Nous sommes à la fin du 3° mois de cette année si particulière ; si particulière car personne ne sait encore qu’elle sera marquée dans le calendrier comme l’année moins un ! En effet, dans quelques mois, l’histoire basculera à un point tel qu’on décidera de compter les années à partir de l’événement qui la fait basculer. Dans un tout petit village, Nazareth, village jamais encore cité dans les Ecritures parce que, jusqu’à maintenant, il ne s’y était jamais rien passé ! Dans ce village composé de quelques dizaines de maisons plus ou moins troglodytes, c’est-à-dire appuyées sur la roche, avec au moins une pièce gagnée dans la cavité de la roche, dans l’une des maisons de ce village, une toute jeune fille est là, vaquant à ses activités. Et voilà que, soudain, une lumière envahit la pièce, un ange apparait, et pas n’importe quel ange, c’est Gabriel, celui qui annonce les grandes nouvelles, celles qui impactent profondément l’histoire de l’humanité.
Que dit cet ange ? Eh bien, tout naturellement, il commence à saluer la jeune fille, Myriam en araméen, Marie dans notre traduction. Qu’il la salue, il n’y a rien d’étonnant, Gabriel est poli ! Mais ce sont les mots de sa salutation qui sont étonnants : Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. Ces mots sont tellement étonnants que le texte nous dit : À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. Qu’y a-t-il de si étonnant, de si bouleversant dans cette salutation de l’Ange ? Ce qui est étonnant, bouleversant, c’est le mot qui est au centre, Comblée-de-grâce, en grec, c’est un seul mot.
Oui, c’est ce mot qui bouleverse profondément le cœur de Marie, parce que vous aurez remarqué que l’Ange remplace le nom de Marie par ce mot : Comblée-de-grâce. Dans sa salutation, logiquement, l’Ange aurait dû dire : je te salue Marie. Mais il ne l’a pas dit, il a remplacé le nom de Marie par ce mot qui devient comme le nouveau nom de Marie : Comblée-de-grâce. Jamais personne, depuis le début de l’histoire de l’humanité n’avait été appelé par ce nom et jamais personne ne le sera, dans la suite de l’histoire. C’est le privilège de Marie, ce privilège que nous rappelons à chaque fois que notre prière s’adresse à Marie dans le « Je vous salue Marie » dont les premiers mots reprennent précisément la salutation de l’Ange. Je vous salue Marie, Comblée-de-grâce, c’est avec ce nouveau nom que, désormais, nous l’invoquons.
Pourquoi j’insiste tant ? Tout simplement parce que c’est précisément ce nom qui est à l’origine de la fête que nous célébrons aujourd’hui. A Laghet, nous célébrons, aujourd’hui, cette fête de l’Immaculée Conception avec une autorisation spéciale de l’évêque, parce que nous sommes un sanctuaire marial. Dans le reste de l’Eglise, elle sera célébrée demain. Mais on peut l’affirmer, la fête de l’Immaculée Conception trouve dans ce nouveau nom donné par l’Ange à Marie son fondement biblique. Certes le dogme de l’Immaculée Conception n’a été proclamé qu’en 1854, nous fêtons donc le 170° anniversaire de sa promulgation ; proclamé, il y a 170 ans, il était déjà contenu comme en germe dans l’Evangile que nous avons entendu, dans ce nouveau nom donné à Marie : Comblée-de-grâce.
Que signifie ce nom ? Je l’ai expliqué assez longuement, hier, dans l’enseignement que j’ai donné ; je le résume rapidement. Le cœur de Marie a été rempli de grâce par le Seigneur, c’est-à-dire d’un amour du plus grand millésime qui puisse exister. Le Seigneur l’a tellement rempli qu’il n’y a plus jamais eu de place pour le péché en elle. Et, comme Marie n’était pas un panier percé, comme nous, elle n’a jamais perdu cette grâce dont son cœur avait été rempli. Nos cœurs, le Seigneur n’a qu’un désir, c’est de les remplir aussi de sa grâce, de cet amour du plus grand millésime, mais, en nous, le péché a fait des dégâts, si je peux me permettre l’expression : nous ne sommes plus étanches ! Parce que nos cœurs sont des paniers percés, nous devenons des gaspilleurs de grâce. Marie, elle, elle n’a jamais connu ce problème parce que le péché n’a fait aucun dégât en elle.
