5 août : Jeudi 18° semaine temps ordinaire. On a perdu le bâton de Moïse … même pas grave !

Si on me demandait de nommer, sans trop réfléchir, l’une des plus grandes catastrophes de l’histoire de l’humanité, je crois que sans trop hésiter je répondrai que ça a été la perte de l’Arche d’Alliance et c’est justement la 1° lecture entendue aujourd’hui qui entretient en moi cette certitude. Parce que je ne sais pas si vous savez ce que contenait cette fameuse Arche d’Alliance, si l’on en croit un passage de l’épitre aux Hébreux (9,4), elle contenait les tables de la loi. Leur perte n’est pas très grave car nous en avons de multiples photocopies dans bien des passages de la Bible. Oui, bien sûr, si on avait l’original, ça serait bien puisque, selon la tradition, c’est Dieu lui-même, avec son doigt, qui aurait écrit ces 10 Paroles de Vie sur la pierre (Dt 9,10) et le doigt de Dieu, c’est un des noms qui désigne le Saint-Esprit. C’est sûr que dans un musée, ça aurait fait sensation d’exposer ces tables avec une petite pancarte : écriture authentique de Dieu. Mais sûrement que les hommes des différentes religions se seraient battus pour l’obtenir. On a perdu l’original, c’est peut-être mieux comme ça ! L’Arche d’Alliance contenait aussi de la manne conservée dans une urne d’or. Là encore, cette perte n’est pas franchement une catastrophe car, si la manne était l’expression de l’amour providentiel de Dieu qui accompagnait son peuple, au niveau des saveurs gustatives, ça ne semblait pas extraordinaire, c’est ce que nous laissent entendre les nombreuses récriminations du peuple qui en avait ras-le-bol de la manne. Donc ouvrir un restaurant en proposant au menu une manne reconstituée, ce n’est pas sûr que ça attire les foules, par curiosité les clients viendraient peut-être une fois, mais ils n’y reviendraient pas. 

Ce n’est donc ni la disparition de l’original des tables de la Loi, ni la disparition de l’échantillon de manne qui font de la perte de l’Arche d’Alliance la plus grande catastrophe de l’humanité, c’est la disparition du 3° élément contenu dans cette Arche qui est une catastrophe et le 3° élément, c’était le bâton de Moïse, ce bâton qu’il avait transmis à Aaron. Ce bâton avait permis de réaliser des miracles au moment des plaies d’Egypte, c’est ce bâton qui permettait de réaliser de grands prodiges, c’est avec ce bâton qu’il avait fendu la mer Rouge en deux pour le passage du peuple des hébreux à pieds secs, transmis à Aaron, il servira de la même manière à fendre le Jourdain pour permettre l’entrée en Terre promise. Et on y vient enfin, c’est avec ce bâton que Moïse a frappé le rocher pour en faire jaillir de l’eau. Bien sûr, ça serait génial qu’on puisse promener ce bâton dans tous les pays de la soif pour faire jaillir des sources un peu partout et peut-être que dans quelques décennies, nous en aurions besoin nous aussi car, à force de gaspiller l’eau, nous pourrions finir par en manquer. Mais je pense surtout à un autre usage pour ce bâton de Moïse, un usage qui pourrait faire baver d’envie bien des retraitants dont la majorité sont des couples … ceci dit, cet usage serait aussi bien utile à ceux qui ne sont pas en couple !

Vous imaginez un peu, vous avez un conjoint dont le cœur est devenu dur comme de la pierre, on vous prête le bâton de Moïse, vous frappez un coup et des flots de tendresse jaillissent à nouveau de son cœur et des flots d’une densité et d’une bienfaisance encore jamais expérimentés ! Mais voilà, l’Arche d’Alliance a été perdue et le bâton de Moïse avec : quelle catastrophe ! Vous comprenez pourquoi je disais que c’était la plus grande catastrophe de toute l’histoire de l’humanité. Un coup avec le bâton de Moïse et les problèmes de couples seraient réglés, un coup avec le bâton de Moïse et les chamailleries communautaires seraient réglés, un coup avec le bâton de Moïse et les conflits de voisinage seraient réglés, un coup avec le bâton de Moïse et les peuples qui s’opposaient redeviendraient frères, un coup avec le bâton de Moïse et les sécheresse spirituelles seraient réglées. Quel drame que cette perte du bâton de Moïse ! Ceci dit, le Saint-Esprit ne m’a pas inspiré cette homélie pour nous faire déprimer, pour que nous pleurions ensemble sur cette disparition, ni même pour que nous nous transformions en Indiana Jones pour partir ensemble à la recherche de l’Arche perdue !

Parce que figurez-vous qu’il y a une très bonne nouvelle et cette bonne nouvelle je l’ai découverte in extremis, elle m’a d’ailleurs obligé à refaire l’homélie que j’avais préparée ! En lisant un commentaire pour approfondir cette histoire de Massa et Meriba, j’ai découvert qu’il y avait un passage parallèle dans le livre de l’Exode. 

La 1° lecture était tirée du livre des Nombres et il y a comme ça, un certain nombre d’événements qui sont racontés à la fois dans le livre des Nombres et dans le livre de l’Exode. Alors quand on lit la manière dont le livre de l’Exode rapporte l’événement au chapitre 17, il y a un détail qui a retenu mon attention. C’est à peu près tout pareil sauf ce détail qui m’a beaucoup parlé et qui nous permet de sortir de la déprime engendrée par la perte de l’Arche d’Alliance avec le fameux bâton de Moïse qui nous rendrait tant de services si on l’avait encore ! Voilà donc comment le livre de l’Exode rapporte une partie de l’événement : le Seigneur dit à Moïse : « Passe devant le peuple, emmène avec toi plusieurs des anciens d’Israël, prends en main le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va ! Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira ! » Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël.

