25 février : 2° dimanche de Carême, Transfiguration. Jésus est « Trop », Fils de la famille Trop !

Je n’aurai pas voulu être à la place de St Marc quand St Pierre lui a raconté ce qu’il avait vécu sur le Mont Thabor lors de la Transfiguration ! Oui, parce que vous savez sans doute que St Marc n’était pas un des 12 apôtres, s’il a pu raconter ce qui s’était passé à ce moment-là, c’est parce qu’on le lui a raconté et ce n’est pas difficile de savoir qui lui a raconté : c’est Pierre ! Pourquoi on le sait avec tant de certitude ? Parce que Marc a été le secrétaire de Pierre, d’ailleurs les exégètes, ces spécialistes des Ecritures Saintes, donnent souvent à cet Evangile de Marc le nom d’Evangile de Pierre parce qu’il a été écrit à partir des souvenirs que Pierre a livré à Marc, son fidèle secrétaire.

Pourquoi je dis que je n’aurai pas aimé être à la place de St Marc quand Pierre racontait ses souvenirs de la Transfiguration ? Oh tout simplement parce que ça ne devait pas être facile de prendre des notes. D’abord, parce qu’à l’époque, écrire, c’était toute une aventure ! On écrivait moins vite sur une tablette de cire ou sur un parchemin que sur un ordinateur ! Mais surtout parce que les mots devaient se bousculer dans la bouche de Pierre et on le comprend, ce n’est quand même pas rien de décrire, d’expliquer ce qui s’est passé dans un événement où on est mis, sans préparation aucune en contact avec la divinité. 

Vous allez me dire que les apôtres étaient 24h sur 24 en contact avec la divinité puisqu’ils vivaient avec Jésus, oui, c’est vrai, mais dans la vie commune, sa divinité était voilée, ils ne voyaient que son humanité et une humanité véritable : il avait faim, il avait soif, il était fatigué, il pleurait, il riait, bref c’était un vrai homme, meilleur que les autres, bien sûr, mais réellement homme. Et voilà qu’au sommet du Mont Thabor, lieu de la Transfiguration, sa divinité est subitement dévoilée et c’est son humanité qui est cachée, quelle expérience ils ont dû vivre ! On peut donc facilement imaginer qu’il n’était pas simple d’en rendre compte, les mots devaient vraiment se bousculer au portillon de la bouche de Pierre quand il essayait de raconter tout ça à Marc. On sent bien que c’est la même chose pour St Jean qui nous rapporte, dans le livre de l’Apocalypse, ce qu’il a vu dans une grande vision. Les mots se bousculent, se corrigent, parfois c’est invraisemblable, c’est tellement stupéfiant d’être mis en contact avec le monde de Dieu !

Tout ça me fait penser aux conversations que peuvent avoir des jeunes filles quand l’une d’entre elles parle aux autres de son amoureux, elle est tellement sous le charme que, bien souvent, les mots se bousculent au portillon de ses lèvres pour le décrire et au bout d’un moment, à bout de mot parce qu’aucun n’est suffisamment grand pour le décrire, elle finit par dire : il est trop ! Avec tout ça, on ne sait pas s’il a les yeux bleus ou marron, les cheveux blonds ou bruns, s’il est grand ou petit, peu importe, ce ne sont que des détails, l’essentiel est dit quand elle dit : il est trop ! Oui, trop beau, trop bon, trop amoureux, trop tout ce que vous voulez, ce qui signifie qu’il est bien plus et bien mieux que ce que vous pouvez imaginer. Je crois que si on Marc avait écrit son Evangile au 21° siècle, il ne se serait pas embarrassé des détails que Pierre a essayé de lui transmettre en lui disant c’était comme ça, mais, en fait c’était pas tout à fait comme ça, au bout d’un moment il aurait dit à Pierre, tu veux dire que Jésus était trop ? Et Pierre aurait répondu : oui, c’est exactement ça, tu as tout compris et si bien résumé : il était trop ! 

Et Pierre aurait sûrement immédiatement rajouté : mais tu sais, il n’y avait pas que Jésus qui était trop, le Père du ciel quand il a parlé, lui aussi, il était trop ! Si on jouait au jeu des 7 familles, la Trinité, ça serait la famille trop ! A leur manière, ils sont tous trop, le Père comme le Fils sans oublier le Saint-Esprit ! On comprend le désir que Pierre exprime de ne pas redescendre tout de suite, de s’installer dans ce moment béni. A chaque fois que nous vivons des moments de pure grâce, nous aussi, nous aimerions que ça puisse durer, que nous n’ayons pas à redescendre, à retrouver la grisaille du quotidien et la banalité de la répétition des jours, avec son lot d’épreuves et parfois l’expérience que Dieu est loin, que nous ne sentons plus sa présence. Mais Jésus ne va pas accéder à la demande, pourtant généreuse, de Pierre de pouvoir s’installer. En effet, Pierre s’oublie complètement en proposant de ne dresser que 3 tentes. Il s’oublie, il oublie ses deux compagnons, il ne pense plus qu’à Jésus, Moïse, Elie, il veut tout pour Dieu ! C’est beau, pourtant Jésus refuse ! Comment le comprendre ?

