Je voudrais tout d’abord dire quelques mots sur l’origine de la fête que nous célébrons aujourd’hui, Notre Dame du Rosaire. Quelques fêtes mariales sont liées à des batailles et des victoires chrétiennes dans l’histoire. C’est le cas de cette fête de Notre Dame du Rosaire qui est liée à la victoire dans la bataille de Lépante le 7 octobre 1571. Les Turcs se montraient de plus en plus menaçants, peut-être parce qu’ils avaient compris que l’Eglise était fragilisée par ses divisions internes dues aux querelles contre les protestants. Le sultan a pu réunir une flotte impressionnante qui a bien failli, en 1565, porter un coup fatal aux forces maritimes chrétiennes devant Malte, mais, heureusement, les chevaliers de l’ordre de Malte les sauveront. Ça ne décourage pas le sultan qui se prépare à nouvelle offensive.

Et c’est là que le pape Pie V va jouer un rôle déterminant. Il arrive à réunir une coalition composée d’Espagnols et d’Italiens, coalition pas aussi forte qu’il aurait souhaitée, mais ils seront là pour défendre héroïquement les États de la chrétienté contre les projets hégémoniques des Turcs. Il y a un très grand déséquilibre des forces en présence : 286 galères turques avec 120.000 hommes contre 208 galères chrétiennes et 80.000 hommes. Le pape est conscient de ce déséquilibre, il sait donc que la seule force humaine ne suffira pas. Le Pape Pie V est dominicain, entre parenthèses, c’est depuis son pontificat que le pape porte une soutane blanche, en effet, accédant au trône de Pierre, Pie V gardera sa robe de dominicain et tous les papes suivants l’imiteront en portant cette soutane blanche ! Comme dominicain, à la suite de St Dominique, il aimait particulièrement la prière du Rosaire, je le réexpliquerai dans un enseignement que je donnerai dimanche après-midi. Quand le Pape Pie V apprend la victoire des chrétiens, il l’attribue immédiatement à l’intercession de la Vierge Marie qu’il avait personnellement beaucoup prié et qu’il avait fait prier par les forces chrétiennes. En reconnaissance, Pie V ajoutera aux litanies de Lorette, cette invocation : « Secours des chrétiens, priez pour nous », et fixera au 7 octobre une fête en l’honneur de Notre-Dame de la Victoire. Son successeur, Grégoire XIII transféra cette fête au premier dimanche d’octobre sous le vocable de solennité du Rosaire, ensuite Clément VIII étendra cette fête à l’Eglise universelle et elle retrouvera sa place le 7 octobre. 

Voilà quelques mots d’histoire ! Maintenant, faisons bien attention ! Il ne faudrait pas faire un horrible contre-sens et croire que la Vierge Marie a choisi son camp et qu’elle pourrait être invoquée pour soutenir tous les projets haineux de ceux qui veulent reconstituer une soi-disante chrétienté purifiée de tous les éléments étrangers. Marie est la Mère de tous, Marie est la Mère de l’humanité. Si elle est intervenue pour la victoire de Lépante, ce n’était pas pour infliger une défaite à une religion ennemie, c’était pour éviter que le christianisme ne soit rayé de la carte. Si les chrétiens disparaissaient, qui aurait été témoin de l’amour inconditionnel de Dieu ? Car c’est le trésor de la foi des chrétiens que de croire que Dieu aime tous les aime et qu’il veut tous les sauver. Cette bonne nouvelle doit être annoncée, y compris à ceux qui se déclarent comme nos ennemis ! Et la Vierge Marie a toujours veillé pour que des témoins courageux, au cœur brûlé d’amour puisse annoncer cette bonne nouvelle. 

