7 novembre : 32° dimanche temps ordinaire. Quand les pauvres nous apprennent à bien donner !

Admirable l’attitude de ces deux pauvres veuves, oui, vraiment admirable ! 

Commençons par celle de la 1° lecture. Pour situer le texte, nous sommes dans une longue période de sécheresse absolue, il ne pleut plus depuis trop longtemps et ça finit par avoir des conséquences dramatiques. On l’a entendu dans le texte, les plus pauvres se préparent à mourir, leur petit lopin de terre qui leur permettait de survivre, ne bénéficiant d’aucune pluie, ne donne plus rien. Ils se préparent donc à mourir, c’est la famine et comme toujours en cas de catastrophe, ce sont les pauvres qui sont les premières victimes. Le Seigneur, lui, il ne fait rien pour le moment parce qu’il espère que cette situation va faire réfléchir son peuple qui l’a abandonné. En effet, ils se sont presque tournés vers les Baals, ces idoles sensées, précisément, donner pluie et fertilité quand on les implore. Ces idoles, les Baals, c’est la reine païenne, Jézabel, qui les a importées quand elle s’est mariée avec le roi d’Israël. Mais elle ne s’est pas contentée de venir avec ses idoles, elle est venue aussi avec des centaines de prêtres païens pour organiser le culte qui doit être rendu à ces Baals. Eh bien, malgré tout ce déploiement, la pluie ne tombe plus, les Baals sont invoqués, priés, on leur offre des sacrifices et des sacrifices, mais rien n’y fait. Dieu espère que ça va faire réfléchir son peuple qui comprendra enfin que rendre un culte à ces idoles, c’est une escroquerie ! Toutes les idoles, celles d’hier comme celles d’aujourd’hui agissent de la même manière : elles attirent en promettant beaucoup mais on finit toujours par se rendre compte qu’on ne voit rien venir et qu’on s’est fait avoir en leur rendant un culte !

C’est donc dans ce contexte que le prophète Elie va voir une pauvre veuve, prête à mourir et qu’il lui demande de l’eau et du pain. Vous vous rendez compte, il demande de l’eau alors que les puits sont sûrement bientôt à sec et il demande en plus du pain alors qu’il n’y a pas eu de récolte de blé. La pauvre femme lui explique qu’il va la mettre sur la paille, mais elle s’exécute en annonçant quand même qu’elle n’aura plus rien après. Admirable cette pauvre femme ! Par contre, on n’a pas envie d’en dire autant du prophète Elie ! Il aurait pu aller faire la manche chez les riches plutôt que de finir de saigner cette pauvre veuve !

Quant à l’Evangile, il nous présente aussi une pauvre veuve admirable qui n’a rien ou presque rien et qui met le peu qu’elle a dans le tronc du temple. C’est Jésus qui fait remarquer qu’elle n’avait rien, vous l’avez entendu dire : « Elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Du coup, on se pose quand même une question : est-ce que Jésus n’aurait pas pu l’arrêter en lui disant : garde tes piécettes, tu en as trop besoin, il y a suffisamment de riches qui aiment se faire remarquer et qui mettront pour toi ! On pourrait même se mettre à rêver : comme il avait renversé les étalages des marchands, avec sa force divine, pourquoi n’arrache-t-il pas le tronc du Temple en vidant tout son contenu sur le dallage pour le donner à cette pauvre femme. Ça, ça aurait été un vrai geste prophétique qui aurait eu de l’allure ! Mais Jésus n’agit pas ainsi et il nous faut comprendre pourquoi il préfère donner cette femme en exemple en soulignant qu’elle a donné plus que tous les autres. Si nous arrivons à le comprendre, peut-être comprendrons-nous aussi l’attitude d’Elie et surtout, nous comprendrons mieux ce que le Seigneur aime.

Vous savez quand on offre quelque chose, il peut toujours y avoir un malentendu qui rend malheureux à la fois celui qui offre qui ne comprend pas pourquoi celui qui reçoit ne se réjouit pas plus et aussi celui qui reçoit qui se demande pourquoi on lui offre ça alors qu’il le déteste ! Les scribes, nous l’avons entendu, ils mettaient des pièces de très grosse valeur dans le tronc et ils pensaient que Dieu allait être content du cadeau somptueux qui lui était fait. C’est sûr qu’au passage, les scribes devaient utiliser tous les moyens pour être sûrs d’être vus en train de donner et ils espéraient bien qu’on verrait ce qu’ils donnaient. 

Manifestement, on voit bien que pour Jésus une telle offrande est nulle et comme le Père et le Fils sont un, la manière de réagir de Jésus nous dit la manière de réagir de Dieu lui-même. Attention n’en déduisez pas trop vite qu’il faut diminuer la valeur des dons que vous faites à l’Eglise sous une forme ou sous une autre ! Non, il ne s’agit pas de cela ! 

Mais n’agissons pas comme les scribes qui pensent que Dieu est content quand il reçoit beaucoup. Non, Dieu n’est pas si content que ça et il y a au moins deux raisons. 

