Si vous avez envie d’embaucher quelqu’un, vous allez chercher à vous renseigner pour savoir si cette personne est performante. Les clubs de foot, par exemple, qui veulent recruter un joueur vont le voir jouer plusieurs matchs pour vérifier qu’il est vraiment bon. Imaginez que ce soit un gardien de but, si les superviseurs le voient prendre 5 ou 6 buts à chaque match qu’ils sont venus voir, ils vont aller en chercher un autre ! Eh bien, Jésus, lui, il n’agit pas ainsi ! Il recrute Pierre alors qu’il vient de passer toute une nuit à pêcher sur le lac sans rien prendre. Ce gars qui ne réussit rien, il aurait pu ne pas lui inspirer confiance à Jésus. D’autant plus que, nous l’apprenons ensuite, il avait besoin de lui pour qu’il devienne pêcheur d’hommes … il n’y arrivait déjà pas avec les poissons, ça risquait d’être bien plus compliqué avec les hommes ! Etonnante l’attitude de Jésus !
Mais elle est aussi étonnante l’attitude de Simon-Pierre car il faut essayer de se représenter un peu la scène. Simon a passé toute la nuit sans rien prendre, il est revenu sur le rivage au petit matin et, comme les compagnons de l’autre barque, il est en train de ranger les filets, corvée nécessaire avant d’aller se coucher. Et voilà que Jésus arrive et monte dans sa barque, dans l’Evangile de Luc, c’est la 1° rencontre entre Simon et Jésus. Jésus monte donc dans sa barque et lui demande de s’éloigner un peu pour qu’il puisse enseigner les foules. Simon qui avait un tempérament vif devait bouillir d’impatience : quand pourrait-il aller enfin se coucher ?
Et, comme s’il n’avait déjà pas perdu assez de temps comme ça, quand le prédicateur a fini, il lui demande de repartir à la pêche ! Qu’est-ce qu’il y connait dans la pêche cet homme ? Quand on n’a rien pris la nuit, ce n’est pas la peine d’insister au petit matin, il n’y aura rien non plus dans les filets. Simon le fait remarquer : Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ! L’Evangile nous dit que Simon a rajouté tout de suite : mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. Est-ce que les deux paroles se sont enchainées aussi rapidement ? Peut-être, mais je n’en suis pas sûr ! Après la 1° parole de Simon, j’imagine volontiers un silence assez long avec Jésus qui garde son regard plongé dans celui de Simon, comme pour lui dire, je maintiens ce que je t’ai dit : jette tes filets pour la pêche, ça va marcher ! Et, finalement, la force de conviction de Jésus l’emportera sur les doutes, la fatigue et la mauvaise humeur de Simon qui se rappellera longtemps que c’est dans le regard de Jésus qu’on trouve la force de ne pas céder au découragement. Oui, elle est étonnante l’attitude de Pierre, l’homme de métier qui cèdera devant cet homme qui n’y connait rien à la pêche, alors qu’il aurait eu toutes les bonnes raisons de l’envoyer paître !
Eh bien, voilà comment le premier pape a été recruté et voilà comment l’Eglise a commencé ! Quelle belle leçon ! Nous sommes donc prévenus et j’allais dire rassurés, le Seigneur ne choisit pas que des personnes qui réussissent tout, ce ne sont pas des héros irréprochables qu’il cherche. Si tel était le cas, ni vous, ni moi, ne serions là aujourd’hui ! La puissance, c’est lui qui la donne pour que ce que nous entreprendrons puisse devenir fécond, porter du fruit. C’est Jésus qui a permis à Simon-Pierre de faire cette pêche hors-norme, ce n’est pas le savoir-faire de Simon-Pierre qui a été à l’origine d’une telle profusion. Pourtant Simon-Pierre n’a pas été qu’un pion qui aurait permis à Jésus de manifester sa puissance. Nous ne serons jamais des pions pour le Seigneur, chacun compte, il a une place unique pour chacun.