C’est ce que lui dit l’Ange en l’appelant par ce nom nouveau qu’elle entend pour la 1° fois et qui, forcément, la bouleverse : Comblée-de-grâce. Ça signifie qu’une bonne quinzaine d’années auparavant, dans le sein de sa maman, Anne, Dieu a fait un truc absolument impensable. Il a réparé les dégâts provoqués par le péché originel dans le cœur de cette cellule-fœtus qui était déjà Marie. Aujourd’hui, les chirurgiens font des merveilles, ils sont devenus capables de faire des opérations « in utero » pour réparer des anomalies et nous ne pouvons que nous en émerveiller. Mais Dieu l’avait fait bien avant eux, car lui, il est le plus grand des chirurgiens, le chirurgien de l’amour.
Pour nous, ce grand chirurgien est sans cesse au travail, par sa miséricorde, il enlève, à chaque fois que nous allons recourir à sa miséricorde ces tumeurs malignes que sont nos péchés. Pour Marie, il a opéré « in utero », dans le sein d’Anne, pour enlever le gène du péché. Trop fort, notre Dieu ! Et pourquoi l’a-t-il fait ? Pas pour récompenser Marie ; qu’aurait-elle pu faire de si extraordinaire au moment même où elle a été conçue ? Dieu l’a fait parce qu’il avait décidé de lancer la plus grande opération commando de toute l’histoire : sauver l’humanité dangereusement enserrée dans les filets du péché. Au sein de la Trinité, la décision avait été prise, le Fils éternel allait s’incarner pour sauver les hommes parce que les ténèbres et le péché avaient suffisamment fait de dégâts. Le Fils éternel viendrait parmi les hommes pour donner sa vie afin que les hommes puissent retrouver leur dignité de fils, d’enfants de Dieu. C’est de cet événement dont nous ferons mémoire dans une quinzaine de jours, à Noël.
Et alors, par une grâce toute spéciale, ce Salut que les hommes recevront ensuite en invoquant le Nom de Jésus, ce don du Salut, Marie l’a reçu par anticipation, in-utero. C’est ce que nous célébrons aujourd’hui, c’est le contenu du dogme de l’Immaculée Conception que je viens de résumer en des mots plus accessibles. Encore une fois, si le dogme n’a été proclamé qu’en 1854, tout ce qu’il dit était en germe dans le nom nouveau que l’Ange donné à Marie: Comblée-de-grâce.
Rapidement, je tire deux conclusions de tout ce que je viens de dire.
- 1° conclusion : puisque Marie est Comblée-de-grâce, pleine de grâce, n’hésitons pas à lui demander qu’elle nous obtienne la grâce. Beaucoup viennent dans ce sanctuaire, comme dans tous les sanctuaires mariaux, demander des grâces à Marie et, souvent, elle les leur donne. Mais n’oublions pas de lui demander qu’elle nous obtienne la grâce, cet amour millésimé pour que nous puissions nous en délecter et le distribuer largement dans ce monde qui en a tant besoin.
- 2° conclusion, cette fête doit résolument nous établir dans l’action de grâce, la gratitude, pour employer un mot à la mode. Puisque Dieu, le grand chirurgien de l’amour a été si généreux pour Marie et que, par le don de Jésus, il ne cesse de l’être pour nous, soyons dans la gratitude et la meilleure manière de l’être, c’est de nous tourner vers Lui pour le louer et laisser passer ce don inestimable de l’amour qu’il ne cesse de nous faire.
C’est vraiment ce que nous demandons par l’intercession de Notre Dame de Laghet.