La lecture d’aujourd’hui est importante, pour au moins deux raisons. D’abord elle nous parle de la chute de cette fameuse Babylone qui a fait couler et qui continue de faire couler tant d’encre ! Et puis, elle nous a fait entendre, en final, l’invitation que le prêtre reprend avant chaque communion, depuis la mise en service du nouveau missel : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! Alors commençons par Babylone et ensuite nous chercherons à entrer dans une plus grande compréhension de cette invitation liturgique, pourquoi la liturgie a-t-elle voulu que soit proclamée cette Béatitude de l’Apocalypse pour nous encourager à venir communier et pour nous aider à comprendre le sens de cette démarche.
Qui est cette Babylone dont la chute fait tant plaisir à l’Ange qui l’annonce ? Cette chute lui fait d’ailleurs tellement plaisir qu’il n’hésite pas à aligner tous ses titres maléfiques : tanière de démons, repaire de tous les esprits impurs, repaire de tous les oiseaux impurs, repaire de toutes les bêtes impures et répugnantes ! C’est vrai que lorsqu’on les entend tout ça, à l’annonce de sa chute, on a envie de crier : bon débarras ! Oui, mais qui est visé ? Quantité de sectes, d’inspiration évangéliques, n’hésiteront pas à voir dans cette description de Babylone, la grande prostituée, l’Eglise catholique. Ce n’est pas d’aujourd’hui que cette association méprisante est faite, Dante le disait déjà explicitement, Luther et Calvin la reprendront après lui. A leur décharge, il faut dire qu’à l’époque, dans l’Eglise Catholique, tout n’était pas joli, joli
Que peut-on dire ? D’abord reconnaitre qu’il a pu y avoir des moments où le rapprochement entre Babylone et l’Eglise Catholique, de fait, était quasiment mérité. Rappelons-nous la grande célébration de repentance lors du grand Jubilé de l’an 2000 que Jean-Paul II a imposée contre l’avis de certains cardinaux. Dans cette célébration, l’Eglise Catholique a demandé pardon pour tous ses errements, dont acte. Hélas, il y a encore des scandales aujourd’hui, mais ils ne sont plus cachés et, nous découvrons qu’aucune Eglise sœur n’est parfaitement indemne. Alors, arrêtons ces anathèmes que nous nous jetons en pleine face ; face à l’incroyance grandissante, les chrétiens ont mieux à faire que de s’invectiver mutuellement. Unissons-nous plutôt pour annoncer Jésus Sauveur !
Le livre de l’Apocalypse n’est pas un livre de prédictions qui annoncerait des catastrophes que seuls les initiés à ce symbolisme particulier seraient capables de nommer. Seulement voilà, dans les sectes, comme on pratique une lecture fondamentaliste, les règles d’interprétation leur échappe complètement. Le livre de l’Apocalypse parle d’abord du présent de ceux qui en sont destinataires. La seule prédiction qui concerne donc l’avenir, que fait le livre, c’est que la victoire reviendra à l’Agneau et que les épreuves ne sont pas finies, mais c’est tout !
C’est donc clair, Babylone, la prostituée vise bien Rome, mais non pas l’Eglise de Rome, c’est l’Empire romain de la fin du 1° siècle qui est visé. Et, le message de l’Apocalypse nous permet de dire que, si dans la suite de l’histoire, d’autres empires entrent dans le même fonctionnement, ils connaitront le même sort que Babylone, que Rome.
Venons-en maintenant à la béatitude finale de la lecture d’aujourd’hui : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! C’est la 4° des 7 béatitudes qui rythment le livre de l’Apocalypse, et c’est la formule qui a été retenue dans la nouvelle traduction du Missel Romain pour nous inviter à communier. Cette nouvelle formule a le mérite de reprendre telle quelle, sans ajout, la formulation de cette Béatitude citée dans l’Apocalypse. Cette formule met l’accent sur deux points essentiels : 1°, quand je communie à la messe, je vis, comme par anticipation, la communion pleine et définitive que je vivrai dans le Royaume. Chaque communion est un moment d’éternité anticipée. Et, la 2° signification de la formule dit que l’invitation à venir se nourrir de l’Eucharistie n’est pas réservée à ceux qui ont une vie déjà toute bien réglée, ceux qui sont déjà quasiment des anges ! Non ! L’invitation est faite à ceux qui sont dans le combat et qui, souvent, n’en voient pas le bout, chacun connait ses combats, les combats qui pourraient l’épuiser, les chutes qui pourraient le décourager s’il ne recevait pas la force de l’Eucharistie. Si j’osais une comparaison militaire, l’Eucharistie, c’est la ration du soldat !
Pour une fête du Saint Sacrement, le pape François avait exprimé cela avec des mots percutants, comme il sait si bien le faire, je le cite : C’est dans la nuit où il est trahi que Jésus nous donne le Pain de la vie. Il nous offre le don le plus grand alors qu’il éprouve, dans son cœur, l’abîme le plus profond : le disciple qui mange avec Lui, qui trempe sa bouchée dans le même plat, est en train de le trahir. Et la trahison est la plus grande douleur pour celui qui aime. Et que fait Jésus ? Il réagit au mal par un bien plus grand. Au “non” de Judas il répond par le “oui” de la miséricorde. Il ne punit pas le pécheur, mais il donne sa vie pour lui. Quand nous recevons l’Eucharistie, Jésus fait la même chose avec nous : il nous connaît, il sait que nous sommes pécheurs et que nous faisons tant d’erreurs, mais il ne renonce pas à unir sa vie à la nôtre. Il sait que nous en avons besoin, parce que l’Eucharistie n’est pas la récompense des saints mais le Pain des pécheurs. C’est pourquoi il nous exhorte : “Prenez et mangez”.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de croire en ces paroles pour qu’elles nous fassent vibrer quand, dans quelques instants, nous entendrons : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau.