Je ne sais pas si ça se fait encore, mais, moi, quand j’étais au collège, en cours de français, on nous donnait un texte et il fallait lui donner un titre qui soit à la fois original et qui puisse comme résumer le texte. Pour la 1° lecture d’aujourd’hui, quand je l’ai lue, un titre m’est venu immédiatement à l’esprit : la peur a changé de camp ! A la lecture des derniers mots, c’est quand même étonnant de voir que ceux qui se sont servis de leur pouvoir pour arrêter par deux fois les apôtres sont ceux qui commencent à avoir peur : « Alors, le commandant des gardes du Temple partit avec son escorte pour les ramener, mais sans violence, parce qu’ils avaient peur d’être lapidés par le peuple. » Jusqu’à maintenant, c’était les apôtres qui avaient peur des responsables du peuple juif et qui, du coup, restaient enfermés. Mais c’est trop clair, désormais la peur a changé de camp. Et il faut se rendre compte jusqu’où ça va.
Les apôtres avaient été arrêtés puis relâchés suite à la guérison du boiteux de la belle porte du Temple. Je vous avais déjà fait remarquer leur hardiesse à leur libération. Conscients des menaces qui pesaient sur eux, ils font une prière pour demander la force d’annoncer avec assurance la Parole et que se renouvellent les signes et prodiges accomplis par Jésus. Le Seigneur leur a donné d’annoncer la Parole avec assurance, ce qui devait donc arriver est arrivé, ils ont été à nouveau arrêtés. On ne sait pas qui, ni combien parmi les apôtres ont été arrêtés, ce qui est sûr, c’est que certains se retrouvent en prison et voilà que Dieu, par l’intermédiaire de son ange, les délivre miraculeusement, toutefois, il leur donne un ordre : « Partez, tenez-vous dans le Temple et là, dites au peuple toutes ces paroles de vie. » Ils auraient pu dire : « Attends, on vient juste de se faire arrêter, en plus, ils vont considérer qu’on s’est évadé, le mieux serait peut-être qu’on se fasse oublier un moment ! » Eh bien, pas du tout ! Le texte nous dit : « Ils l’écoutèrent ; dès l’aurore, ils entrèrent dans le Temple, et là, ils enseignaient. » Quelle audace !
Par contre, ceux qui ont le pouvoir, les armes et tout et tout, il nous est dit que désormais ce sont eux qui ont peur ! On le voit bien, la peur a changé de camp. Evidemment, c’est un coup du St Esprit ! Parce que si nous lisons ces textes après Pâques, ils nous racontent, en fait, ce qui s’est passé après la Pentecôte quand les apôtres, grâce au don du St Esprit, ont enfin permis à la puissance du Ressuscité de donner sa pleine mesure. Du coup, pour moi, à chaque fois que nous nous laissons gagner par la peur, c’est le signe que nous avons lâché le St Esprit. En effet, quand nous nous laissons envahir par la peur, nous disons, et souvent légitimement d’ailleurs : mais je ne vais pas y arriver ! C’est vrai que, souvent, ce qui nous est demandé nous dépasse totalement, mais, si ce qui nous est demandé, c’est l’expression de la volonté du Seigneur, alors l’intendance suivra, le Seigneur se débrouillera pour nous rendre capables … à condition que, conscients de nos pauvretés, nous comptions vraiment sur lui, donc sans nous défiler et sans non plus tout prendre en main sans plus laisser d’espace pour le travail de la grâce. J’aime bien citer cette parole du père du cardinal Marty quand il était venu lui annoncer qu’il était nommé évêque, son père lui a dit : mon pauvre petit, tu n’en es pas capable, mais puisqu’on te le demande, fais-le ! Quelle belle parole de foi !
Venons-en à l’Evangile est toujours tiré du dialogue entre Jésus et Nicodème. Toutes ces paroles, nous les connaissons bien, mais comme il nous est bon de les réentendre régulièrement : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. »
Il y aurait beaucoup de manières de commenter cette parole et toute la suite du texte qui parle du Salut que Dieu veut offrir à tous les hommes. Mais, puisque la lecture des Actes des Apôtres nous donne à contempler la 1° évangélisation et nous invite donc à devenir plus audacieux pour nous engager à notre tour dans cette aventure de l’évangélisation, j’aimerais précisément l’accueillir comme un repère pour l’évangélisation.
