Samedi 15 octobre : 28° semaine ordinaire Espérer contre toute espérance, voilà qui nous parle en ces jours !

Depuis lundi, nous sommes entrés dans la lecture continue de l’épître aux Romains et j’espère que vous n’en êtes pas lassés parce que je préfère vous prévenir que ça va durer encore 3 semaines ! Un mois de lecture continue sur un livre des Ecritures, à ma connaissance, il n’y a que l’épitre aux Romains à qui la liturgie ait accordé un tel privilège ! Il faut dire qu’avec cette lettre de St Paul qui n’en est peut-être pas une, nous sommes vraiment au cœur de la Foi. On peut dire que la lettre aux Romains est la retraite fondamentale de St Paul, c’est pour cela que certains exégètes se demandent si c’est vraiment une lettre destinée à une communauté particulière, la communauté de Rome ou un traité écrit par Paul dans la maturité de son mûrissement théologique pour fixer si ce n’est sur le marbre au moins sur le parchemin l’essentiel de ses réflexions sur la foi chrétienne.

Cette épître aux Romains, elle n’est pas la plus simple des lettres de Paul, mais pour autant, tout n’est pas compliqué et quand on a repéré le grand mouvement de cette épître, on devient un peu plus capable d’entrer dans sa compréhension et d’accueillir le message lumineux que le Saint-Esprit a inspiré à Paul quand il l’a écrite. Dans les retraites fondamentales que je prêche je m’appuie sur cette épître aux Romains en me servant du commentaire génial qu’en a fait le père Cantalamessa dans l’un de ses plus grands livres : « La vie dans la seigneurie du Christ. » Il explique que ce livre lui a été inspiré immédiatement après sa conversion et qu’il l’a écrit justement pour conforter la conversion de ceux qui viennent de découvrir la puissance de la Seigneurie du Christ dans leur vie ou pour donner le désir à ceux qui n’ont encore pas fait cette expérience de la Seigneurie du Christ. 

C’est chez le père Cantalamessa que j’ai trouvé cette présentation si simple et percutante du mouvement de l’épître aux Romains que j’aimerais vous partager parce qu’il vous aidera ensuite à situer chaque extrait que nous entendrons dans les messes des semaines à venir. Mais si je veux vous partager ce mouvement général, c’est aussi parce qu’il résume à lui seul l’essentiel du message de cette épitre aux Romains et par là-même l’essentiel de l’itinéraire du croyant. 

Il y a deux grandes parties dans cette épître aux Romains et on passe de l’une à l’autre en traversant ce qui va donc être la partie centrale. Pour définir ces deux parties, je vais utiliser les mots du père Cantalamessa. Les 8 premiers chapitres constituent la 1° partie qu’il appelle l’exposé kérygmatique dans lequel Paul va conduire les chrétiens au cœur du mystère de la foi, c’est le sens du mot kérygme. La 2° partie commence au chapitre 12 et le père Cantalamessa lui a donné un nom qui nous est peut-être moins habituel, il parle de l’exposé « parénétique. » La parénèse, c’est une exhortation, cet exposé parénétique vise donc à aider les chrétiens à mettre la foi en pratique. Donc 1° partie, l’exposé de la foi, la partie kérygmatique et 2° partie, la mise en application concrète de la foi, l’exposé parénétique. Et ce qui permet de passer de la 1° à la 2° partie, c’est le noyau central, c’est-à-dire le chapitre 8 qui concerne la vie de l’Esprit. Si vous avez bien suivi, il manque 3 chapitres, les chapitres 9, 10 et 11 qui ont un statut particulier puisqu’ils sont une réflexion sur la situation d’Israël. Je détaille un tout petit peu, comme ça, vous pourrez replacer les lectures de chaque jour dans ce mouvement général, et ainsi vous en comprendrez mieux la fine pointe.

Dans la 1° partie kérygmatique, Paul ne va pas énoncer ce qu’il faut croire, il ne va pas détailler tous les articles de foi auxquels il faudrait adhérer intellectuellement pour être un bon croyant. Non ! Dans cette partie, il va plutôt méditer sur tout ce que Dieu a fait pour nous sauver. Ça signifie donc que, pour Paul, la foi consistera fondamentalement à accueillir ce que Dieu a fait. Pour résumer cela, le père Cantalamessa a cette formulation géniale : « toutes les religions vous diront ce que vous devez faire pour parvenir au Salut ou à l’illumination, le christianisme est la seule religion qui vous dira ce que Dieu a fait pour vous sauver. »

Ainsi donc, nous percevons d’emblée que le christianisme n’est pas une religion dans laquelle il faut faire, beaucoup faire, faire toujours plus et toujours mieux. Ceux qui prêchent cela transforment la foi en religion de la transpiration, une religion très peu attirante, vous en conviendrez. Non ! Le christianisme, c’est la religion de l’accueil de ce que Dieu a fait pour nous. 