La 1°, c’est que, si je peux m’exprimer ainsi, le beaucoup n’est pas si beaucoup que ça ! La veuve, elle, oui, elle a donné beaucoup, beaucoup plus en valeur absolue parce qu’elle a donné tout ce qu’elle avait. Mais les scribes, même s’ils ont mis des pièces de grande valeur n’ont pioché que dans leur superflu. Or, vous le savez bien, la valeur d’un don ne s’estime pas en fonction de ce que l’on donne mais en fonction de ce que l’on garde ! Si je garde 10.000 fois plus que je donne, je n’ai pas donné grand-chose ! Voilà la 1° raison pour laquelle Dieu n’est pas heureux devant le don des scribes ou devant nos dons quand ils revêtent une part d’hypocrisie. 

La 2° raison, encore plus fondamentale, elle nous est donnée par Jésus lui-même quand il fait remarquer que cette femme, elle a donné son indigence, elle a donné sa pauvreté. C’est étonnant, mais c’est tellement vrai, le plus beau cadeau que nous puissions faire à Dieu, ce n’est pas de lui offrir nos succès, ce qui nous rend fiers, c’est lui offrir notre pauvreté, nous mettre en vérité devant lui en osant reconnaître notre pauvreté. C’est ce que nous faisons à chaque fois que nous allons célébrer le sacrement du pardon et c’est sans doute la démarche qui réjouit le plus le cœur de Dieu. Dieu aime quand nous sommes en vérité, quand nous ne jouons plus un rôle, quand nous ne cherchons plus à paraitre, quand nous ne cachons plus notre pauvreté, quelle que soit cette pauvreté.

Et pourquoi Dieu aime que nous lui offrions notre pauvreté ? Tout simplement parce que, quand nous le faisons, il peut enfin agir en notre faveur. Les riches, c’est bien connu, ils comptent d’abord sur eux, ils pensent qu’avec leur richesse, ils peuvent tout avoir. Les pauvres, eux, leur seule richesse, c’est leur foi, c’est leur confiance en Dieu. Vous aurez compris quand je parle de la pauvreté, je ne parle pas de la misère. La misère, elle doit être combattue car elle anéantit la dignité, mais la pauvreté, elle doit être cultivée, un peu à la manière de St François d’Assise qui a voulu l’épouser. Alors bien sûr, nous ne sommes pas dans la situation de François, nous n’avons pas reçu le même appel à une si grande radicalité, mais, pour autant, nous devons aimer notre pauvreté qui nous empêche d’être orgueilleux, qui nous empêche d’écraser et d’épater les autres. Ce n’est pas un hasard si tant de conversions ont lieu quand des personnes touchent le fond. Dans ces moments-là, on ne peut plus faire les malins, on ne peut plus faire semblant. La rencontre avec Dieu va devenir une question de vie ou de mort, elle va pouvoir se vivre dans une grande vérité et opérer en nous de grandes transformations qui étaient impossibles tant que nous comptions sur nous, sur nos ressources propres.

Nous avons tous nos pauvretés, le problème, c’est qu’habituellement nous préférons les cacher. D’abord les cacher aux autres, ça se comprend un peu, mais c’est dommage car nous nous privons ainsi du soutien fraternel. Mais plus terrible, nous les cachons aux yeux de Dieu. Nous nous cachons même à ses yeux pensant que nous sommes devenus trop misérables puisque nous n’avons plus rien de glorieux à offrir.  Ah, si nous entendions le Seigneur nous dire : tes pauvretés, offre-les moi, c’est même le plus beau cadeau que tu puisses me faire ! Ce week-end, je suis ici, dans cette abbaye de Boquen avec un groupe de pauvres, ils ont tellement conscience d’être des pauvres qu’ils se nomment eux-mêmes SDF ! Y a-t-il plus pauvres que des SDF ? Bon, pour eux, SDF ne veut pas dire Sans Domicile Fixe, mais Séparés Divorcés Fidèles. Quelle pauvreté de se retrouver dans cette situation, que de larmes, que de souffrances, que de pensées négatives ont dû tourner et retourner dans vos têtes. Or je sais que vous avez commencé à vous en sortir quand vous avez compris que c’était ça qu’il fallait offrir au Bon Dieu. Vous aussi, à un moment donné, la grâce vous a été donnée de ne plus cacher votre pauvreté, de ne plus vivre dans l’illusion, vous avez osé prendre votre indigence à bras le corps et vous l’avez offerte au Seigneur en lui disant : je n’en peux plus. Et cette offrande vous a remis sur un chemin de vie.

Puisque je suis dans un Foyer de Charité, j’aimerais aussi évoquer l’expérience de Marthe Robin. Quand elle comprend que Jésus veut venir habiter à demeure dans son cœur, elle lui fait une objection bien légitime : « C’est bien pauvre chez moi ! Vous rendrai-je suffisamment heureux ? C’est si pauvre chez moi ! » Et elle entend, dans son coeur Jésus lui répondre : « C’est bien pauvre, mais c’est chez moi ! J’y suis maintenant pour y rester toujours. Je viens pour t’améliorer, t’enrichir de mes plus précieux trésors. » Oui, tout l’Evangile l’atteste, c’est au milieu des pauvres que Jésus se sent le plus à l’aise, le plus chez lui. C’est pour cela que nous pouvons, sans crainte, lui ouvrir nos cœurs, c’est vrai que c’est pauvre chez nous, mais il nous redit ce qu’il disait à Marthe : « C’est bien pauvre, mais ça va devenir chez moi … ouvre-moi, offre-moi cette pauvreté … depuis le temps que je rêvais de recevoir ce cadeau de pouvoir demeurer chez toi au cœur de ta pauvreté ! »

Laisser un commentaire