La 1° lecture était tirée de la 1° épitre aux Corinthiens que nous lisons depuis 15 jours et que nous lirons encore toute la semaine. Le passage d’aujourd’hui nous a fait entendre la célèbre comparaison que Paul établit entre l’Eglise et le corps humain. Nous n’avons entendu qu’un extrait car Paul développe plus longuement, mais l’extrait entendu était suffisant pour nous faire comprendre l’enjeu de cette comparaison si bien résumé dans cette parole : Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. Je ne tirerai qu’un seul enseignement sur cette comparaison alors que beaucoup d’autres seraient possibles.
Ça signifie que lorsque nous faisons défection, le corps est comme amputé d’un de ses membres. Déjà à son époque, St Augustin était confronté au problème des chrétiens qui ne participaient pas à la messe, ces fameux croyants mais pas pratiquants. St Augustin, s’appuyant sur cette comparaison du corps, dira à ceux qui ne venaient pas : ne privez pas, par votre absence, le corps du Christ de l’un de ses membres ! Alors, pour se déculpabiliser, certains diront : oui, mais moi, je ne suis que le petit doigt de pieds du Corps du Christ ! Oui, mais j’ai un ami qui a été amputé d’un petit doigt de pied et il m’a dit qu’il n’aurait jamais imaginé que ça aurait tant de conséquences ! Perdant son petit doigt de pied, il a aussi perdu une partie de son équilibre, ce qui l’a obligé à avoir des chaussures orthopédiques. Aucun membre du corps n’est inutile ! C’est ce que nous devons nous dire à chaque fois que nous aurions envie de ne pas, de ne plus tenir notre place. A cause de ma médiocrité, de mon découragement qui me pousse à la défection, le corps sera amputé et son équilibre menacé ! Gardons cela dans notre cœur et encourageons-nous les uns les autres.
Dans cet Evangile, ce qui est frappant, c’est le silence qui règne. Remarquez, c’est un peu normal que cette situation de mort soit enveloppée de silence. Nous avons tous fait l’expérience du caractère vide des paroles en pareille circonstance. Parce que nous ne savons que dire, nous préférons nous taire et c’est très bien comme ça. Un proverbe soufi dit fort justement : Si la parole que tu vas dire n’est pas plus belle que le silence, ne la dis pas ! Mais ce silence est quand même étonnant puisque l’Evangile nous dit qu’une grande foule accompagnait ce cortège funèbre. De cette foule auraient pu jaillir les cris des pleureuses, par exemple, ou le bavardage de ceux qui étaient là par pure convenance, mais rien, silence complet. Il faut dire que la situation était vraiment dramatique et l’Evangile nous le fait remarquer en précisant que cette foule accompagnait cette maman qui était veuve et qui venait de perdre son fils unique. Elle avait donc tout perdu, c’est sans doute ce caractère si dramatique qui plongeait tout le monde dans le silence.
Mais, dans ce silence, ce qui me frappe le le plus, c’est que, cette femme, voyant arriver Jésus ne lui demande rien. La réputation de Jésus était bien installée, tout le monde savait qu’il faisait des miracles étonnants. Elle aurait pu se tourner vers lui pour lui demander l’impossible, mais elle ne le fait pas. Peut-être était-elle trop abattue ? Peut-être ne croyait-elle plus que Dieu puisse encore faire quelque chose pour elle ou du moins croyait-elle ce que les juifs commençaient à croire à savoir que Dieu s’occuperait de son fils au dernier jour quand viendrait la résurrection des morts. Toujours est-il qu’elle est dans un profond silence, abattue par le chagrin.
On pourrait dire que Jésus a comme entendu ce silence, c’est pourquoi il décide de s’approcher et, s’approchant, il voit cette femme abattue et comprend le drame. A aucun moment, Jésus ne cherche à fuir, à faire comme s’il n’avait pas vu … ce qui nous arrive si souvent quand nous nous trouvons confrontés à des situations qui nous dépassent. Non, Jésus n’agit jamais ainsi. J’aime bien dire que le regard de Jésus est branché sur son cœur, ce qu’il voit est directement communiqué non pas d’abord à son intelligence mais à son cœur. Et, dans toute la Bible, le cœur, c’est le siège des décisions, on décide avec son cœur. Il décide alors deux choses : d’abord d’adresser une parole à cette femme si durement éprouvée et ensuite d’agir en sa faveur.
- La parole qu’il adresse à la femme semble déplacée : ne pleure pas ! Comment pourrait-elle ne pas pleurer, elle qui avait déjà perdu son marie et qui, maintenant, perd son fils ? Comment ne pas pleurer quand on a tout perdu, perdu tous ceux qui nous faisaient vivre ? Oui, cette parole serait indécente si, dans le même temps, Jésus n’avait pas agi en sa faveur. Si parfois certaines de nos paroles semblent déplacées, c’est parce qu’elles ne sont pas suffisamment suivies d’actions.
- Et l’action que Jésus met en œuvre manifeste la puissance de sa compassion : Il s’approcha et toucha le cercueil en disant : Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi. Alors le mort se redressa et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère.
J’aime ces textes qui nous montrent le rapport de Jésus à la mort. Jésus n’a pas dit à cette mère éplorée : arrête de pleurer, ton fils est entre les mains du Père du ciel ! De la même manière, quand il sera devant le tombeau de son ami Lazare, Jésus va pleurer. Il nous faut donc beaucoup de retenue quand nous sommes en contact avec des personnes confrontées à la mort. Il nous faut accepter de ne pas aller trop vite pour dire une parole de foi ; rien ne pourra être dit qui ne paraisse indécent si nous ne commençons pas à partager la souffrance de ceux qui ont perdu un être cher. Parfois-même, il nous faut accepter d’entendre leur révolte sans chercher à les faire taire. Bien sûr quand les personnes qui vivent le deuil formulent, elles-mêmes, des paroles de foi, alors, nous pouvons risquer notre propre parole de foi, mais autrement, il faut rester prudent, patient, compatissant. L’attitude de Jésus face à la mort peut beaucoup nous enseigner.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de tenir notre place pour que le Corps du Christ ne soit pas amputé. Demandons-lui aussi la grâce d’avoir un regard, comme le regard de son divin fils, branché sur notre cœur.