Quelle 1° lecture étonnante nous avons entendue ! Elle est pleine de promesses, j’ai regardé de près, il n’y a pas une seule ligne qui ne contienne pas une promesse. Etonnante lecture en ce dernier jour avant l’entrée, demain, dans la semaine sainte. On s’attendrait de manière plus spontanée à un texte qui nous plonge dans une ambiance plutôt lourde, comme celui de Jérémie, hier, par exemple dont je vous relis les premiers versets : j’entends les calomnies de la foule : « Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés. Tous mes amis guettent mes faux pas, ils disent : « Peut-être se laissera-t-il séduire… Nous réussirons, et nous prendrons sur lui notre revanche ! » Avec de telles paroles, on était un peu plus dans l’ambiance d’approche de la semaine sainte. Mais, aujourd’hui, plus rien de cette ambiance lourde ! Je vais prendre les fils d’Israël parmi les nations où ils sont allés. Je les rassemblerai de partout et les ramènerai sur leur terre… Je les sauverai en les retirant de tous les lieux où ils habitent et où ils ont péché, je les purifierai… Je conclurai avec eux une alliance de paix, une alliance éternelle. Je les rétablirai, je les multiplierai, je mettrai mon sanctuaire au milieu d’eux pour toujours. Ma demeure sera chez eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. C’est presque un parfum de Pâques avant l’heure !
Je préparais cette homélie juste après avoir lu le discours de clôture de l’assemblée des évêques à Lourdes. Et j’ai été agréablement surpris de lire sous la plume de Mgr Eric De Moulins-Beaufort que l’assemblée de Lourdes aura aussi permis de respirer un parfum de Pâques avant l’heure. Voilà ce qu’il disait : sans doute aidés par le beau temps dont nous avons été gratifiés, nous avons vécu, pendant ces quatre jours, une sérénité discrète, impalpable, mais réelle et constatable, qui nous a été comme une anticipation de la joie du jardin de Pâques. Alors, le Seigneur a-t-il décidé cette année de nous offrir Pâques avant le Vendredi Saint ? Pas forcément, mais il a décidé de nous rappeler, avant la semaine sainte, que Pâques se profilait, et que cette fête aurait un parfum de joie, de paix d’autant plus grandes pour ceux qui auront eu à traverser de rudes épreuves.
C’est bien clair pour notre Eglise de France qui a été tellement secouée par la révélation à vitesse insoutenable des scandales tous plus sordides les uns que les autres. Il y a 2 ans, les évêques demandaient pardon dans une saisissante démarche mémorielle, nous avons tous en mémoire ces images si fortes et ces paroles si poignantes. Mais ensuite, il fallait passer aux actes, tout faire pour que l’Eglise devienne une maison enfin sûre. C’est ainsi que l’année dernière, ils mettaient en place les 9 groupes de travail qui ont rendu leur copie en début de semaine, aboutissant à 60 propositions dont la quasi-totalité ont été votées. Jouant la démarche de synodalité jusqu’au bout, les évêques confieront la plupart de ces décisions à leurs conseils pour qu’elles puissent être mises en œuvre par adhésion et non par contrainte. Oui, ces deux jours de travail nous auront permis de vivre une expérience de synodalité d’une rare intensité, tant dans le sérieux des échanges que dans la conscience que chacun avait de l’importance des enjeux et aussi de la confiance mutuelle. Cette expérience de synodalité a été vécue dans une fraternité qui sentait bon l’Evangile entre les baptisés-évêques et les baptisés laïcs ou clercs. C’est ainsi que Mgr de Moulins-Beaufort appelait les deux groupes qui se rencontraient ! C’est tout cela qui nous aura permis de vivre comme une anticipation de la joie du jardin de Pâques. Mais n’oublions pas que cette joie est venue après un douloureux vendredi saint et un très long samedi saint. Ne nous faisons pas illusion, il n’y aura jamais de résurrection pascale qui ne soit précédée du vendredi et du samedi saint.
Alors, si, dans le texte d’Ezéchiel, il y a cette même anticipation de la joie du jardin de Pâques, nous devons bien repérer que cet extrait que nous avons lu se situe au chapitre 37 du livre d’Ezéchiel, c’est-à-dire, juste après la vision des ossements desséchés. La joie que l’énoncé de ces multiples promesses fait naître vient donc, là aussi, après un douloureux vendredi saint et un long samedi saint, je parle en employant, bien sûr, ces mots au sens symbolique. Mais l’image des ossements desséchés est suffisamment parlante pour nous laisser pressentir par où le peuple aura dû passer avant que cette joie de la restauration ne puisse être expérimentée. Et puis, ne nous y trompons pas, dans le texte, il n’est pas dit que cette joie est pour tout de suite, que ces promesses vont s’accomplir immédiatement !