Elle a toujours veillé et elle continuera de veiller. Nous l’avons entendu dans la 1° lecture, elle était présente au Cénacle avec les apôtres. Ils étaient dans un triste état ces apôtres. D’abord, ils étaient ravagés par la culpabilité puisque tous avaient abandonné Jésus au moment où il aurait eu le plus besoin d’eux. Nous pensons que St Jean a été le seul à être fidèle, mais, si nous en croyons l’Evangile de Marc, il y a un moment où tous l’ont abandonné (14,50) Jean s’est ressaisi et Pierre aussi, mais Pierre le reniera assez vite. Ils sont donc ravagés par la culpabilité. C’est pourquoi Jésus ressuscité, à chaque fois qu’il les rejoindra leur dira : la paix soit avec vous ! Ils en avaient tellement besoin de cette paix ! A force d’entendre que Jésus ne les condamnait pas, la culpabilité a dû finir par s’estomper, mais ils restaient très marqués par tous ces événements et extrêmement conscients de leur pauvreté. Et voilà qu’au moment où Jésus s’est séparé d’eux, il leur a confié une mission extraordinaire : devenir témoins de son amour jusqu’au extrémité de la terre. 

Quand ils ont entendu ces paroles, ils ont dû tous penser la même chose : mais Jésus comment tu peux nous confier une telle mission alors que nous t’avons montré qu’aucun d’entre nous était parfaitement fiable ? Mais Jésus a persisté et c’est comme s’il leur avait dit : c’est vrai, vous n’êtes pas fiables ; par vous-mêmes, vous n’êtes pas capables, mais vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit et vous deviendrez capables ! Marie est donc au cénacle avec les apôtres et elle prie pour que cette force du St Esprit vienne sur chacun des apôtres. Quand il y a un grand défi, un grand enjeu, Marie est toujours là, priant pour l’Eglise, pour les chrétiens afin que l’Esprit-Saint puisse envahir le cœur des chrétiens, réveiller le cœur des chrétiens afin qu’ils puissent répondre à la mission que Jésus leur confie : devenir les témoins de l’amour du Seigneur pour chaque homme, jusqu’aux extrémités de la terre. 

Elle a veillé au moment de la bataille de Lépante, elle veille aujourd’hui encore. Mais elle n’attend pas que nous éliminions ceux qui ne partagent pas notre foi. Elle intercède plutôt afin que chaque chrétien retrouve le feu de l’amour dans son cœur. La victoire pour laquelle Marie intercède aujourd’hui n’est pas une victoire guerrière, une victoire haineuse, Marie intercède pour la victoire de l’amour. Il y a deux manières d’envisager la fin de la haine et de la violence. Première manière, c’est de chercher à supprimer ceux qui la véhiculent, mais vous voyez l’incohérence on veut supprimer la haine et la violence en l’utilisant ! Deuxième manière d’envisager la fin de la haine et de la violence, c’est de les obliger à reculer jusqu’à disparaitre en permettant à l’amour de gagner du terrain. Certains diront que cette 2° manière est totalement utopique, qu’elle n’a aucune chance de parvenir à ses fins, c’est pourtant celle qu’a choisie Jésus ! Et c’est pour que le relai soit assuré, pour que la victoire de l’amour puisse advenir qu’il a appelé ses apôtres et qu’il nous appelle, aujourd’hui, encore. Certes, tout cela nous semble bien au-delà de nos forces et nous nous demandons comment ça sera possible, eh bien, Marie est là et elle intercède encore pour nous. 

La victoire est possible car, aujourd’hui, le rapport de force est inversé par rapport à la bataille de Lépante ! Il y a 2,5 milliards de chrétiens dans le monde et 2 milliards de musulmans. Vous imaginez tout ce qui deviendrait possible si les 2,5 milliards de chrétiens avaient tous un cœur brûlé par le feu de l’amour, une foi active ! Mais hélas, il y a tant de chrétiens qui sont endormis ! Marie est là et elle intercède pour que tous les chrétiens retrouvent l’élan de leur Baptême et s’engagent dans la grande bataille pour que l’amour puisse l’emporter jusqu’aux extrémités de la terre. Par l’intercession de Notre Dame de Laghet demandons d’être les premiers à répondre présent pour cette grande mobilisation qui permettra à l’amour de l’emporter.