14 mai : Non pas serviteurs mais amis !

Elle n’est pas simple tous les jours cette mission de prédication, il y a quelques jours, je vous partageais déjà quelques complications du lectionnaire, c’est encore le cas aujourd’hui ! Parce que figurez-vous que, par le plus grand des hasards, l’évangile de la fête de St Matthias est le même que celui prévu pour le jeudi de la 4° semaine, à une différence près, c’est que le texte que nous lisons aujourd’hui en cette fête, le lectionnaire de semaine l’a coupé en deux : une partie aujourd’hui et une autre demain. Et le problème, c’est que la partie sur laquelle je vais prêcher aujourd’hui, c’est précisément celle qu’on va retrouver demain ! Je ne sais pas si vous avez suivi, mais retenez que ce n’est pas simple ! J’ai donc fait le choix, aujourd’hui de parler de l’Evangile et demain, de parler de la 1° lecture.

Nous célébrons la fête d’un apôtre particulier, Matthias, celui qui a été choisi pour compléter le groupe apostolique après la défection de Judas. Il s’agit bien de compléter et non de remplacer. Je sais, on a l’habitude de dire que les cimetières sont remplis de personnes irremplaçables, mais il faut reconnaître que le mot remplacer n’est pas très ajusté. Evidemment, il ne s’agir pas de laisser croire que personne ne sera capable de faire aussi bien que nous, mais de reconnaître que chacun a une manière unique d’accomplir la mission qui lui est confiée. Celui qui viendra pourra faire mieux, il n’empêche que celui qui a précédé a agi de manière unique. Il est donc plus préférable de dire qu’on succède à une personne, c’est plus juste que de dire qu’on la remplace. Et dans le cas présent, y aurait-il eu beaucoup de candidats pour remplacer Judas ?

Fêter un apôtre, quel qu’il soit, c’est nous replonger devant ce grand mystère : Jésus a confié son Eglise à des hommes, bien sûr assistés du Saint-Esprit, mais c’est à des hommes qu’il a demandé de prendre soin de son Eglise qui lui est précieuse comme la prunelle de ses yeux ! Aujourd’hui, ce sont les évêques qui accomplissent le ministère des apôtres, ministère pour lequel ils s’associent des collaborateurs que sont les prêtres. Le ministère des diacres est un peu différent. Fêter un apôtre, c’est donc une invitation à réfléchir au sens du ministère ordonné. Cette réflexion est rendue nécessaire et urgente avec tout ce qui se passe, non seulement dans les Foyers, mais plus largement dans l’Eglise où tant de ministres ordonnés ont, par leurs agissements, terni cette mission. Ce qui est sûr, c’est qu’après l’ébranlement vécu, nous allons devoir y réfléchir sérieusement dans les Foyers. En effet, c’est l’une de nos originalités, demandées par Jésus à Marthe, que de permettre à des laïcs et à des prêtres, vivant ensemble, de porter ensemble la mission, dans une saine articulation du sacerdoce baptismal et du sacerdoce ministériel. Ni Jésus, ni Marthe n’ont donné d’orientations précises à ce sujet, c’est à nous de les chercher et de les adapter en fonction des situations et des époques. Nous n’avons que le cadre général dans lequel cette réflexion doit s’inscrire, ce cadre, il est défini par les célèbres paroles de Marthe à propos du rapport prêtres/laïcs : « Jamais les uns sans les autres, mais les uns avec les autres et surtout pas les uns contre les autres. »

Dans l’Evangile, de ce jour, il y a une parole que j’aimerais mettre en lumière en disant d’abord qu’elle s’adresse à tous mais qu’elle s’adresse aussi de manière toute particulière aux ministres ordonnés. Cette parole, c’est : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis. » Oui, ce qui nous unit profondément et qui nous unira au-delà de toutes les difficultés, de toutes les tempêtes, c’est notre union à Jésus qui ne veut pas faire de nous ses larbins, mais ses amis. Plus nous nous rapprocherons de Jésus et plus nous serons unis, les divisions graves sont toujours l’indice d’un éloignement de Jésus.

