Cette 1° lecture que nous avons entendue constitue un véritable monument de la littérature scripturaire et spirituelle. En effet, dans cette hymne, construite avec tant de soins, Paul va résumer en quelques phrases toute l’histoire du Salut, toute la dynamique du Salut. Mais il ne le fait pas uniquement de manière théologique, conceptuelle. Je vous avoue que je regrette que le lectionnaire liturgique n’ait pas retenu la petite mention si touchante qui introduit cette hymne.
En effet, l’hymne ne commence pas par ces mots : Frères, ayez en vous les dispositions
qui sont dans le Christ Jésus suivis par le développement : Le Christ Jésus, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu… Il y a quelques phrases qui ont été sautés et que je vous cite : pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité. Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres. Et c’est seulement là qu’on trouve le début de la lecture : Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu…
Pourquoi je trouve dommage que ces phrases aient été sautées ? Tout simplement parce que cette lettre aux Philippiens est une véritable lettre pastorale, elle est la lettre qu’un pasteur adresse à une communauté qui lui apporte beaucoup de satisfactions, dont la vie, l’apostolat est exemplaire. La lettre aux Galates que nous avions lu précédemment avait été écrite pour redresser une communauté qui avait bien commencé et qui avait fini par dériver, d’où le ton ferme employé par Paul. Ce ton, on ne le retrouvera jamais dans la lettre aux Philippiens. On sent qu’un lien très fort, tant spirituel qu’amical, s’est établi avec cette communauté des Philippiens, il y a une véritable connivence entre le pasteur et sa communauté. Quand c’est le cas, les chrétiens cherchent toujours à offrir des cadeaux à leur pasteur pour le remercier de tout ce qu’il leur apporte. C’est ce contexte qui explique l’hymne aux Philippiens que Paul introduira par ces mots : pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité.
Autrement dit, Paul explique aux Ephésiens que le plus beau cadeau qu’ils pourront lui faire, c’est d’être des chrétiens particulièrement lumineux. Ce qui le comblera de joie, bien plus, qu’un cadeau offert, ça sera que ces chrétiens aient en eux les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments sous-entendu qui sont dans le Christ Jésus, ce qu’il dira explicitement quelques mots plus loin : Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus ! C’est comme si Paul disait : vous cherchez comment exprimer votre gratitude à mon égard, eh bien, il n’y aura qui me fera plus plaisir, qui me donnera plus de joie que de constater qu’en vous regardant vivre, je vois le Christ parce que vous avez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus. C’est tellement beau que c’est dommage que la lecture nous ait privé de ces paroles si fortes.
Et c’est donc après cette mise au point que Paul va donner cette si belle hymne, comme pour donne rde la chair à ce qu’il vient de dire. Parce que les Philippiens auraient pu l’interroger en lui disant : tu veux que nous ayons en nous les dispositions qui sont en Christ, mais quelles sont ces dispositions ? Paul va les expliciter dans l’hymne en parlant de cet abaissement que le Christ a choisi de vivre et, ce mouvement d’abaissement, le Père le bénira en exaltant Jésus. Donc, là encore, c’est son cœur de pasteur qui parle, disant aux Philippiens : si, vous-mêmes, vous voulez être bénis par Dieu, eh bien, ayez en vous les dispositions qui sont en Christ, vivez dans la foi, dans la joie, dans l’humilité, dans l’abandon ce mouvement d’abaissement. Bien évidemment, ce que Paul disait, hier, aux Philippiens, il nous le dit pareillement aujourd’hui. Si nous voulons, en permanence, être bénis par Dieu, nous savons donc ce qu’il nous reste à faire !
Si la 1° lecture nous livrait le secret pour un rendre un pasteur heureux et recevoir en retour la bénédiction permanente du Seigneur, l’Evangile lui, nous dit comment faire la joie du Seigneur, lui-même. Cet homme dont parle la parabole qui donne un grand festin, c’est le Seigneur lui-même. Avez-vous remarqué que le texte ne dit pas pour quelles raisons il a décidé de donner ce festin.
J’aime ce détail qui semble nous dire que, pour cet homme, tout était prétexte à donner un festin ; il n’avait pas besoin de chercher des circonstances exceptionnelles parce que, ce qui le rendait le plus heureux, c’est d’être au milieu de ses invités, sa joie, c’était leur présence. Hélas, les invités n’en avaient aucune conscience et lorsque l’invitation leur arrivait, ils avaient tous de bonnes raisons de se défiler. Quelle humiliation pour celui qui invite ! Mais il ne s’enfermera pas pour autant dans le ressentiment, il ne renoncera pas à son projet parce qu’il ne veut pas renoncer à sa joie, il en invitera d’autres et encore d’autres jusqu’à ce que la salle du festin soit pleine. Notre Dieu est ainsi, il aime être au milieu de nous, rien ne lui fait plus plaisir que notre réponse positive à son invitation. Ce qui le comble le plus de joie, ce ne sont pas nos coups d’exploit pastoraux ou les sacrifices que nous nous imposons ou je ne sais quoi d’autre encore, ce qui le comblera de joie, c’est que nous répondions favorablement à ses invitations quand il nous propose de venir le retrouver.
Puisque nous savons comment faire la joie de notre Seigneur, demandons à Notre Dame de Laghet qu’elle nous fasse la grace de ne pas nous défiler, aujourd’hui, aux appels qu’il nous lancer !