Quand on entend cette page d’Evangile, on pourrait avoir l’impression que c’est un remake de la célèbre chanson : « Tout va très bien madame la marquise ! » Ou plutôt pour respecter l’ordre chronologique que l’auteur de « Tout va très bien madame la marquise ! » s’est inspiré de cette page d’Evangile !
« On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre, et ça et là des épidémies de peste et des famines ; des faits terrifiants surviendront, et de grands signes dans le ciel. On portera la main sur vous et on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon Nom. » Mais ne vous inquiétez pas dit Jésus, je vous dirai ce qu’il faut dire ! La maison commune est à feu et à sang, mais ne vous inquiétez pas, je vous le dis, tout va très bien Mme la marquise !
Et ça continue avec le même refrain : « Vous serez livrés, même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais ne vous inquiétez pas ! Pas un seul cheveu de votre tête ne sera perdu … je vous le répète, ne vous inquiétez pas, tout va très bien Mme la marquise !
Dans ce texte, avec les paroles qu’il prononce, est-ce que Jésus est vraiment sérieux ? C’est la question qu’on pourrait se poser ! J’imagine d’ailleurs qu’un certain nombre de mes confrères connaitront la même tentation que moi : en lisant ce texte d’Evangile qui m’inspirait si peu, je me suis dit que ça serait peut-être plus simple de commenter l’un ou l’autre passage du message du pape François qu’il a écrit à l’occasion de cette 3° journée mondiale des pauvres. Et puis je me suis ressaisi, parce que la tentation, il faut lui résister ! Alors, comme toujours, j’ai supplié : St Esprit, si tu veux que je commente ce texte, inspire-moi ! Alors, en relisant ce texte plus paisiblement, j’ai mieux saisi ce que Jésus voulait nous dire et comment c’était d’une grande actualité particulièrement pour cette journée des pauvres qui est d’ailleurs une invitation à générosité pour quête !
Quand on entend parler de tant de catastrophes, on pense immédiatement à la fin du monde. Mais, il suffit d’écouter les infos ou de lire le journal, pour se convaincre que ce n’est pas de la fin du monde dont Jésus parle mais de notre temps ! On ne peut pas faire la liste des nations qui luttent contre d’autres nations ou qui se préparent à lutter. Les tremblements de terre, pas besoin d’aller très loin pour en voir les conséquences, allez à Viviers ! Les épidémies, les famines, c’est le lot quotidien dans certains pays d’Afrique notamment. Les persécutions, elles reviennent en force, notre temps est un temps qui aura donné bien plus de martyrs que les premiers siècles de l’Eglise. Quant à cette parole concernant le Temple dont il ne restera pas pierre sur pierre, c’est finalement une bonne description de la situation de notre Eglise secouée par tant de scandales, désertée par tant de personnes, attaquée de toute part.
Vous le voyez, Jésus nous invite à poser un regard extrêmement réaliste sur la situation que nous vivons et contrairement à la chanson, il ne dit pas que tout va très bien ! Alors que dit-il ? Eh bien, il va prononcer deux paroles très importantes.
1/ Après nous avoir lucidement aidé à analyser la situation, Jésus dit : « Tous ces événements douloureux peuvent devenir pour vous une occasion de rendre témoignage. » C’est-à-dire que Jésus nous invite à ne pas gémir sur les malheurs du temps présent en regrettant le bon vieux temps ! Ce bon vieux temps où, par exemple, ceux qui nous ont précédés n’avaient pas d’électricité ! On a vu ce que ça donnait avec ces quelques jours où nous en avons été privés … enfin, nous, ici, on avait de la chance, mais il y en a qui en ont bavé. Alors, c’est comme si Jésus nous disait : arrêtez d’être des nostalgiques du bon vieux temps, arrêtez de gémir sur votre temps et mettez-vous au travail !
Mais, comme toujours, Jésus ne nous envoie jamais au charbon sans nous donner les moyens d’accomplir ce qu’il nous demande de faire. Et là, dans le texte, il fait une promesse extraordinaire. Il dit : « je vous inspirerai un langage et une sagesse » Littéralement, en grec, c’est « je vous donnerai une bouche » et on pourrait presque rajouter comme le fait un grand exégète, je vous donnerai « une bouche de prophète » parce que, en grec, on utilise le même mot pour désigner la bouche et le tranchant de l’épée. Jésus nous demande donc de ne pas gémir mais d’oser monter au créneau pour dénoncer, à la manière des prophètes, tous les comportements qui sont à l’origine de tant de catastrophes et pour mobiliser les énergies quand surviennent des catastrophes dont personne n’est responsable. Et c’est comme si Jésus insistait pour nous faire comprendre que nul ne peut se défiler en disant : ma voix ne porte pas assez loin, je suis tellement petit ! Non, dit Jésus, je te donne une bouche de prophète qui sera remplie de sagesse, si tu crois en ma puissance, alors tous tes adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction !
En cette journée des pauvres, si nous relisons le message du pape dans lequel il décrit tant de situations inadmissibles, nous comprenons l’urgence de croire en la promesse de Jésus pour que, partout, se lèvent de nouveaux prophètes qui dénoncent et mobilisent.
2/ La deuxième parole que Jésus prononce pour nous aider à réagir face à cette situation, elle nous encourage vraiment sans nous faire vivre dans l’illusion. Il nous prévient qu’accepter d’avoir une bouche de prophète, ça pourra nous conduire à connaître des problèmes et même de sérieux problèmes. « Vous serez livrés, même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. » C’est extrêmement clair, Jésus nous prévient qu’on a toujours cherché à faire taire les prophètes. Ceux qui veulent continuer à faire leur beurre sur le dos des autres vont réagir. Oui, nous connaitrons des souffrances et ça pourra aller jusqu’à la mort.
Mais Jésus promet que pas un seul cheveu de notre tête ne sera perdu. Vous savez quand on est confronté à des situations, des problèmes insolubles, on dit qu’on s’arrache les cheveux ! Eh bien, nous dit Jésus, si vous acceptez de monter au créneau avec cette bouche de prophète, vous n’avez pas fini de vous arracher les cheveux parce que, des problèmes, vous allez en rencontrer et peut-être même que ce sont les autres qui vous les arracheront. Mais pas un seul de ces cheveux arrachés ne sera perdu, aucune de vos souffrances ne sera vaine si vous acceptez de vivre tout cela dans l’amour et la foi.
Evidemment, quand nous entendons cela, ici, à Chateauneuf, nous ne pouvons pas ne pas penser au témoignage de Marthe. S’il y en a une qui a vécu des souffrances, c’est bien elles, souffrances physiques dues à sa terrible maladie, mais aussi souffrances morales et spirituelles devant les égarements de son époque. Pour ne citer que deux points : elle a vécu l’époque douloureuse de la guerre, et l’époque angoissante du grand n’importe quoi dans l’Eglise.
Eh bien dans ces situations de souffrance, Marthe, après un temps de combat a choisi de jamais gémir sur son sort, sur son temps, elle a refusé toute nostalgie. Comprenant combien tout ce qu’elle vivait, tout ce à quoi elle était confrontée la dépassait, elle a accepté, elle, la pauvre petite handicapée sans beaucoup d’instruction, elle a accepté la bouche de prophète que le Seigneur se proposait de lui donner et quelles merveilles, elle a pu accomplir avec cette bouche de prophète ! Pour autant, tout n’a pas été simple, mais elle a cru fermement à la promesse du Seigneur que pas un seul de ses cheveux ne serait perdu, que pas une seule de ses souffrances ne serait perdue.
Et si, à sa suite, nous faisions vraiment confiance aux promesses de Jésus ?