Mais c’est vrai que cette parole, Jésus la dit de manière toute particulière aux ministres ordonnés. En faisant des recherches sur cette parole, je suis tombé sur une magnifique homélie de Benoit XVI et j’ai découvert quelque chose qui m’a bouleversé. Voilà ce qu’il disait : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis !  60 ans après, j’entends encore résonner en moi ces paroles de Jésus, que notre grand Archevêque nous adressa à nous les nouveaux prêtres à la fin de la cérémonie d’Ordination. Selon le déroulement liturgique de l’époque, cette acclamation signifiait alors aux nouveaux prêtres l’attribution explicite du mandat pour remettre les péchés. » 

Je ne sais pas si vous le saviez, mais avant, les prêtres ne recevaient pas forcément le pouvoir de confesser au jour de leur ordination. L’illustration la plus connue et la plus étonnante concerne Jean-Marie Vianney. Lui qui sera, comme le disait Jean-Paul II, le martyr du confessionnal, y passant 17 heures par jour aura dû attendre un an après son ordination pour recevoir ce pouvoir ! Mais si l’évêque décidait de donner ce pouvoir au jour de l’ordination, vous l’avez entendu, il le faisait en citant la parole de Jésus : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ! » Il n’y avait pas besoin de rajouter quoique ce soit, cette parole était suffisamment claire : devenir ami de Jésus, c’était recevoir cette capacité et cette mission de remettre les péchés.

Voilà comment Benoit XVI poursuivait son homélie : « Jésus me donne la faculté, qui fait presque peur, de faire ce que Lui seul, le Fils de Dieu, peut dire et faire légitimement : Moi, je te pardonne tes péchés. Il veut que moi – par son mandat – je puisse prononcer avec son « Je » une parole qui n’est pas seulement une parole mais plus encore une action qui produit un changement au plus profond de l’être. Je sais que derrière cette parole, il y a sa Passion à cause de nous et pour nous. Je sais que le pardon a son prix : dans sa Passion, Lui-même est descendu dans la profondeur obscure et sale de notre péché. Il est descendu dans la nuit de notre faute, et c’est seulement ainsi qu’elle peut être transformée. Et par le mandat de pardonner, Il me permet de jeter un regard sur l’abîme de l’homme et sur la grandeur de sa souffrance pour nous les hommes, qui me laisse deviner la grandeur de son amour. »

Je trouve ces paroles tellement bouleversantes, comme Benoit XVI, j’en ai presque peur puisque je réalise un peu mieux ce qui se passe dans le sacrement du pardon. Bien sûr, la même chose se passe aussi dans l’Eucharistie. D’ailleurs Benoit XVI poursuivait en l’expliquant très bien : « Il me dit : Non plus serviteurs, mais amis. Et ainsi, il me confie aussi les paroles de la Consécration eucharistique. Il m’estime capable d’annoncer sa Parole, de l’expliquer de façon juste et de la porter aux hommes d’aujourd’hui. Il s’en remet à moi. Cette affirmation procure une grande joie intérieure et, en même temps, dans sa grandeur, elle peut faire frémir au long des décennies, avec toutes les expériences de notre faiblesse et de son inépuisable bonté. »

Au risque d’être un peu long, permettez-moi de continuer à citer Benoit XVI parce que je crois que la suite s’adresse autant à vous, laïcs, qu’à nous, ministres ordonnés et elle dit l’enjeu de cette parole. « Qu’est-ce que vraiment l’amitié avec Jésus ? L’amitié est une communion de pensée et de vouloir… L’amitié n’est pas seulement connaissance, elle est surtout communion du vouloir. Elle signifie que ma volonté grandit vers le oui de l’adhésion à la sienne. Sa volonté, en effet, n’est pas pour moi une volonté externe et étrangère, à laquelle je me plie plus ou moins volontiers, ou à laquelle je ne me plie pas. Non, dans l’amitié, ma volonté en grandissant s’unit à la sienne, sa volonté devient la mienne et ainsi, je deviens vraiment moi-même. » 

C’est tellement beau et grand d’entendre que dans l’amitié, ma volonté en grandissant s’unit à la sienne, sa volonté devient la mienne et ainsi, je deviens vraiment moi-même.Prions vraiment le Seigneur pour que notre Amitié avec lui grandisse, c’est la seule porte de sortie pour la crise que nous vivons, une porte qui nous fera sortir par le haut. Offrons l’amour avec lequel nous voulons vivre toutes ces souffrances qui nous traversent pour que, chacun et tous ensemble, nous grandissions dans cette Amitié avec Jésus.

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