Et comment peut-on accueillir ? Eh bien, c’est la partie charnière qui le révèle en développant ce qu’est la vie dans l’Esprit. Sans l’Esprit-Saint, nous resterions des spectateurs, des spectateurs émerveillés, peut-être, mais des spectateurs de tout ce que Dieu a fait, mais nous ne pourrions pas l’accueillir et nous laisser transformer par tant d’amour. L’Esprit-Saint va nous permettre de nous approprier tout ce que Dieu a fait pour nous. Et alors, quand, par l’Esprit-Saint, on a accueilli ce que Dieu a fait pour nous, on devient capable de mener une vie en cohérence avec notre foi, une vie qui soit notre réponse d’amour à l’amour premier que nous avons reçu. C’est ce que Paul développe dans la 2° partie parénétique qui est donc cette exhortation, cet encouragement à mener une vie qui, comme il le dira dans les premiers versets du chapitre 12, déploie un amour vécu sans hypocrisie, c’est-à-dire un amour hissé, par la puissance du Saint-Esprit, à la hauteur de l’amour premier que nous avons reçu et que nous ne cessons de recevoir.

Voilà, quand on a ça en tête, on peut lire plus facilement l’épître aux Romains ! Replacer chaque extrait qu’on lit dans ce mouvement général de l’épitre, c’est se donner déjà de bonnes clés de lecture et d’interprétation. On peut faire tout de suite une application concrète avec la 1° lecture d’aujourd’hui qui se situe donc dans la première partie kérygmatique, cette partie qui nous donne à contempler ce que Dieu a fait pour nous. Paul va mettre en avant la figure d’Abraham qui lui permet d’illustrer le grand principe que nous avons entendu dans la lecture d’avant-hier : « En effet, nous estimons que l’homme devient juste par la foi, indépendamment de la pratique de la loi. » Nous le savons, c’est la lecture de ce verset qui va provoquer comme une illumination chez Luther, ce moine scrupuleux qui était entré dans une forme de dépression spirituelle parce qu’il avait la certitude de ne jamais en faire assez pour contenter Dieu. Il était à fond dans cette déprimante religion de la transpiration. En lisant ce verset, il découvre avec émerveillement que nous ne serons pas sauvés en accumulant le plus possible de bonnes œuvres, en faisant toujours plus et mieux pour contenter Dieu. Non ! Nous serons sauvés par grâce, c’est-à-dire gratuitement, sans mérite, en accueillant ce que Dieu a fait pour nous en Jésus. C’est la foi qui nous sauvera. Et Paul le montre avec la figure d’Abraham. Hier, nous entendions ces mots : « Si l’Ecriture considère qu’Abraham est juste, ce n’est pas par l’accumulation de ses bonnes œuvres mais en raison de sa foi. »

Et, aujourd’hui il va développer un aspect de la foi d’Abraham qui peut nous intéresser particulièrement en ces jours troublés que nous vivons. Paul va lier la foi à l’espérance dans cette belle formule que nous connaissons bien : « Espérant contre toute espérance, Abraham a cru. » Autrement dit, c’est la foi qui nous donne d’espérer même quand l’espérance semblerait impossible : « Espérant contre toute espérance, Abraham a cru. » C’est vrai que, pour croire en la promesse que Dieu lui avait faite, Abraham ne pouvait pas s’appuyer sur ce qu’il voyait. Quand il ouvrait les yeux, il voyait qu’il était vieux, que Sarah était vieille et qu’ils n’avaient toujours pas d’enfants. De tels constats n’incitent pas forcément à l’espérance. Mais ce n’est pas en s’appuyant  sur ce qu’il perçoit qu’Abraham va pouvoir entrer dans l’espérance, c’est en s’appuyant sur Dieu.  C’est en croyant que Dieu est fiable, que Dieu est digne de foi. Avec Abraham, on n’est qu’au début de la Révélation, mais peu importe puisque, depuis les origines, on peut constater que Dieu est digne de foi : il dit et cela fut. C’est ainsi que la création s’est réalisée. Il n’y a pas de raison pour que ça change : ce que Dieu dit, ça se réalise, ce que Dieu promet, il le tient. Dieu a dit qu’Abraham serait le Père d’une grande nation eh bien, parce que Dieu est Dieu, cela sera ! 

Aujourd’hui, si nous posons un regard lucide sur la situation de l’Eglise, nous risquons de désespérer : ce que nous voyons, ce que nous entendons nous casse le moral. Et, hélas, nous n’avons sûrement pas encore tout entendu. Alors, nous n’avons pas d’autre issue que de nous appuyer sur Dieu, d’entrer dans la foi, croire que ce que Dieu a dit, il le fera. Jésus a dit à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » Le Seigneur a dit et cela fut, le Seigneur a dit et cela sera. 

Maintenant entendons bien, il a dit : « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur l’Eglise. » Il n’a pas dit que l’Eglise ne serait pas humiliée ; il n’a pas dit qu’elle ne passerait jamais par le vendredi et le samedi saint ; il n’a pas dit qu’elle n’aurait jamais à devoir regagner la considération des chrétiens et de ceux qui ne le sont pas ; il n’a pas dit qu’elle ne connaitrait pas de profonds bouleversements. Il a dit : « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur l’Eglise. » Le Seigneur l’a dit et cela sera. A notre tour d’entrer résolument dans la foi pour que nous puissions, à la suite d’Abraham, espérer contre toute espérance.

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