Oh c’est assez simple ! En voulant que ce moment béni ne s’arrête plus, en voulant s’installer sur le Thabor, Pierre ne se rend pas compte qu’il installerait aussi Jésus dans la gloire. Or, le moment n’est encore pas venu, pour Jésus, de s’installer dans la Gloire. Il est venu pour sauver les hommes et il devra aller au bout de la mission confiée qui exigera qu’il passe par de grandes souffrances.

Et c’est justement pour préparer le cœur de ces 3 apôtres qui constituent comme sa garde rapprochée que Jésus a voulu leur permettre de vivre cette révélation du Mont Thabor. Ils en auront bien besoin quand ils seront à Gethsémani et qu’ils le verront défiguré par la souffrance morale qui l’accablera. En invitant Pierre, Jacques et Jean à la suivre au Thabor pour le voir transfiguré, il les préparait pour qu’ils ne sombrent pas quand ils le verraient défiguré. Et il en va toujours ainsi : le Seigneur donne toujours de grandes grâces à ceux qui auront à vivre de grandes épreuves pour qu’ils puissent tenir le coup. Cette précision vient encore confirmer, s’il en était besoin, le fait que Jésus est vraiment trop !

OK, Jésus est trop et j’ai dit que la Trinité était la famille trop, mais alors comment comprendre la 1° lecture dans laquelle Dieu demande à Abraham de sacrifier son Fils unique ? Dieu avait attendu 25 ans entre le moment où il a annoncé qu’il aurait un fils, malgré son âge et celui de sa femme, malgré la stérilité qui plombait la vie de ce couple et quand, enfin, il tient parole et qu’Isaac arrive, faisant la joie de ses parents et assurant que la promesse d’un peuple nombreux pourrait se réaliser, Dieu demande que ce fils lui soit sacrifié. Là, vraiment, Dieu ne semble plus de la famille trop ! Ou alors, c’est de la famille trop impossible à comprendre !

Je n’ai plus assez de temps pour expliquer en détail ce texte que je reconnais être difficile à comprendre. Je l’ai dit, Dieu a mis 25 ans à accomplir sa promesse, Abraham a attendu 25 ans ce fils, comment Dieu aurait-il pu lui demander de lui offrir en sacrifice ? C’est ce qu’Abraham a cru parce qu’il a ainsi interprété l’appel intérieur qu’il a reçu. Il l’a interprété en fonction des croyances de cette époque dans laquelle on pratiquait encore des sacrifices humains, pensant faire plaisir aiux divinités. Non, ce n’est pas à ce sacrifice insensé que Dieu appelait Abraham mais à un autre, bien plus essentiel, bien plus porteur de vie. Essayons de comprendre.

Quand Isaac est enfin arrivé, Abraham a eu une réaction très humaine : il a surprotégé Isaac pour qu’il ne lui arrive rien. Parce que, s’il lui était arrivé quelque chose, la promesse allait s’effondrer, Abraham ne serait jamais le père d’une multitude de peuples. Cette surprotection d’Abraham était donc le signe d’un manque de foi de sa part, il croyait que tout était entre ses mains et que, maintenant que Dieu lui avait donné ce fils, il ne s’en occuperait plus ! Du coup, Abraham devait étouffer Isaac, l’empêchant de faire ce qu’il aurait aimé faire. C’est à cette relation étouffante à son fils que Dieu demande à Abraham de renoncer. Voilà le sacrifice que Dieu lui demande. Si Dieu lui a demandé de monter sur la montagne avec un couteau ce n’était pas pour trancher la gorge de son fils, mais le lien étouffant qu’il avait installé. Voilà ce que nous enseignent les psys qui lisent ce texte en disant, à juste titre, que c’est un texte magnifique. Du coup, vous le voyez, Dieu est vraiment trop ! Il va s’occuper d’Abraham pour qu’il accepte de laisser son fils vivre sa vie. Oui, Dieu est trop !

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons que, d’une manière ou d’une autre, nous puissions, nous aussi faire cette expérience que le Seigneur est trop, trop plein d’amour pour chacune et chacun de nous. Parce que, quand nous aurons fait cette expérience, ce sont nos visages tristes qui seront transfigurés en visages de joie. Oui, Notre Dame de Laghet, obtiens-nous cette grâce pour que notre foi devienne rayonnante.

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