La part de Simon-Pierre, sa participation active, je la vois émerger de deux manières dans ce texte. D’abord, si Jésus l’a choisi, c’est sans doute pour sa persévérance. Il n’a rien pris de toute la nuit, mais il est resté quand même jusqu’au petit matin dans sa barque. Il aurait pu, vers 3h du matin, se dire : inutile d’insister, rentrons à la maison ! Non, il est resté. Et, au petit matin, il rangeait ses filets, signe qu’il était prêt à recommencer, qu’il n’était nullement découragé. Cette persévérance courageuse, c’est une qualité que Jésus aime. Que nous ne réussissions pas tout, ce n’est pas un problème pour lui, par contre, il aime ceux qui persévère, ceux qui ne se découragent pas. Et la participation active de Pierre, je la vois encore s’exprimer dans le fait que Simon-Pierre, sur la parole de Jésus, a accepté de jeter les filets. Il aurait pu dire à Jésus : puisque tu es si malin, jette-les toi-même les filets !
Non, il a accepté de le faire, peut-être sans trop y croire, mais faisant confiance, quand même. La confiance, c’est, avec la persévérance et le courage, une autre qualité qui plait tellement à Jésus. Avec des personnes courageuses, persévérantes et confiantes, le Seigneur sera toujours capable de réaliser des merveilles. Ce que nous ne pouvons pas faire, lui le fera mais il ne le fera que lorsque nous aurons joué notre partie jusqu’au bout en donnant le meilleur de nous-mêmes. De notre côté, nous devons être bien conscients que rien de véritablement fécond ne se fera sans lui et du côté du Seigneur, il a décidé de ne rien faire sans solliciter notre participation active qui se manifestera par la persévérance et la confiance. Cette pêche miraculeuse en est une merveilleuse illustration.
Les deux autres lectures viennent confirmer ce que je viens de dire. Isaïe, dans la 1° lecture, était bien conscient de ne pas être l’homme de la situation. Comment cet homme qui reconnait que ses lèvres sont impures pourrait-il parler au nom de Dieu, porter la Parole de Dieu ? Car c’est bien cela la mission du prophète, parler au nom de Dieu, porter la Parole de Dieu. Parce qu’il a reconnu sa pauvreté, le Seigneur va venir à son secours et lui touchera ses lèvres impures avec un charbon ardent pour que ses paroles puissent avoir l’intensité d’un feu et brûler les cœurs.
Il y a une très belle histoire que j’aime raconter et qui résume tout ce que je viens de dire. C’est histoire d’un évêque qui nomme un jeune prêtre dans une paroisse en perdition, à bout de souffle, il le nomme avec la mission de lui redonner une belle vitalité. Un an après, l’évêque vient faire le point et le jeune prêtre lui fait rencontrer toutes équipes qu’il a mises en place, toutes les belles réalisations auxquelles il a travaillé. Et, à chaque fois, il dit à l’évêque : depuis que je suis là, voilà ce que j’ai réussi à faire, voilà ce qui existe grâce à moi. L’évêque commence à craindre que ce jeune prêtre prenne la grosse tête, aussi à chaque fois que le prêtre dit : grâce à moi, l’évêque le corrige en lui disant : voulez dire que c’est la grâce, l’Esprit-Saint, qui a accompli ces merveilles. Le jeune prêtre accepte la remarque une fois, deux fois, mais, à la 3° fois, un peu agacé, il répond : oui, Monseigneur, c’est sans doute la grâce, mais si vous aviez vu l’état de la paroisse quand il n’y avait que l’Esprit-Saint qui travaillait !
Belle histoire dans laquelle l’évêque et le jeune prêtre avaient raison et que Paul résume merveilleusement en disant : ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu sans oublier d’ajouter malicieusement : et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile ! Par l’intercession de Notre Dame de Laghet demandons que nous soient accordés courage, persévérance et confiance pour collaborer de manière féconde au travail de la Grâce.