Dans la 1° lecture, nous avons entendu cette si belle prière de Paul, sa prière de pasteur demandant au Seigneur ce qu’il y a de meilleur pour ceux qui lui sont confiés. Reprenons quelques éléments de cette prière de Paul pour goûter la profondeur de ces paroles, ce qui nous permettra de prier à notre tour pour les pasteurs envoyés par l’Eglise prendre soin, au nom du Seigneur, des brebis. En ce jour de prière de guérison, nous pourrons donc prier pour la guérison des cœurs de tous les pasteurs afin que nous devenions tous, toujours mieux des pasteurs selon le cœur du Seigneur.
Qu’il est bon d’entendre Paul dire : je ne cesse pas de rendre grâce, quand je fais mémoire de vous dans mes prières. On reconnait bien là le vrai pasteur ! Le pape François aime rappeler aux prêtres et aux évêques que le vrai pasteur, c’est celui qui « garde sur lui l’odeur des brebis. » C’est-à-dire celui dont le cœur est toujours plein de ce que vivent ses brebis. Ce sont les premiers mots de la constitution Gaudium et spes du concile Vatican II qui disent : Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur.
Voilà ce que signifie garder l’odeur des brebis sur soi ! Le pape ne cesse de mettre en garde les prêtres pour que jamais ils ne se laissent envahir par l’esprit du monde car cet esprit les conduirait à accomplir les tâches du ministère en bons fonctionnaires, ouvrant leur bureau de telle heure à telle heure et revendiquant ensuite la liberté de mener leur vie comme ils l’entendent. Celui qui est pasteur doit se laisser prendre tout entier, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faudra pas s’accorder du repos, de la détente, mais quoique nous fassions, nous garderons sur nous l’odeur des brebis, c’est bien ce qui transparait dans la déclaration de Paul : Je ne cesse pas de rendre grâce, quand je fais mémoire de vous dans mes prières.
Paul poursuit sa prière en faveur des chrétiens d’Ephèse avec ces mots : que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père dans sa gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le révèle et vous le fasse vraiment connaître. La théologie de Paul est bien au point parce que, de fait, parmi les 7 dons que donne l’Esprit-Saint, le don de sagesse est le plus désirable, c’est celui qu’on place au sommet de l’échelle puisque c’est lui qui harmonise nos vies pour qu’elles soient au diapason de Dieu. En demandant un esprit de sagesse pour les Ephésiens, Paul, en bon pasteur, demande vraiment le meilleur pour eux.
Et sa prière se continue : Qu’il ouvre à sa lumière les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle espérance vous ouvre son appel, la gloire sans prix de l’héritage que vous partagez avec les fidèles. Là encore, elle est belle et profondément juste cette prière parce que l’espérance ne doit pas naître de ce que nous voyons avec nos yeux de chair. D’ailleurs, avec ce que nous voyons, c’est parfois le désespoir qui pourrait naître en nous. C’est bien pour cela que Paul précise que l’espérance ne pourra nous habiter que si nous apprenons à regarder avec les yeux de notre cœur, c’est-à-dire avec un regard de foi porté sur les événements et sur les personnes. En effet, Paul veut que les choses soient claires : il nous a appelés pour que nous vivions dans l’espérance. Je relis sa formulation : pour que vous sachiez quelle espérance vous ouvre son appel. Il nous appelle pour que nous nous tenions dans l’espérance.
Il est essentiel de bien faire la différence entre espoir et espérance, Paul n’invite pas les chrétiens à l’espoir ou l’optimisme. L’optimisme, c’est une affaire de tempérament, l’espoir c’est le résultat d’une analyse lucide de la situation qui constate que le plus l’emporte sur le moins. L’espérance, c’est bien autre chose, c’est une vertu théologale, c’est-à-dire qu’elle est donnée par Dieu. L’espérance, comme le disait Péguy, c’est la petite sœur de la foi et de la charité. Il ne peut y avoir d’espérance sans foi parce que l’espérance, ce n’est pas chanter : ça ira mieux demain ! Non ! L’espérance, c’est croire qu’au bout du compte l’amour l’emportera quand Dieu sera tout en tous.
Pour la suite de la prière qui n’est plus seulement une prière pour les pasteurs, je souligne encore cette parole que je reformule en changeant l’ordre des groupes de mots pour que nous réalisions mieux la puissance des paroles de Paul : « l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts, cette puissance incomparable il la déploie pour nous, les croyants ! » On imagine la puissance qu’il a fallu pour faire revenir à la vie le cadavre de Jésus, eh bien, cette puissance que le Père a mise en œuvre à ce moment, il la met à notre disposition. Avons-nous assez de foi pour croire que cette puissance est à notre disposition et surtout avons-nous assez de foi pour oser nous servir de cette puissance ? C’est une bonne question à nous poser en ce jour où ous sommes venus à ce temps de prière de guérison.
Quelques mots sur l’Evangile. Je voudrais m’arrêter sur cette parole de Jésus qui pourrait sembler tout à la fois énigmatique et redoutable : Quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné ; mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné. Pour Jésus, c’est clair tout peut être pardonné, tous peuvent être pardonnés, même ceux qui auront dit du mal de lui. Pourtant il y a quand même une restriction : si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné. Il y a eu beaucoup de choses qui ont été dites sur le sujet pour essayer de voir ce que Jésus vise en parlant du blasphème contre l’Esprit. Et c’est vrai qu’il est important d’avoir des idées claires sur le sujet puisque c’est le seul péché qui ne peut pas être pardonné. Il me semble qu’il ne faut pas trop se casser la tête parce que ce n’est pas si compliqué que ça ! Jésus dit que tout peut être pardonné à ceux qui croient que la miséricorde du Seigneur n’a pas de limite, par contre celui qui met des limites à la miséricorde, celui-là ne peut pas être pardonné. Ce n’est pas que Dieu ne veut pas lui pardonner, mais il ne peut pas car pour être pardonné encore faut-il croire au pardon sans limite. Ne pas croire en la miséricorde illimitée, c’est donc très grave puisque c’est ce que Jésus appelle le blasphème contre l’Esprit.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, que cette grâce de ne jamais douter de la miséricorde nous soit accordée.