22 novembre : mardi 34° semaine ordinaire. Le Fils de l’Homme est annoncé, signe que ça va barder … mais comme Dieu seul sait le faire !

Aujourd’hui, c’est sur la figure du Fils de l’Homme que j’aimerais m’arrêter puisque la lecture d’aujourd’hui la mettait en scène. J’ai vu, dit St Jean, une nuée blanche, et sur cette nuée, quelqu’un siégeait, qui semblait un Fils d’homme. Et quand nous aurons mieux compris qui est ce Fils d’Homme et pourquoi on l’appelle ainsi, nous regarderons de plus près ce qu’il fait, ces moissons et ces vendanges dont il est question.

Le premier point qu’il nous faut peut-être noter, c’est que ce Fils d’Homme ou Fils de l’Homme, on va voir que c’est équivalent, il est seul face aux forces adverses, comme l’Agneau d’ailleurs. Ils peuvent être entourés d’une foule, les 24 vivants, les 144000, mais ils restent seuls pour mener le combat face aux deux bêtes et au dragon. Il y a manifestement une disproportion dans les forces en présence. Et cela devait beaucoup parler aux auditeurs de St Jean, ces chrétiens persécutés qui souffraient chaque jour d’être si faibles face à cet Empire, en apparence, tout-puissant qui avait décidé de les broyer. A ce sujet, la vision qui est donnée à St Jean est claire : oui, il y a une disproportion des forces en présence, mais, de manière étonnante, la victoire ne reviendra pas aux plus nombreux, aux plus forts, même s’ils ont un réel pouvoir de nuisance.

Le 2° point que je veux développer concerne l’origine de cette expression Fils de l’Homme. Je l’ai déjà évoqué une fois ou l’autre, notamment pour expliquer la 1° Bête qui ressemble à un animal très bizarre, bien des images de l’Apocalypse trouvent leur source dans le livre de Daniel. Et ce n’est pas étonnant du tout puisque ce livre est un chef d’œuvre de la littérature apocalyptique. Il me faut donc dire quelques mots de ce livre, ce qui nous permettra de comprendre l’importance de cette mention du Fils de l’homme. J’espère ne pas être trop compliqué !

Le livre de Daniel semble écrit à l’époque de Nabuchodonosor, c’est-à-dire l’époque de l’Exil. Mais en fait, il n’en est rien, il a été écrit à l’époque d’Antiochus Epiphane, celui qui a voulu mater les juifs en supprimant leur religion et qui, pour cela, les a oligés à manger du porc et à supporter la présence de la statue de Zeus dans le Temple. Pourquoi ce procédé ? Pourquoi le livre de Daniel parle-t-il de Nabuchodonosor, alors qu’en fait, il veut parler d’Antiochus Epiphane ? Eh bien, pour d’évidentes raisons de sécurité ! Si Daniel avait osé affronter directement Antiochus Epiphane, il aurait été supprimé et le sort de ses frères juifs aurait été encore plus difficile. Alors, il parle d’un temps ancien, ce qui le rend inattaquable aux yeux des autorités, mais ses frères juifs, grâce au langage codé qu’ils sont seuls à pouvoir décrypter, eux, ils comprennent très bien que Daniel parle de leur temps et de leur lutte contre le tyran du moment.

C’est dans ce contexte que Daniel reçoit la vision d’un Fils d’Homme ou du Fils de l’Homme qui vient pour rendre justice au nom de Dieu. En annonçant la fin de Nabuchodonosor, c’est donc la fin d’Antiochus Epiphane qu’annonce le Fils de l’Homme, il vient justement pour rendre justice au nom de Dieu. Nous pouvons donc retenir cela, le Fils de l’Homme, c’est celui qui, dans un contexte extrêmement troublé où le mal semble l’emporter, vient juger au Nom de Dieu. J’ouvre une petite parenthèse qui va nous permettre de mieux comprendre la portée de cette image du Fils de l’Homme. Dans le procès de Jésus, il y a une de ses paroles qui va déclencher une colère invraisemblable chez ceux qui sont en train de le juger. C’est au chapitre 14 de Marc, aux versets 61 et suivants, je lis : Le grand prêtre l’interrogea de nouveau : « Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? » Jésus lui dit : « Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. » Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous avez entendu le blasphème ! » A la question du grand-prêtre, Jésus répond en évoquant le Fils de l’Homme qui vient. C’est-à-dire qu’il est en train de comparer la situation dans laquelle il se trouve à celle qui, dans le livre de Daniel, a déclenché la venue du Fils de l’Homme. Il est en train de dire que la collusion entre le pouvoir juif et le pouvoir romain dans la décision de le supprimer équivaut aux actes abominables perpétrés par Antiochus Épiphane. On comprend que ça ne fasse pas du tout plaisir au grand-prêtre d’être mis, lui et ses sbires, dans le même sac qu’Antiochus Epiphane ! Plus que sa prétention à oser dire qu’il est le Christ, c’est le jugement qu’il porte sur ses accusateurs qui va sceller son sort.