Vous avez entendu : le Seigneur dit à Moïse qu’il sera là, devant lui, sur le rocher. Le Seigneur se tiendra sur le rocher, c’est-à-dire que lorsque Moïse frappera le rocher, c’est en fait sur le cœur de Dieu qu’il frappera et le cœur de Dieu s’ouvrira pour laisser jaillir ces flots qui permettront au peuple de ne pas mourir de soif. Voilà donc la très bonne nouvelle, on a perdu le bâton de Moïse, ce n’est pas si grave que ça, puisque nous pouvons toujours frapper au cœur de Dieu avec le bâton de la foi. Car finalement, ce bâton de Moïse, ce qu’il symbolise, c’est la foi. Si Moïse a accompli des merveilles avec ce bâton, ce n’était pas parce qu’il était un bâton magique, il ne manquerait plus que ça que la Bible fasse la promotion de la magie ! Non, avec ce bâton, il accomplissait des merveilles parce que ce bâton symbolisait la foi. Il aurait pu accomplir les mêmes merveilles avec la canne de Philippe s’il l’avait eue en main ! Peu importe l’instrument, ce qui était essentiel, c’était la foi de Moïse. Eh bien, pour tous ceux qui, aujourd’hui encore, frappent au cœur de Dieu avec le bâton de la foi, avec une foi aussi puissante que la foi de Moïse, pour eux le cœur de Dieu s’ouvre, pour eux des fleuves d’eau vive coulent de son cœur. On pourrait faire de longs développements, mais je vous laisse les faire selon ce que le Saint-Esprit vous inspirera !

Tout cela m’a rappelé une histoire de mon enfance que je crois avoir déjà raconté aux membres de la communauté. Quand j’étais enfant, j’habitais dans un village et notre voisine immédiate avec une maison mitoyenne était une grand-mère. A l’entrée de sa maison, il y avait, vous savez, une vieille pompe à main. L’hiver, il fallait la désamorcer pour que le gel ne vienne pas fendre la partie métallique, et quand arrivait le printemps, j’aimais assister au réamorçage de la pompe en étant bien loin d’imaginer, à l’époque, que ça m’inspirerait une homélie ! Pour réamorcer, c’était très simple, on versait de l’eau et on pompait, alors, comme par miracle, l’eau revenait abondante et fraiche. On versait de l’eau et on pompait, il fallait les deux. A chaque fois que nous sommes à sec, qu’un couple est à sec, qu’une vocation est à sec, frappons avec le bâton de la foi au cœur de Dieu et le cœur de Dieu s’ouvrira pour nous, des flots d’amour jailliront. Mais il ne suffit pas de se tenir sous ses flots d’amour comme il ne suffisait pas de verser de l’eau dans la pompe pour qu’elle se réamorce, il fallait aussi pomper. Mais pas pomper à la manière des Shadoks qui pompaient sans arrêt et sans but … enfin je vous parle là d’un temps que les moins de 50 ou 60 ans ne peuvent pas connaître ! Pomper, ça va être notre participation au travail de la grâce en nous. Oui des flots de grâce couleront quand nous frapperons avec le bâton de la foi au cœur de Dieu, mais il ne faudrait pas que ces flots de grâce coulent sur nous comme l’eau sur les plumes d’un canard ! C’est pour cela qu’il faut pomper, prendre la grâce pour qu’elle ne se perde pas. A chacun de nous de voir ce que peut recouvrir concrètement le fait de pomper, pour certains, ça va être une demande de pardon adressée à celui ou celle qu’on a blessé ; pour d’autres, ça sera justement d’accorder ce pardon, avec pour les deux un bon sacrement du pardon ; pour d’autres encore d’initier un changement de comportement sur des points précis ; pour d’autres encore croire que la grâce n’est pas seulement pour les autres mais que Dieu veut réaliser des merveilles aussi pour eux ; pour d’autres encore, pomper, ça sera croire enfin que Dieu est plus fort que ce qui est plus fort qu’eux. Pomper, finalement, c’est aspirer, donc l’Esprit-Saint qui est le souffle de Dieu est forcément un spécialiste en matière de pompage, il saura donc nous inspirer ces bonnes attitudes absolument déterminantes qui permettront aux flots de grâce jaillis du cœur du Seigneur de réamorcer en nous la pompe de l’amour. 

Je termine juste en évoquant le fait que la scène rapportée dans l’Evangile s’est passée dans la région de Césarée de Philippe et les exégètes-archéologues la situent plus précisément à Banyas, là où le Jourdain prend sa source, c’est un site magnifique au Nord du pays. Alors quand Jésus demande : pour vous qui suis-je ? Il attend sûrement que, dans la foi, nous puissions lui répondre : tu es celui qui peut réamorcer la source de l’amour quand elle se tarit en moi.

Cet article a 3 commentaires

  1. Wilhelm Richard

    Et vous, avec votre homélie, vous me pompez l’air.
    Vous vous donnez le bâton pour vous faire battre.
    …… Je plaisante
    Merci pour celui que vous êtes !!!!

    1. Adéline

      Une insulte, euh… un compliment en « grande pompe » et sans coup de pompe !!!!
      😉

      1. Adéline

        (y’en a (au moins) 2 qui suivent…)

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