Un indice nous le laisse entendre, il est question, par deux fois de David dans ce texte. Au milieu du texte, il est dit : Mon serviteur David régnera sur eux ; ils n’auront tous qu’un seul berger. Et un peu plus loin : David, mon serviteur, sera leur prince pour toujours. Mais David, au moment où Ezéchiel écrivait, ça faisait belle lurette qu’il n’avait plus mal aux dents ! En effet Ezéchiel écrivait au temps de l’Exil à Babylone, c’est-à-dire au 6° siècle, alors que David régnait autour de l’an 1000 ! Pourquoi donc annoncer que les promesses se réaliseront quand David sera le chef du peuple alors qu’il est mort depuis si longtemps ? Tout simplement parce que la réalisation de ces promesses n’est pas pour tout de suite, c’est le Messie qui les accomplira, lui qui sera de la descendance de David. Quand Ezéchiel écrit ce texte, la joie de l’accomplissement des promesses n’est donc pas pour tout de suite, les ossements desséchés ne revivront pas tout de suite, mais il annonce que l’accomplissement des promesses est aussi sûre que la venue du Messie.
Et le Messie, c’est de lui dont il est question dans le texte d’Evangile. Seulement, nous comprenons que pour accomplir sa mission, il devra payer le prix cher. Surtout, n’allons pas penser, comme certains ont pu le penser dans le passé que c’est Dieu qui a fixé ce prix. Vous avez sans doute entendu ces raisonnements vaseux qui expliquaient que Dieu avait été offensé par le péché des hommes et qu’il exigeait une réparation pour qu’il puisse à nouveau regarder les hommes avec amour. Oui, mais comme l’offense a été donnée à Dieu qui est un être parfait, seul un être parfait pouvait réparer l’offense et Dieu avait fixé le prix ; il faudrait que l’être parfait, qui s’engageait à payer, donne sa vie. Dieu ne pourrait se contenter de moins ! Dans ce raisonnement, c’est bien Dieu qui a fixé le prix et le prix, c’est la vie de son Fils offerte en sacrifice dans des souffrances extrêmes, seules capables de réparer l’offense. C’est ainsi que, par exemple, on a entendu Bossuet dire dans l’un de ses célèbres sermons : « Tu te jettes, o Jésus dans les bras de ton Père et tu te sens repoussé, tu sens que c’est lui qui te persécute, qui te frappe, lui qui t’abandonne, lui qui t’écrase sous le poids énorme et insupportable de sa vengeance… La colère d’un Dieu irrité : Jésus prie et le Père, fâché, ne l’écoute pas ; c’est la justice d’un Dieu vengeur des outrages reçus ; Jésus souffre et le Père ne s’apaise pas ! Mon Dieu, mais comment on a pu dire des choses comme cela ? Pas étonnant que tant de gens aient eu peur de Dieu !
Non, le prix à payer, il n’a pas été fixé par Dieu mais par ceux qui ont décidé de sacrifier Jésus pour que les romains ne soient pas trop irrités et ne leur fassent subir des représailles : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. Ce qu’ils ne savaient pas, ou plutôt ce qu’ils avaient oublié, c’est que d’un mal, Dieu peut toujours tirer un bien. Et cette parole de Caïphe qui est d’un cynisme affligeant deviendra l’une des plus grandes prophéties. Pour autant, il faudra que, lui, Jésus, accepte de consentir non pas à ce que le Père exigeait mais à ce que les hommes ont tramé. Il faudra que Jésus accepte non seulement de le vivre mais de le vivre dans l’amour y compris à l’égard de ceux qui le faisaient mourir. Il consentira, non sans combat, la nuit de Gethsémani l’atteste, mais il consentira. Et la prophétie de Caïphe se réalisera et elle marquera l’accomplissement des prophéties énoncées par Ezéchiel, c’est ce que laisse entendre St Jean dans le commentaire qu’il va faire de la parole de Caïphe : Ce qu’il disait, là, ne venait pas de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation ; et ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés.
Merci Seigneur de nous permettre de respirer dès aujourd’hui un parfum qui est comme une anticipation de la joie du jardin de Pâques. Merci surtout d’avoir consenti à vivre tout ce que tu as dû vivre dans l’amour. Demain, nous en entendrons à nouveau le récit dans la passion et tout au long de la semaine sainte, nous le méditerons encore pour que jamais nous ne tombions dans l’ingratitude.
Merci Seigneur pour le doux parfum de cette homélie…
Oui, vous avez bien raison: « nul n’atteint l’aube sans passer par le chemin de la nuit ». C’est une citation de Khalil Gibran, le poète libanais, qui me parle bcp depuis quelques années et encore dans la traversée de cette 4ème « nuit »…
Merci d’avoir accepté d’être nommé expert pour ces travaux, très cher P. Hébert. Merci de les avoir rendus cette semaine à Lourdes. Quel bonheur de voir l’élaboration d’une structure de lutte… J’ai aussi entendu qu’un groupe de travail spécial plancherait sur le cas des victimes majeures d’abus (car d’elles bizarrement on ne parle pas clairement).
Merci Seigneur pour tout !
Bonne avancée vers Rameaux, très cher P. Hébert. En udp avec vous à vis intentions.