Je rappelais récemment dans une rencontre le fameux dicton qui reste un phare pour tous les enseignants : si tu veux apprendre l’anglais à John, bien sûr, il faut que tu connaisses l’anglais, c’est le minimum, mais il faut aussi que tu connaisses John. On aide d’autant plus un élève à avancer dans l’apprentissage d’une matière qu’on le connait, qu’on connait ses faiblesses et ses forces, qu’on a compris quels étaient les images qui le toucheraient. Ce n’est pas à des enseignantes que je vais apprendre ça ! Mais peut-être faut-il aller encore plus loin que le dicton : si tu veux apprendre l’anglais à John, il faut que tu connaisses l’anglais, mais il faut aussi que tu aimes John. Celui qui ne se sent pas aimé est comme paralysé et ne peut avancer.
Eh bien, c’est aussi vrai dans l’évangélisation, nous devons de ce point de vue nous mettre à l’école de Dieu lui-même dont il nous est dit qu’il a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Rien de fécond ne peut se faire sans amour de ceux auprès de qui on est envoyé. Attention, aimer, ça ne veut pas dire devenir gâteux et tout accepter. La correction fraternelle, dans une communauté est l’expression d’un authentique amour fraternel. Mais hélas, il y a souvent trop d’éclats de voix incontrôlés et trop peu de correction fraternelle. Si j’aime vraiment, alors, je peux reprendre les personnes, si je ne les aime pas, elles peuvent bien aller à leur perte, ça m’est égal. Mais si je les aime, je les reprendrai au bon moment, avec les bons mots pour ne jamais les humilier.
Sur l’importance de l’amour dans l’évangélisation, j’aime bien reprendre cette histoire qui concerne le curé d’Ars. Je ne sais pas si Marie-Françoise a lu cette histoire. Le prêtre qui l’avait précédé à Ars était un ancien chartreux. On a retrouvé un rapport de ce prêtre ; à l’époque, les prêtres envoyaient régulièrement des rapports à l’évêque pour rendre compte de leur ministère. Dans ces rapports, on trouvait le nombre des actes de culte et pas mal de renseignements, comme le nombre de naissances illégitimes par exemple, et ces rapports se terminaient par une appréciation du prêtre. Voilà ce qu’avait dit son prédécesseur : « Il n’y a guère que le sacrement de Baptême qui distingue mes paroissiens des bêtes qu’ils gardent dans les champs ! » Pour écrire cela, il fallait vraiment que ce bon père n’en puisse plus d’être au milieu de ces paysans si rustres. Seulement, voilà quand on pose un regard aussi négatif sur les gens, on ne pourra jamais rien faire de bon ! Il était temps qu’il parte !
Au soir de sa vie, le curé d’Ars, regardant le cimetière qui entourait son église fera cette confidence : « mon cimetière est ensemencé de saints ! » Vous entendez la différence ? « Il n’y a guère que le sacrement de Baptême qui distingue mes paroissiens des bêtes qu’ils gardent dans les champs ! » et « mon cimetière est ensemencé de saints ! » Qu’est-ce qui s’est passé ? La population n’a pas changé, ces deux prêtres parlent bien des mêmes personnes, alors qu’est-ce qui s’est passé ?
Pour le comprendre, il faut se rappeler que lorsque le vicaire général avait nommé Jean-Marie Vianney, il avait voulu le prévenir que ça serait difficile, c’est pour cela qu’il lui avait dit : il n’y a pas beaucoup d’amour du Bon Dieu, vous en mettrez ! Mais c’était du langage diplomatique et quand on le décrypte, ça signifiait : je ne vous fais pas un cadeau en vous nommant dans cette paroisse ! Seulement, voilà, Jean-Marie, dans sa sainte naïveté, avait reçu cette parole au 1° degré et, du coup, il en a fait sa feuille de route : il n’y a pas beaucoup d’amour du Bon Dieu, je dois en mettre et je me donnerai totalement pour cette mission. Et d’emblée, il a compris que si sa mission consistait à mettre de l’amour, il ne pourrait pas l’accomplir sans aimer profondément ceux auprès de qui il était envoyé pour mettre l’amour du Bon Dieu.
Retenons bien cela et faisons attention à notre manière de parler du monde … oui, il y a des problèmes, bien sûr, nous ne pouvons pas tout bénir. Mais si nous n’aimons pas ceux que nous voulons évangéliser, si nous portons sur eux ce regard négatif et enfermant que portait le prédécesseur du curé d’Ars sur ses paroissiens, il ne se passera jamais rien, nous irons d’échecs en échecs et ces échecs renforceront notre regard négatif. Rappelons-nous toujours que nous sommes envoyés par Celui qui a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.
Si je résume votre homélie, Brexit à eu la dérogation pour sortir de l’Europe car il n’y a pas eu beaucoup d’amour. Lors du mariage, en 1972 (il faut vérifier), y avait-il trop ou pas assez de diplomatie ?
Est-ce une question plutôt de gros sous comme prétend l’avare ?
Il est Lord, mon Seigń´or !