22 avril : vendredi de la semaine pascale. Quand Pierre se jette à l’eau parce qu’il a compris qu’il n’y a pas d’autre nom que le nom de Jésus pour le sauver !

Toute cette semaine, nous nous promenons d’un Evangile à l’autre pour suivre Jésus ressuscité dans les jours qui ont suivi sa résurrection. Ce passage d’un Evangile à l’autre peut nous donner l’impression d’être un peu perdu car les apparitions de Jésus ressuscité ne sont pas racontées dans le même ordre. J’ai expliqué aux retraitants que ces différences étaient un signe supplémentaire de la vérité de l’Evangile. En effet, si tout avait été inventé, je peux vous assurer qu’on aurait inventé un truc béton dans lequel tout serait concordant. Ceux qui veulent fabriquer des preuves sont extrêmement attentifs pour que tout s’emboite parfaitement. 

Aujourd’hui, c’est donc l’Evangile de Jean qui nous accompagne. Je vous retrace rapidement la chronologie post-pascale dans cet Evangile de Jean. Marie-Madeleine, de bon matin, va au tombeau, voyant la pierre roulée, elle n’entre pas mais court prévenir les apôtres. Pierre et Jean se rendent vite au tombeau, Jean arrivé le 1° laisse entrer Pierre qui ne voit rien, quant à Jean, devant ce qu’on pourrait une « absence réelle », il nous est dit : il vit et il crut… mais, retenons bien que ni l’un ni l’autre, ne voient Jésus. Marie-Madeleine retourne au tombeau et là, elle va rencontrer Jésus qui l’envoie annoncer la bonne nouvelle de sa résurrection aux apôtres, il ne nous est rien dit sur la manière dont les apôtres ont reçu cette annonce. Le soir venu, Jésus vient au milieu de ses apôtres, alors que les portes étaient fermées et il leur donne un acompte d’Esprit-Saint en les envoyant en mission. Problème, Thomas n’était pas là, la belle aubaine pour les 10 autres, comme Thomas insiste pour voir Jésus, il faut attendre cette apparition à Thomas ; ouf, ils ne sont pas obligés de partir tout de suite en mission, ça leur faisait tellement peur ! Ils attendent donc et ce n’est que la semaine suivante que Jésus viendra rencontrer Thomas, ça sera l’Evangile de dimanche. Donc, théoriquement, après cette rencontre entre Thomas et Jésus, plus rien ne devrait les empêcher de partir en mission pour répondre à l’appel que Jésus leur a lancé à la fin de la 1° apparition. 

Ils partent donc, oui, ils partent, mais, vous l’avez entendu, au lieu d’aller en mission, ils partent à la pêche ! Et celui qui a eu cette excellente idée … enfin quand je dis excellente, j’espère que vous comprenez que c’est ironique, celui qui a eu cette excellente idée, c’est Pierre ! J’aime bien dire avec humour, mais réalisme quand même, au lieu d’aller en mission, le pape part à la pêche et, en plus, il emmène les cardinaux avec lui ! On croit rêver ! Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner qu’ils passent toute la nuit sans rien prendre ! Quand on n’est pas là où Jésus nous a envoyés, il ne faut pas s’étonner que nos actions ne portent aucun fruit, c’était comme ça pour les apôtres, ça reste encore comme ça pour nous aujourd’hui !

Dans cet épisode, il y a un autre avertissement pour nous. Les apôtres viennent de vivre des jours qui ont totalement bouleversé leur vie et au moment où, assistés par le Saint Esprit, bien sûr, il leur faudrait inventer une nouvelle manière de vivre, ils cèdent à la tentation de recommencer comme avant, de reprendre leur vie là où il l’avait laissée. Et c’est justement parce qu’ils n’osent pas prendre de risques pour s’engager dans une vie différente à inventer au jour le jour en suivant les inspirations du St Esprit qu’ils vont peiner toute une nuit sans rien prendre. Quand on est appelé à l’audace, l’immobilisme ne peut pas être fécond. Le pape n’arrête pas de dénoncer l’immobilisme en tant de lieux en Eglise, un immobilisme justifié par cette fameuse phrase : « on a toujours fait comme ça, il n’y a donc aucune raison de changer ! » Interrogeons-nous sur ce qui pourrait être un peu trop figé dans nos manières d’agir, de vivre notre vie de disciples-missionnaires.

Et, ce que je trouve vraiment formidable dans cet Evangile, c’est l’attitude de Jésus. Non seulement Jésus ne leur fait pas de reproches, non seulement il ne leur donne pas une leçon de morale en leur expliquant avec une ironie cinglante qu’il ne les avait pas envoyés à la pêche mais il va accomplir un miracle pour eux : une pêche miraculeuse. Cette pêche miraculeuse, dans ce contexte, a un sens particulier. En effet, dans l’évangile de Luc, l’appel des 4 premiers disciples dont Pierre se fait après une pêche miraculeuse. Il est très fin, Jésus ! Il constate que ses apôtres, au lieu de partir en mission, étaient en train de retourner à leur vie d’avant, il comprend que ce départ à la pêche doit être interprété comme une démission, au sens étymologique, c’est-à-dire une fuite de la mission. 