Je pense que nous en savons assez pour comprendre pourquoi Jean, dans son Apocalypse reprend cette image du Fils de l’Homme. Ses auditeurs comprennent sans difficulté que le temps du jugement va arriver et que l’Empire romain dont les méfaits sont assimilés aux méfaits d’Antiochus Epiphane finira par tomber. Très bien, mais peut-être vous posez-vous cette question que je me suis posée : pourquoi Fils de l’Homme et pas Fils de Dieu ? D’abord parce que ce n’est pas ce que Daniel a vu ! Et si Dieu lui a fait voir un fils d’Homme, c’est pour annoncer que la victoire sera donnée par quelqu’un qui vient du ciel, dans la vision de Daniel, c’est incontestable et dans celle de Jean aussi puisque nous avons entendu qu’il a vu une nuée blanche, et sur cette nuée, quelqu’un siégeait, qui semblait un Fils d’homme. Il vient bien du ciel, manifestement il est du côté de Dieu, mais c’est aussi un Fils d’Homme. Et, de fait, c’est dans son humanité fragile, mais totalement livrée dans l’amour que Jésus nous a acquis la victoire. St Irénée a magnifiquement expliqué cela, je le cite : Si ce n’était pas un homme qui avait vaincu l’ennemi de l’homme, la défaite de cet ennemi n’eût pas été juste. Si, d’autre part, ce n’était pas un Dieu qui nous avait donné le salut, nous ne l’aurions pas de manière assurée. Cette image du Fils de l’Homme, elle a donc le mérite de dire que Jésus est vraiment homme et vraiment Dieu et elle sera utilisée, en ces termes, à chaque fois qu’il est nécessaire de rappeler que Dieu fera justice, que les forts ne l’emporteront pas. A chaque fois qu’elle est utilisée dans les Ecritures, c’est l’annonce que ça va barder, mais à la manière de Dieu ! C’est bien dans ce but que Dieu a donné cette vision à Jean afin qu’il la rapporte à ceux qui, à cause de ce qu’ils subissent, sont en train de se demander : mais que fait Dieu ? Eh bien le jugement est proche, la justice finira par l’emporter mais comme Dieu seul sait faire !

C’est exactement ce que signifient les images de la moisson et des vendanges. La moisson, dans l’Evangile, c’est le moment où le bon grain peut enfin être séparé de l’ivraie. Eh bien, Jean voit et il entend qu’on y est : Lance ta faucille et moissonne : elle est venue, l’heure de la moisson ! Il y a le même symbolisme avec les vendanges avec en plus cette mention de la colère de Dieu. L’ange, alors, jeta la faucille sur la terre, il vendangea la vigne de la terre et jeta la vendange dans la cuve immense de la fureur de Dieu. Alors, peut-être que cette expression de la colère de Dieu peut écorcher nos oreilles, nous préférons, de loin, entendre parler de sa miséricorde plutôt que de sa colère. Quand un sentiment attribué à Dieu nous choque, comme la jalousie dont il est souvent question ou, ici, la colère, il faut toujours essayer de la comprendre en se posant cette question : qu’est-ce que ce sentiment attribué à Dieu nous dit de Dieu sachant que Dieu n’est qu’amour. La colère d’un pécheur, je vois très bien ce que c’est, sauvez-vous de devant ! Mais la colère de quelqu’un qui n’est qu’amour, elle est donc radicalement différente. La colère des pécheurs, elle les conduit à taper sur d’autres pécheurs en oubliant que le méchant est souvent d’abord un malheureux qui n’a pas trouvé comment exprimer son malheur. La colère de Dieu qui n’est qu’amour, elle ne tapera pas sur les malheureux pour rajouter du malheur à leur malheur, la colère de Dieu, elle va taper sur le mal et non pas sur le malheureux. C’est à la racine du mal que Dieu veut s’attaquer pour l’éradiquer. Sa colère, c’est ce qui déclenche l’opération Salut.

Bien sûr, c’est au cours de la semaine sainte que nous méditerons de manière plus approfondie sur ce grand mystère en contemplant Jésus venu pour vider la coupe de la colère en acceptant de prendre sur lui le péché, le mal. Derrière cette image de la moisson et celle des vendanges, comment ne pas voir aussi le symbole de l’Eucharistie. Le pain et le vin que nous recevons, devenus le corps et le sang de celui qui a accepté de prendre sur lui le mal, sont le lieu où nous pouvons puiser la force de tenir en attendant le triomphe total de l’amour. Les premiers chrétiens ne s’y trompaient pas, ils braveront l’interdiction de participer à l’Eucharistie en disant comme ces chrétiens d’Abitène : sine dominico non possumus, c’est-à-dire : sans le dimanche nous ne pouvons pas vivre, entendez, sans l’Eucharistie, nous ne pouvons pas tenir. Que par l’intercession de Ste Cécile, cette même fidélité à l’Eucharistie, ce même amour de l’Eucharistie nous soient accordés pour que, nous aussi, nous puissions tenir dans les combats que nous avons à mener !

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Amen !!!

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