué le début de l’accomplissement du désir de Jésus : « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. » Césarée, c’est le début de l’accomplissement du désir de Jésus, l’histoire des missions a continué, n’arrêtons surtout pas !

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