Alors, que fait Jésus quand il les rejoint ? Il ne leur adresse aucun reproche, dans l’état où ils sont, ils n’ont pas besoin d’être accablés, ils le sont déjà suffisamment comme ça ! Jésus ne se transforme pas non plus en super coach initiant une séance de re-motivation en utilisant les meilleures techniques de développement personnel ! Il fait bien mieux que tout cela ! En leur donnant cette pêche miraculeuse, il les renouvelle dans leur vocation première, il les ramène à ce jour béni où ils avaient décidé de tout quitter pour le suivre et c’était justement après une pêche miraculeuse ! Ce jour-là, ils avaient expérimenté que c’est en suivant Jésus que leurs vies deviendraient fécondes. Jésus leur donne donc de refaire cette même expérience, alors tout peut s’éclairer pour eux. En désobéissant à la parole de Jésus qui les avait envoyés en mission, ils ont vécu une grande déception, leur démarche n’a eu aucune fécondité ; et voilà qu’en obéissant à nouveau à la parole de Jésus qui les avait rejoints et donné l’ordre de jeter les filets, ils refont l’expérience d’une extrême fécondité. Tout devient particulièrement clair, ils ont le choix : n’en faire qu’à leur tête et avoir une vie stérile ou accepter de suivre Jésus sans jamais plus démissionner pour devenir féconds. Evidemment, tout cela reste encore vrai, aujourd’hui !

Je termine en soulignant la belle attitude de Pierre. Parce que, moi, je sais ce que j’aurais fait si j’avais été à la place de Pierre, c’est sûr que je ne me serai pas jeté à l’eau pour arriver le premier vers Jésus ! En effet, il faut bien réaliser que ça va être la 1° rencontre en tête-à-tête, entre Pierre et Jésus depuis le triple reniement. Moi, à la place de Pierre, j’aurais plutôt envoyé Jean en éclaireur en lui disant : va lui parler de moi, et si tu te rends compte qu’il ne m’en veut pas trop, fais-moi un signe et je viendrai ! Non, Pierre, il est sans calcul, quand il comprend que c’est Jésus, alors, tout de suite, il se jette à l’eau ! Et qu’est-ce qui l’a encouragé à se jeter à l’eau ?

Il m’est venu à l’idée ou plutôt, le St Esprit m’a suggéré ceci : cette parole que nous avons entendue dans la 1° lecture quand Pierre se justifie auprès des chefs religieux : En nul autre que Jésus, il n’y a de salut. Peut-être que cette parole est montée dans son cœur quand Jean lui dit : c’est le Seigneur. Lui, Pierre qui est encore empêtré dans sa culpabilité gardant si douloureusement le souvenir de son reniement, quand il entend : c’est le Seigneur, le St Esprit fait monter cette parole dans son cœur : En nul autre que Jésus, il n’y a de salut. Alors Pierre comprend qu’il faut qu’il se jette à l’eau, qu’il aille en premier rencontrer Jésus parce qu’il a plus besoin que tous les autres de rencontrer Jésus puisque, en nul autre que Jésus, il n’y a de salut. Et cette parole va tellement se graver dans son cœur qu’il n’aura pas de mal à la ressortir quand il le faudra.

Et nous connaissons la délicatesse de Jésus qui ne profite pas de ces quelques minutes de tête à tête pour inquiéter Pierre en lui disant : on n’a pas le temps de régler tout de suite nos comptes puisque les autres vont arriver, mais on va le faire ! Non, rien de tout cela, Jésus a improvisé un barbecue parce qu’il veut prendre soin de ses apôtres éprouvés par cette nuit de pêche passée sans rien prendre ! Après, il prendra Pierre à part, mais il lui posera la seule question qui l’intéresse : m’aimes-tu ? Il ne lui demande pas : est-ce que tu me jures de ne pas recommencer ? Il lui demandera : M’aimes-tu, il n’y a que ça qui compte.

Prions pour que, dans les moments difficiles de notre vie, le Saint Esprit fasse aussi remonter de nos cœurs, cette parole : il n’y a pas d’autre nom que le nom de Jésus qui puisse te sauver ! Que ces mots nous donnent, à nous aussi, le courage et le désir de nous jeter à l’eau pour rejoindre les bras de Jésus déjà ouverts pour nous donner l’accolade de la miséricorde. Et soyons sûrs que, dans le temps de cette accolade, il ne nous posera qu’une seule question, la seule qui compte à ses yeux : m’aimes-tu ?

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